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Ségolène Royal, droite ou gauche ?

Perspective communiste

Le sociologue Pierre Bourdieu explique comment certains responsables politiques dits de gauche, sont en fait de droite. Il prend l'exemple de Ségolène Royal.



Lors de sa cérémonie d’intronisation comme candidate officielle du PS, le dimanche 26 novembre, s’adressant à un parterre de responsables du Parti Socialiste, Ségolène Royal appelait de nouveau le parti à l’unité, pour «gravir la montagne» qui conduirait à la victoire, exaltant les traditions du PS incarnées par Jaurès, Blum et Mitterrand.

Inscrivant son combat dans la lignée féministe, elle se revendiqua des combats menés par Olympe de Gouge, Louise Michel et Rosa Luxemburg, oubliant que ces militantes révolutionnaires avaient marqué, au moins pour les deux dernières, l’histoire du mouvement ouvrier par des combats dépassant celui du féminisme.

La veille, la candidate du PS s’était rendue à Bondy, la ville de la banlieue parisienne dans laquelle, quelques mois auparavant, elle avait lancé l’idée d’encadrer les jeunes délinquants ou prédélinquants par des militaires. Cette fois, elle a parlé à la jeunesse sous un autre angle, celui du chômage, lui proposant ce qu’elle a appelé, pompeusement, son «pacte de Bondy». «Je veux, a-t-elle déclaré, que la République partout réalise ce droit d’accès au premier emploi, et j’en fais serment devant vous», mais en se gardant de préciser comment elle ferait pour que cet engagement ne la transforme pas en parjure si elle est élue.

Elle s’est bornée à lancer quelques pistes, façon commode de ne rien dire de clair, et de laisser place à l’imagination des auditeurs. Elle a évoqué l’idée de reprendre les emplois-jeunes. Cette formule, mise en place par le gouvernement Jospin, avait certes permis de dépanner un certain nombre de jeunes durant un certain temps, sans que cela règle le problème du chômage en général ni même celui du chômage des jeunes. Et il ne faudrait pas oublier que le patronat, sollicité pour participer à l’initiative à parité avec l’État et les collectivités locales, s’était totalement abstenu de prendre sa part de cette expérience.

Dans la foulée, la candidate des socialistes a même proposé de créer des emplois parentaux inspirés de la formule appliquée aux jeunes «pour que chaque adulte ait le sentiment de son utilité et puisse transmettre à ses enfants le sens de l’effort et de la dignité au travail». Comme si les salariés, femmes ou hommes d’Aubade, en Haute-Vienne, ceux d’Airbus, les dizaines de milliers de travailleurs jetés à la rue par les décisions de leur patron avaient besoin des leçons de morale de la professeur Royal pour transmettre à leurs enfants le sens de la dignité. Leur vie d’exploitation leur enseigne autre chose: le sens de l’injustice d’un système économique qui, après les avoir exploités, les rejette dans le chômage, la précarité et la pauvreté... et, il faut le souhaiter, la colère et surtout le sens de la révolte.

Ségolène Royal serait mieux inspirée de réserver ses leçons au patronat, à ceux qui sont responsables de la situation faite aux jeunes et à leurs parents.

Mais, comme par hasard, elle n’en parle guère. Et, en tout cas, elle ne demande pas aux grands patrons et aux actionnaires de réparer les dégâts qu’ils provoquent quand ils décident de fermer une usine ou de déplacer la production.

Et si Ségolène Royal reste muette sur cet aspect, ce n’est pas parce qu’elle ignorerait l’existence des capitalistes ni qu’elle serait à court de vocabulaire, c’est tout simplement qu’elle ne veut pas s’attaquer à eux. Pas plus que ne l’ont fait les précédents gouvernements socialistes.



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