Perspective Com
Sarkozy attaque le droit de grève

Nicolas Maury

Un avant-projet de loi, transmis hier au Conseil d’État, vise à restreindre l’usage du droit de grève et à en limiter les conséquences sur l’activité des entreprises

Demain c'est la troupe qui tirera sur les grévistes
Demain c'est la troupe qui tirera sur les grévistes
Le président de la République a lancé son offensive contre le droit de grève. Comme il l’a annoncé lors de l’entretien télévisé qu’il a accordé mercredi soir sur TF1, les « partenaires sociaux » ont été reçus hier par le ministre du Travail, Xavier Bertrand, qui leur a présenté le contenu de l’avant-projet de loi qui devait être transmis au Conseil d’État dès hier au soir.
Ce document que l’Humanité s’est procuré, loin de se limiter à la mise en place de mécanismes de prévention des conflits, encadre en fait l’usage du droit de grève de manière à le restreindre et à en limiter l’impact sur l’activité des entreprises.

restreindre les prérogatives des syndicats

-Le premier volet de l’avant-projet impose le principe « d’une négociation obligatoire dans les entreprises de transport public qui doit aboutir à la signature d’un accord cadre avant le 1er janvier 2008 », portant sur la prévention des conflits. Ces négociations pourront être également engagées « au niveau de la branche ».

-Le texte gouvernemental prévoit aussi qu’« un décret du conseil d’État interviendra, après le 1er janvier 2008, pour traiter le cas des entreprises où les négociations collectives auront échoué ». Si le contenu de « l’accord cadre » doit contraindre les entreprises à réunir les organisations syndicales qui ont déposé un préavis de grève « dans un délai qui ne peut excéder trois jours » afin de tenter d’éviter par la négociation le déclenchement du conflit, il déterminera « les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification, à l’entreprise, des motifs pour lesquels elle envisage de déposer un préavis ». Le texte vise ainsi à restreindre les prérogatives des syndicats.

-L’article 3 stipule ainsi qu’« un nouveau préavis ne pourra pas être déposé par la ou les mêmes organisations avant l’échéance du préavis en cours ». Autrement dit, il interdit la pratique des « préavis glissants ». L’examen du deuxième volet relatif à l’organisation du service en cas de conflit confirme que, bien qu’il s’en défende, le chef de l’État est bel et bien déterminé à remettre en cause le droit de grève, pourtant constitutionnel.

-L’article 5 prévoit ainsi l’instauration « d’une déclaration préalable d’intention » qui contraint le salarié à informer, « au plus tard quarante-huit heures avant le début de la grève », l’entreprise de son intention d’y participer. S’il ne se soumet pas à cette règle, il « est passible d’une sanction disciplinaire ».

-Outre que ce mécanisme, comme le dénonce la CGT, permettra aux employeurs de se livrer « à des intimidations » auprès de leurs salariés pour tenter de les faire renoncer à user de leur droit, il leur offre la possibilité de connaître à l’avance l’impact de la grève et d’en limiter les conséquences en procédant au remplacement des grévistes à leur poste de travail.
Ce dispositif a pour objectif de mettre en place un plan de transport minimum, « les autorités organisatrices définissant les dessertes prioritaires ». L’avant-projet offre enfin au patronat l’outil rêvé pour briser un conflit.

-L’article 6 stipule ainsi qu’« au bout de huit jours de grève, une consultation peut être organisée par l’entreprise » sur la poursuite de celle-ci. Et le texte de préciser que « les conditions du vote sont définies par l’entreprise ».

un secteur stratégique pour l’économie

Pour justifier cette offensive contre le droit de grève, l’avant-projet met en avant « la liberté d’aller et venir » et « la liberté du travail ». Manière d’opposer les usagers et les salariés des transports. Reste que les véritables motivations du gouvernement sont plutôt à chercher, comme le stipule l’article 4, du côté de « la liberté du commerce et de l’industrie ».

Les transports étant un secteur ô combien stratégique pour le fonctionnement de l’économie capitaliste. De ce point de vue, les déclarations du président de la CGPME, Jean-François Roubaud, sont éclairantes. Ce dernier a affirmé que le ministre du travail, Xavier Bertrand, s’est montré favorable, après expérimentation dans les transports, à une extension à La Poste du projet de loi.



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