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Russie: "Pourquoi je vote communiste"

Perspective communiste

Plus de vingt ans après la fin de l'URSS, le Parti Communiste de la Fédération de Russie reste le deuxième mouvement politique du pays, après le poutinisme. A Saint-Pétersbourg, trois jeunes militants expliquent pourquoi ils voteront pour Gennadi Ziouganov, le candidat communiste à la présidentielle du 4 mars

Ils sont jeunes, diplômés d'écoles de gestion ou de commerce et... ils voteront communiste, dimanche 4 mars, à l'occasion de la présidentielle. L'un est ingénieur, l'autre jeune entrepreneur (il vient d'ouvrir son deuxième fast-food), le troisième travaille dans une société qui vend des portes de garages à ouverture automatique. Nés à l'époque de la "perestroïka" de Mikhaïl Gorbatchev, ils ont tous les trois 25 ans. Dimanche, Andreï Arjanej, Vladislav Krot et Dmitri Svankov glisseront un bulletin au nom du candidat communiste, Gennadi Ziouganov.

Le jeune capitaliste Vladislav Krot, patron de deux fast-food, n'y voit aucune contradiction: "Ziouganov veut soutenir les jeunes entrepreneurs, le PME et le business privé, explique-t-il dans les locaux d'une section locale du PC russe, dans une banlieue de Saint-Pétersbourg. Le programme de nationalisations qui figure au programme du Parti ne concerne que les matières premières et les grandes entreprises."

Pour le jeune ingénieur Andreï Arjanej, le choix du vote communiste est également tout naturel. "Dans la Russie actuelle, tous les postes clés, toutes les bonnes places sont occupées par les membres de la Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine. Ils contrôlent tout et sont indélogeables. Voter communiste est la seule façon de faire bouger le système." En clair: puisque toutes les places sont déjà accaparées par une génération de poutinistes qui ne font aucun cas des jeunes, autant miser sur un autre cheval.

Et pourquoi pas s'opposer à Poutine en manifestant dans les rues avec le bloggeur anti-corruption Alexeï Navalny? "Lui, c'est un traître qui travaille pour les services secrets occidentaux dont le projet est d'affaiblir la Russie, répliquent en choeur les trois diplomés d'études supérieures. Cet homme-là n'arrivera jamais au pouvoir", prédisent-ils.

"Auparavant, j'étais membre des Nashis (mouvement de la jeunesse poutinienne), raconte, pour sa part, l'entrepreneur Vladislav Krot. Lorsque j'ai travaillé pour eux, je n'ai reçu que des promesses. Ainsi, j'ai participé à de nombreuses actions et manifestations patriotiques, mais sans jamais être payé. Quand je leur ai parlé de ma volonté d'ouvrir un second restaurant, les cadres de cette organisation poutinienne m'ont assuré qu'ils me soutiendraient. Mais au bout d'un an, ils ne m'avaient toujours rien donné."

En 2011, le pragmatique Vladislav est donc allé trouver le député communiste du coin, un élu dynamique, âgé de 38 ans, qui l'a accueilli à bras ouvert. "Deux mois plus tard, j'ouvrais mon deuxième établissement. Ici, quand les gens apprennent que tu es proche de quelqu'un de connu, toutes les portes s'ouvrent..." C'est d'ailleurs au sein du Parti communiste qu'il s'est lié d'amitié avec ses deux autres camarades, eux aussi fraîchement convertis au "communisme du XXIe siècle".

Tous trois sont nostalgiques de l'ère soviétique, qu'ils n'ont pourtant pas connu. "A l'époque, tous les jeunes ingénieurs diplômés trouvaient un emploi dès la fin des études. Moi, quand j'ai terminé ma formation d'ingénieur, en 2009, j'ai trouvé un emploi dont le salaire était ridicule, comparable à celui d'un ouvrier", détaille Andreï Arjanej. Le camarade Dmitri Svankov renchérit: "Au temps de l'URSS, tous les jeunes parents pouvaient compter sur des places en crèches pour leurs enfants. Aujourd'hui, il y a une liste d'attente longue comme ça. A croire que les crèches sont prévues pour les ados de 15 ans! Sans même parler du prix des couches culotte et des vêtements pour bébés, plus personne n'a les moyens de faire des enfants. Ce qui explique la chute de la natalité, en Russie."

Lorsqu'on rappelle à ces "camarades" que le système soviétique était, malgré tout, un système totalitaire où les libertés d'expression, de réunion et de circulation étaient réprimées, les contre-arguments fusent. "Ce sont les Soviétiques qui ont gagné la Seconde guerre mondiale!", dit l'un. "A l'époque, la société était organisée et les jeunes n'étaient pas tentés de choisir la voie de la délinquance", ajoute l'autre. "En plus, complète le troisième, l'URSS était un grand pays, leader dans le domaine des sciences, de l'éducation et de la conquête spatiale. Aujourd'hui, la Russie, c'est quoi? Juste un grand espace traversé par des gazoducs."

Pour finir Andreï, Vladislav et Dmitri, tournent leur regard vers l'Est: "Autrefois, on se moquait des Chinois. Aujourd'hui, on porte tous des vêtements chinois. Et ce pays communiste est devenu la deuxième puissance mondiale, à notre place." Un exemple qui fait rêver les trois camarades de cette nouvelle garde communiste.

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/russie-pourquoi-je-vote-communiste_1087030.html


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