Perspective Com
CNE

Nicolas Maury

Aubaine pour les patrons, effet nul sur l’emploi

CNE
Le contrat nouvelles embauches (CNE) a été créé il y a dix mois, en août 2005, sur décision de Villepin. Le ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement a effectué fin mars une enquête auprès des patrons d’entreprises de moins de vingt salariés, les seuls qui peuvent y recourir. Elle confirme point par point les objections de ceux qui contestaient cette mesure depuis sa création.

Sur les 440000 CNE qui auraient été signés, le Premier ministre Villepin (UMP) prétendait que 90% étaient toujours en vigueur. Les chiffres évoqués par le Premier ministre sont sans doute discutables. Mais ce qui ne l’est pas c’est que, selon le ministère de l’Emploi de la Cohésion sociale et du Logement, un quart des emplois CNE ont déjà disparu. La responsabilité de la rupture serait partagée à égalité entre salariés et employeurs -mais l’enquête n’interrogeait que ces derniers.

La Sécurité sociale a constaté que ces entreprises de moins de vingt salariés auraient diminué de 266000 leurs embauches en CDI et de 78000 celles en CDD. Cette baisse montre que la grande majorité de ces CNE se sont substitués à des embauches, que les patrons auraient faites de toute façon. Et les raisons de cette substitution sont évidentes: avec le CNE, la précarité du salarié est renforcée, il est licenciable à tout moment, sans que son patron ait à fournir de justification.

Vu les secteurs d’activité qui ont signé le plus de CNE, comme la réparation automobile, le commerce de gros, les services aux particuliers, il est probable que le CNE ait aussi remplacé pas mal de contrats d’intérim. Le CNE signifie donc la précarisation croissante des embauches: en 2005, 78% d’entre elles ont été en CDD! Et lorsqu’en mai, suite peut-être à certains jugements des Prud’hommes favorables à des salariés en CNE contestant leur licenciement, les embauches en CNE ont connu un ralentissement, les CDD de moins d’un mois ont fait un bond, jusqu’à représenter plus de la moitié des embauches.

Des journaux comme Les Echos et Le Monde affirment que «seuls 10% des CNE correspondent à de véritables créations d’emplois». Cette constatation n’est là que comme résultat d’une soustraction, à partir de chiffres bien incertains, résultant des déclarations patronales: 70% des CNE remplacent des CDI et des CDD qui auraient été conclus de toute façon, 20% sont des anticipations d’embauches prévues par ailleurs, restent donc 10%.

40000 emplois, 10% de créations d’emplois réelles, ce serait toujours ça, dira-t-on. Mais outre que cela ne justifierait pas des contrats au rabais, on peut douter même de cette estimation. Quelle serait la motivation de telles embauches en CNE? Si c’est une extension de la production, pourquoi les embauches n’auraient-elles pas pu avoir lieu avec d’autres contrats? Et il n’y a aucune raison, même en étant exonéré de charges, même en payant mal des travailleurs, qu’un patron embauche des salariés dont il n’aurait pas besoin.

Alors le CNE ne crée peut-être même pas un emploi supplémentaire. Mais ce qui est certain, c’est qu’il crée de la précarité.


Commentaires (1)
1. Nicolas le 21/07/2006 12:44
Derrière des chiffres trompeurs,le chômage ne régresse pas

Environ 33000 intentions d’embauche en CNE (contrat nouvelles embauches) auraient été signées en juin, ce qui porterait à 554000 le nombre d’embauches sous cette forme, depuis sa création en août 2005.

Ces chiffres se veulent rassurants et veulent justifier la politique gouvernementale en matière d’emploi. Pourtant l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss), qui a communiqué ces chiffres, souligne que le nombre de contrats signés n’a cessé de diminuer depuis janvier, passant d’un rythme mensuel de 65000 à 33000. Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier que l’intérêt de ces embauches -pour les patrons, s’entend- réside dans leur précarité et que, depuis août 2005, une bonne proportion d’entre eux ont déjà été résiliés. Le demi-million de contrats signés ne représentent donc pas autant d’emplois. Car, dans l’immense majorité des cas, il s’agit de remplacer des travailleurs en CDD ou en CDI par des travailleurs en CNE. Au point que seules quelque 40000 embauches en CNE représenteraient des créations d’emplois. Et encore, car bien des patrons qui ont recours au CNE avouent qu’ils auraient de toute façon embauché, et s’ils l’ont fait dans le cadre du CNE, c’est pour profiter des allégements de cotisations et des autres avantages liés à cette formule.

Il en va de même du prétendu recul des chiffres du chômage, annoncé depuis plusieurs mois par le gouvernement. Ceux qui pointent au chômage le savent bien : tout est prétexte, d’abord, à les dissuader de s’inscrire, ensuite à les faire disparaître des statistiques (en les changeant de catégorie, en les mettant en stage, en faisant pression pour qu’ils acceptent des emplois qui n’en sont pas vraiment...), voire à les radier purement et simplement des rangs des chômeurs indemnisés.

Borloo et Villepin ont beau tripatouiller les chiffres et manœuvrer dans tous les sens pour faire croire à une embellie, le nombre de salariés touchés par le chômage ne recule pas. Et comment pourrait-il en être autrement puisque qu’il n’est question dans l’actualité que de suppressions d’emplois, de licenciements et de fermetures d’entreprises ?
Nouveau commentaire :