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Affaire Dreyfus

Nicolas Maury

1906-2006 les 100 ans de l'innocence du capitaine Alfred Dreyfus.

Affaire Dreyfus
L'affaire Dreyfus, appelée souvent l'Affaire par les contemporains, est l'une des crises les plus graves de la Troisième République française tant par ses répercussions politiques que par le trouble moral qu'elle entraîna dans le pays et l'armée française au moment où le conflit latent de la France avec l'Empire allemand se réveillait. C'est à l'origine une simple affaire d'espionnage dont les dessous restent encore aujourd'hui très obscurs, devenue politique par ricochet, sur fond de polémique judiciaire et militaire, puis rapidement antisémite, nationaliste et religieuse. Elle est considérée par l'historiographie comme l'un des épisodes fondateurs par ses conséquences de la politique française contemporaine et de l'idéologie républicaine dominante encore aujourd'hui. Elle porte le nom de son principal protagoniste, le capitaine Alfred Dreyfus, condamné sans preuves tangibles, puis gracié, relaxé et finalement réhabilité.

Dreyfus était un coupable idéal; il est alsacien d'origine juive, mais surtout, comme beaucoup d'agents de renseignement français, il avait une connaissance parfaite de la langue, de la culture et du territoire allemand. On sait aujourd'hui qu'Alfred Dreyfus était innocent, l'accusation étant basée sur de faux documents, émanant peut-être d'ailleurs de l'un ou l'autre des services de renseignement des deux puissances, habitués aux opérations d'intoxications croisées.

Le ministre de la Guerre, le général Auguste Mercier, proche des républicains progressistes (opportunistes) au pouvoir, après l'aval du président du Conseil Charles Dupuy et du chef de l'État et des armées, le président Félix Faure et consultation du cabinet ministériel, décide donc d'arrêter Dreyfus comme coupable probable, de l'inculper et de le déférer devant un Conseil de guerre.

Dreyfus est arrêté le 15 octobre et incarcéré à la prison du Cherche-midi. Le 31 octobre. Le 22 décembre Dreyfus est condamné à la dégradation militaire - qui aura lieu le 5 janvier 1895 dans la cour de l'École militaire - et à la déportation au bagne de l'Île du Diable en Guyane. La peine est sévère (l'Île du Diable est dans les faits une quasi-condamnation à mort), même pour une affaire d'espionnage militaire. Le prisonnier est au secret du fait de la nature même de l'affaire touchant à la sécurité nationale.

Mathieu Dreyfus, frère de l'accusé, est convaincu de l'innocence de son frère et réussit à convaincre le journaliste juif, libre-penseur, anticlérical, antimilitariste et anarchiste Bernard Lazare de se pencher sur les zones d'ombre de la procédure. Leur campagne en faveur de la révision, relayée petit à petit, d'abord surtout dans la presse d'extrême gauche, antimilitariste et anticléricale déclenche en choc en retour une vague d'antisémitisme très violente dans l'opinion et les organes cléricaux et conservateurs.
Le lieutenant-colonel Georges Picquart pourtant, nouveau chef du service de renseignement, bien que notoirement catholique et antisémite fait part à ses supérieurs de ses soupçons sur un officier d'origine hongroise, donc lui aussi originaire d'un pays potentiellement ennemi, l'Empire austro-hongrois, le commandant Esterhazy. Mais les républicains modérés au pouvoir qui ont fait condamner Dreyfus et qui ne veulent surtout pas donner du grain à moudre à leurs adversaires conservateurs ou radicaux après avoir obtenu le ralliement des catholiques à leur régime en étant accusés de philosémitisme et d'antimilitarisme, font tout pour empêcher une possible révision.

Le 25 novembre, Émile Zola, entre-temps convaincu de l'innocence de Dreyfus, publie un premier article dans Le Figaro, qui ne tardera pas à se désengager de ce qui est désormais « L'Affaire », puis le 13 janvier 1898, il publie en première page de L'Aurore, un article intitulé : J'accuse, adressé au président de la République Félix Faure, article qui fait l'effet d'une bombe (voir aussi Les Preuves, de Jean Jaurès).

Un mouvement dit dreyfusard se forme pour défendre Alfred Dreyfus (Jaurés, Zola...), soutenus surtout par des républicains radicaux, dont certains comme Clemenceau sont surtout désireux de faire oublier le scandale de Panama, puis par des socialistes jaurésiens
L'affaire prend alors une tournure ouvertement politique. A côté des partisans sincères de la culpabilité ou de l'innocence de Dreyfus apparaissent les dreyfusistes et les anti-dreyfusistes qui voient dans l'affaire pour les uns un moyen de remettre en cause la politique des modérés d'"apaisement" entre l'Église et la République et de s'attaquer à l'institution militaire jugée réactionnaire (les radicaux) ou même dangereuse par essence (les socialistes), pour les autres (monarchistes, républicains conservateurs ou cléricaux intransigeants) au contraire le moyen de prendre leur revanche sur les modérés, jugés trop proches des milieux juifs, protestants ou maçons et sur leurs nouveaux alliés catholiques "ralliés".

Il s'en suivra une crise de régime importante, et par la même Dreyfus est réhabilité le 12 juillet 1906.


Commentaires (1)
1. la cara le 13/07/2006 12:35
Merci Nicolas pour ce rappel historique!
Amitiés
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