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Recul de la croissance : François Fillon en pompier pyromane

Nicolas Maury

Réunion de crise à Matignon lundi face aux craintes de récession, après l’annonce des mauvais résultats économiques : le Premier ministre François Fillon a affirmé que la France n’avait "pas besoin d’un plan de relance", mais de "réformes de structures"

Recul de la croissance : François Fillon en pompier pyromane
Le Premier ministre a réuni lundi 18 août les ministres concernés. Mais quelles sont les marges de manœuvres d’un gouvernement qui a déjà opéré des choix budgétaires favorables aux plus aisés tels le paquet fiscal ? point que la crainte d’un nouveau plan de rigueur vient à l’esprit de l’opposition de gauche qui pointe les responsabilités du gouvernement Sarkozy-Fillon dans cette crise.

A l’issue de la rencontre inter-ministérielle, François Fillon a d’ailleurs affirmé que la France n’avait "pas besoin d’un plan de relance". "Nous n’avons pas besoin d’un plan de relance, qui serait un plan de relance artificiel", a-t-il déclaré, plaidant pour des "réformes de structure".

Selon le Premier ministre, il "n’est pas raisonnable de parler de récession" et l’année 2008 sera celle d’une "croissance positive" en France. Ces annonces faisaient suite aux mauvais résultats économiques publiés jeudi par l’INSEE.

Recul de la croissance

Le produit intérieur brut de la France s’est contracté de 0,3% au deuxième trimestre par rapport aux trois mois précédents après une croissance de +0,4% (révisée de +0,5%) au premier trimestre, selon les résultats provisoires des comptes nationaux publiés jeudi par l’Insee.

L’Allemagne a annoncé de son côté une contraction de 0,5% de son PIB au deuxième trimestre, l’Italie de 0,3%. C’est la zone euro qui subit ce recul économique.

L’économie de la zone euro s’est contractée de 0,2% au deuxième trimestre comparé au premier, soit le premier recul du Produit intérieur brut (PIB) depuis la création de la zone, selon des données publiées jeudi par l’office européen des statistiques Eurostat.

C’est la plus mauvaise performance réalisée par l’économie de la zone euro depuis sa création. Jusqu’ici, la pire situation remontait au deuxième trimestre 2003, avec une croissance nulle.

Le mauvais chiffre du deuxième trimestre pourrait alimenter les craintes d’une récession dans la zone euro, un risque évoqué depuis plusieurs semaines par certains économistes.

Mauvaise surprise

Pour la France, vingt-neuf économistes interrogés par Reuters tablaient en moyenne sur une croissance de 0,2% en avril-juin mais beaucoup craignaient une mauvaise surprise au vu de la dégradation des indicateurs économiques publiés ces dernières semaines. Le chiffre est encore plus mauvais.

La ministre de l’Economie Christine Lagarde a toutefois tenté de minimiser la portée de ce chiffre sur France Inter en parlant d’un "ralentissement économique auquel on s’attendait ".

"Toute personne qui crierait au loup à la récession aurait un trimestre d’avance", ajoutait la ministre, rappelant qu’une récession correspond à une "contraction du PIB durant deux trimestres consécutifs".

Cette baisse de la croissance se décline dans tous les domaines. En France, les dépenses de consommation des ménages, jusqu’à l’année dernière un des moteurs de la croissance, ont peu évolué au deuxième trimestre (+0,1% après -0,1% au premier trimestre), selon l’Insee. Les investissements ont chuté de 1,5% après +0,7% au trimestre sous l’effet des baisses conjointes des investissements des entreprises non financières (-1,0% après +1,2%) et de celle des ménages (-2,9% après -0,1%).

Les exportations ont diminué (-2,0% après +2,4% au premier trimestre de 2008) ainsi que, dans une moindre mesure, les importations (-0,3% après +1,8%).

La contribution du solde extérieur à l’évolution du PIB s’établit ainsi à -0,5 point (après +0,1 point). La contribution des variations de stocks s’élève quant à elle à +0,3 point, après +0,1 point au trimestre précédent.

Récession, dites-vous ?

"On peut quasiment parler de récession industrielle", juge Nicolas Bouzou, d’Asterès, qui s’inquiète du recul "très rapide" de la production, revenue "à son plus bas depuis le premier semestre 2006".

Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, avait réfuté sur France-Info ce terme de récession, estimant que le "léger tassement de l’activité industrielle" était lié aux difficultés mondiales de la production automobile et constituait "évidemment le contrecoup du pétrole élevé".

Pourtant, le recul global de la production industrielle s’ajoute à la litanie de mauvaises nouvelles de ces dernières semaines.

Le déficit commercial s’est encore creusé au premier semestre, atteignant 24,387 milliards d’euros contre 15,801 milliards un an plus tôt. La consommation est tombée dans le rouge en juin, même si elle reste à la hausse sur un an.

Le moral des industriels est au plus bas depuis depuis 3 ans, et celui des ménages depuis 20 ans.

Vu ces mauvais indicateurs, la croissance du deuxième trimestre, qui sera publiée le 14 août, est attendue faible. "Tous les voyants sont dans le rouge, ce qui ne peut que renforcer nos craintes d’une très mauvaise surprise pour la croissance du deuxième trimestre", estime Alexander Law, de Xerfi. Nicolas Bouzou table, lui, sur une hausse du PIB limitée à 0,1 ou 0,2% au deuxième trimestre et sur 1,4% ou 1,5% pour 2008. Le gouvernement espère entre 1,7% et 2% de croissance, mais reconnaît qu’elle risque d’être proche du bas de cette fourchette.



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