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Le CNE illégal, le contrat unique a du plomb dans l’aile

Nicolas Maury

La cour d’appel de Paris a confirmé que le contrat nouvelles embauches n’est pas conforme au droit international donc « pas applicable ».

Le CNE illégal, le contrat unique a du plomb dans l’aile
Voilà une décision judiciaire qui tombe à pic. Alors que le débat s’aiguise sur l’évolution du contrat de travail, la cour d’appel de Paris vient de porter un sérieux coup au contrat nouvelles embauches qui autorise un employeur à licencier sans motif pendant les deux premières années. Le délibéré rendu hier juge que le CNE « prive le salarié de l’essentiel de ses droits en matière de licenciement, le plaçant dans une situation comparable à celle qui existait - antérieurement à la loi du 13 juillet 1973 ». Qualifiant cette situation de « régression », le jugement complique un peu plus la justification du « contrat de travail unique » fondé sur une plus grande liberté de licencier laissée aux employeurs pendant les deux premières années.

Saisie suite à une décision rendue le 28 avril 2006 par le conseil des prud’hommes de Longjumeau, dans l’Essonne, la cour d’appel de Paris confirme toute l’argumentation de première instance. L’affaire avait fait grand bruit. Pour la première fois depuis l’instauration du CNE en août 2005, une décision judiciaire avait affirmé qu’en vertu de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, ratifiée par la France, un licenciement ne peut intervenir « sans qu’il existe un motif valable ». Le conseil de Longjumeau avait aussi considéré « déraisonnable » la durée de la période d’essai rendant le CNE non conforme au droit international dont la valeur juridique est supérieure aux lois françaises. Furieux, le gouvernement Villepin avait alors manoeuvré pour tenter, sans succès, de dessaisir la justice judiciaire en renvoyant l’affaire devant un tribunal administratif. Il s’appuyait sur la décision du Conseil d’État d’octobre 2005, l’autorisant à maintenir ce contrat, dont le petit frère, le CPE, a du être remisé devant la puissance du mouvement de contestation qu’il a déclenché.

La confirmation, par la cour d’appel de Paris, que la CNE « n’est pas applicable en l’espèce » contribue donc à clarifier la situation.

Le délibéré verse même au débat de nouveaux arguments. Il précise par exemple « qu’aucune législation de pays européens comparables à la France n’a retenu un délai aussi long durant lequel les salariés sont privés de leurs droits fondamentaux en matière de rupture du contrat de travail ». Il prend aussi à rebours toute l’argumentation de Nicolas Sarkozy et du patronat, en expliquant que « dans la lutte contre le chômage, la protection des salariés dans leur emploi semble être un moyen au moins aussi pertinent que les facilités données aux employeurs pour les licencier et qu’il est pour le moins paradoxal d’encourager les embauches en facilitant les licenciements ». Gêné aux entournures, le patronat pousse l’État à saisir la Cour de cassation. Les syndicats eux, l’invitent à la raison.

« Rien ne justifierait que le gouvernement aille en cassation », a déclaré Maryse Dumas pour la CGT, considérant que « la période d’essai du CNE est terminée ». Jean-Claude Quentin (FO) y voit « un début de jurisprudence » et Jacky Dintinger (CFTC) une bonne piqûre de rappel pour la négociation en cours entre partenaires sociaux, dans laquelle « on a justement buté sur la question de la période d’essai ». Solidaires voit aussi dans cette décision un « argument supplémentaire » contre le « contrat de travail unique » de Nicolas Sarkozy.



Commentaires (1)
1. DORLET le 09/07/2007 22:31
Pour une analyse juridique de l'arrêt :
http://droitdutravailenligne.hautetfort.com/archive/2007/07/07/la-cour-d-appel-de-paris-sonne-le-glas-du-cne.html


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