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30 millions d’euros offert par l’État à Liliane Bettencourt au titre du "bouclier fiscal" et vous ?

Nicolas Maury

La révélation du remboursement de 30 millions d’euros par l’État à Liliane Bettencourt relance le débat sur la légitimité du bouclier fiscal. Éric Woerth persiste à nier un quelconque « conflit d’intérêts » - l'Humanité

La saga de l’été ? Liliane Bettencourt aurait touché, au titre du bouclier fiscal, 30 millions d’euros en mars 2008, selon le site d’informations Mediapart. Ce nouveau rebondissement resserre encore l’étau autour d’Éric Woerth, ministre du Budget au moment des faits. Le remboursement a été effectué après que Liliane Bettencourt a « sollicité par courrier l’administration fiscale » dans une lettre adressée « entre la fin du mois de janvier et le début du mois de février 2008 ». Trente millions d’euros d’étrennes, quelques semaines seulement après que l’héritière de L’Oréal a invité à dîner le ministre dans son hôtel particulier. Hier, une question tournait en boucle : était-il au courant de cette fabuleuse ristourne ?

Selon Bercy, qui produit une instruction interne aux services fiscaux, « l’aval du ministre de tutelle n’est pas requis, tant pour le calcul que pour le virement et quel que soit (son) montant ». Traduction de Vincent Drezet, secrétaire général du Syndicat national unifié des impôts : « C’est le directeur départemental (des services fiscaux -NLDR) qui est compétent, sans limitation de montant. » Légalement, les services ont « bien fait leur travail », selon le syndicaliste. Mais « ce bouclier fiscal est illégitime : il bénéficie à ceux qui ont le patrimoine le plus élevé ». Autre question soulevée, le contrôle régulier des grandes fortunes.

Pour les dossiers dits « à fort enjeu » (plus de 3 millions d’euros de patrimoine et 220 000 euros de revenus annuels), il existe une procédure de contrôle interne, sur pièces, tous les trois ans. Mais le contrôle dit externe, sur place, ne concernerait, selon Vincent Drezet, que 4 000 contribuables par an…

Hier, de nouvelles révélations sont venues alimenter les soupçons sur les liens entre le ministre, à la fois responsable de la bonne tenue du budget de l’État et trésorier de l’UMP, son épouse et une contribuable présumée fraudeuse, par ailleurs donatrice audit parti. La première confirme le « conflit d’intérêts ». La Tribune de Genève cite un banquier suisse qui confie que Florence Woerth « était vue très souvent dans le “family office” (la banque privée – NDLR) de la milliardaire française ». Selon lui, « Éric Woerth ne pouvait ignorer que sa femme se trouvait très régulièrement à Genève ». Lui-même y a collecté des fonds auprès des « plus grandes fortunes françaises exilées en Suisse romande, en mars 2007, poursuit le journal. Il ne cherchait pas alors à savoir si les chèques qu’on lui remettait étaient prélevés sur des comptes suisses non déclarés au fisc français. » La deuxième révélation pourrait avoir des répercussions sur tout le monde politique. La comptable de Liliane Bettencourt jusqu’en 2008 « avait un accréditif auprès d’une banque pour retirer (...) 50 000 euros par semaine », selon son avocat, interrogé sur RMC. Elle notait « précisément (à qui) était remis » cet argent, qui pourrait avoir été distribué à des hommes ou des partis politiques. Bientôt de nouveaux épisodes de la saga.

Manon Ferrandi et Grégory Marin


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