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Sarkozy aux Etats-Unis : La fascination du modèle américain

Nicolas Maury

Peut-être faudrait-il, en s’y prenant en douceur, prévenir Sarkozy. Non, Bush n’est pas et ne sera jamais l’un des grands dirigeants dont pourrait rêver la planète. En tout cas, s’il n’est pas encore out, il n’est certainement plus in. Le Chef de l’Etat sera-t-il l’un des derniers au monde à s’en apercevoir ?

Sarkozy aux Etats-Unis : La fascination du modèle américain
Se faire adouber par lui, c’est l’être par un sabre en bois. L’Amérique est une grande nation, d’un dynamisme et d’une créativité à maints égards remarquables. C’est constitutionnellement – moins dans les faits- une grande démocratie. Mais la « passion américaine » du président français a quelque chose de compulsif. On se souvient de sa première visite à Bush au cours de laquelle il s’était donné l’air du second de la classe qui fayote auprès du maître pour devenir le premier, comme de ses vacances luxueuses avec barbecue chez les Bush.

Cette nouvelle visite se veut totalement politique. Il s’agit très clairement de signifier à la France et un peu aux Américains, dont on peut pourtant parier qu’ils ne s’en préoccupent guère, qu’une page est tournée, de De Gaulle à de Villepin intervenant à l’ONU, contre la guerre en Irak. Petit doigt sur la couture du pantalon dans l’Otan. Mano à mano sur le nucléaire iranien avec les dangers que cela comporte. Souvenons nous de l’assurance à ce propos de l’atlantiste Kouchner voici quelques semaines, répondant à un journaliste : »La guerre, monsieur, la guerre ! ».

Étrange démarche tout de même et drôle de contretemps quand l’opinion américaine doute comme jamais de l’acharnement de son président dans sa politique irakienne, quand le Congrès lui dispute de nouveaux crédits, quand l’image des Etats-Unis dans le monde n’est déjà plus ce qu’elle fut après l’effondrement de l’URSS et que le monde unipolaire, sous leur direction, semble déjà derrière nous, quoi qu’il en soit de leur puissance économique et militaire comme de leurs réseaux d’influence. Qui pourrait croire encore que les USA et Bush emmènent le monde entier vers des lendemains qui chantent ?

Sarkozy lui même n’y croit sans doute pas. On l’espère du moins. Mais sa fascination pour le modèle américain vu avec des Ray Ban est ailleurs et totalement idéologique. Pour lui, c’est le symbole même d’une autre culture qui célèbre la richesse, la réussite personnelle et occulte les solidarités. C’est un pays ou semblent s’appliquer ces mots de Baudelaire : »La justice fera bien interdire les citoyens qui n’auront pas su faire fortune ». A-t-on oublié qu’il avait déjà vanté voici quelques années la « tolérance zéro » à New York, laquelle avait nettoyé la ville de ses pauvres...pour les mettre plus loin. Un bon coup de Karcher. Ce qui l’inspire, c’est une économie où la recherche du profit s’applique à l’ensemble de la société comme à la maladie et jusqu’à la mort.

Un pays sans vraie sécurité sociale, sans vrai système de retraite, où les personnes âgées modestes doivent trimer pour s’en sortir et où la pauvreté grandit en silence quand s’étale l’insolence des fortunes. Les USA ne sauraient se réduire à cela mais c’est cela que Sarkozy y cherche, alors même que ce modèle s’essouffle et que l’économie mondiale en souffre. C’est bien la crise là bas, de l’immobilier, avec les terribles souffrances sociales et humaines provoquées par les subprimes qui a déclenché une crise boursière dont nul ne peut assurer qu’elle est terminée, avec faillites en cascade et licenciements en rapport. Entre autres.

Faudrait-il rappeler à Sarkozy que l’histoire politique et sociale de la France n’est pas celle des Etats Unis ? A moins qu’il ne s’en aperçoive très vite.


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