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Entretien avec Nikolai V. Volovich, secrétaire du Comité Central du Parti Communiste du Bélarus(1), le 28 mai 2015, à Minsk - article et interview Loïc Ramirez


«Notre parti n’est pas dans l’opposition mais n’est pas non plus au pouvoir!»
Le Bélarus est une petite nation (de par sa taille, à peine dix millions d’habitants) méconnue du grand public en France. Anciennement république soviétique membre de l’URSS elle est devenue indépendante en 1991. L’arrivée au pouvoir du président Alexandre Loukacheko en 1994 a marqué le refus d’entreprendre le virage néolibéral entamée par l’ensemble des pays ex-soviétiques. Victime de sanctions de la part de l’Union Européenne et des Etats Unis depuis plusieurs années le pays souffre la plupart du temps d’une campagne de dénigrement médiatique qui empêche toute analyse sérieuse à son égard.

Quel est l’histoire du Parti Communiste du Bélarus?

Le Parti Communiste prend ses origines à la fin du XIX° siècle. En 1898, ici, à Minsk, nous avons eu la première réunion du Parti Socialiste Démocratique Russe. C’est ici que le parti communiste prend ses racines. Le 1er janvier 1919 on prononce l’existence de la République du Bélarus (au sein de l’URSS) et est alors créé le Parti Communiste du Bélarus (“Коммунистическая партия Белоруссии” ou “КПБ”). Après la chute de l’Union Soviétique, l’existence même du PC du Bélarus a dû être défendu. En 1996 est créé le Parti des Communistes Biélorusses. Ce dernier prend rapidement un tournant différent à celui entreprit par le président de la République, Alexandre Loukachenko1. En 1997 à peu près il survient alors une scission au sein du parti. Ceux qui ont soutenu la direction socio-économique choisie par le président se sont regroupés au sein du Parti Communiste du Bélarus et ceux qui étaient contre au sein du Parti des Communistes Biélorusses. Pourquoi cette division? Parce que ceux qui étaient opposés au président, qui voulait l’évincer du pouvoir, ont commencé à s’allier avec l’opposition social-démocrate, avec la droite et les nationalistes. C’est sur point qu’à eu lieu notre division. Aujourd’hui ils ne portent plus le nom de “communiste”. Ils ont formé une sorte d’union de partis de gauche qui s’appelle “Le Monde Juste” (“Справедливый мир”). Aujourd’hui il n’y a plus qu’un seul parti communiste.

Quel est la place du Parti Communiste du Bélarus aujourd’hui?

Notre parti se base sur les principes du léninisme. Nous pratiquons le centralisme démocratique. Notre structure: dans chaque district (“район”), 118 au total, il y a une organisation du parti. Dans chaque quartiers des villes il y a également des organisations. Notre pays possède 6 grandes régions administratives (“област”) dans lesquelles on trouve un organisme régional du parti dans chacune d’elles, également pour la ville de MInsk, et plus de 450 organisations de base (cellules). A l’époque soviétique les organisations du parti se constituaient selon les corps de métier mais aujourd’hui, de par l’existence de plusieurs partis au Bélarus, notre division se base sur un principe géographique. Au Bélarus il y a 15 partis enregistrés dont 12 sont de l’opposition. Parmi tous ces partis, les plus nombreux sont les membres du Parti Communiste. Nous comptons actuellement, selon nos cotisations, 6.300 adhérents au sein de notre parti. Nous avons 6 députés au Parlement. Pour qu’un candidat gagne dans un arrondissement il doit obtenir minimum 50% des votes plus un. Un arrondissement c’est environ 60.000 électeurs. Si on suppose que parmi ceux-là 50% se sont déplacés pour voter, donc 30.000 personnes, et que la moitié ont élu un de nos députés, cela correspond à 15.000 votants. 6 victoires dans 6 arrondissements, cela correspond à près de 90.000 personnes qui nous ont choisi. Plus nos candidats qui sont arrivés second, troisième, etc.... en tout, c’est près de 200.000 votes qui se sont reportés sur le PC. Cela ne signifie pas que nous ayons 200.000 adhérents. D’autres partis, de l’opposition par exemple, soutiennent que leur nombre de militants équivaut aux nombre de votants pour leur parti, ce qui est faux. Nous avons des membres du Parti qui travaillent au sein de l'exécutif de l’état, mais ceux-là ne sont pas élus mais désignés. Par exemple notre premier secrétaire du Comité Central, Igor Karpenko, est adjoint du maire de Minsk. Il a été choisi par ce dernier avec l’aval du président du pays. Notre parti est largement représenté dans les organes du pouvoir, mais il est important de comprendre ceci: notre parti n’est pas dans l’opposition, mais nous ne sommes pas au pouvoir!

Comment le Parti Communiste définit le système politique et économique du Bélarus? Est-ce un pays socialiste?

Bien sûr nulle part tu ne verras qu’ici, au Bélarus, nous sommes en train de construire le socialisme ou le communisme. Pourtant notre pays est plus proche de la voie de développement socialiste que les pays de l’ancienne CEI (Communauté des Etats Indépendants), comme l’Ukraine, le Kazakhstan, la Russie.. notre pays est plus proche du socialisme que de nombreux pays dans le monde. Par exemple notre parti soutient que les principaux axes politiques de notre président correspondent à notre programme. Dans notre Constitution nous reconnaissons en effet autant la propriété d’état que la propriété privée. Mais dans notre cas nos ressources naturelles, notre sol, notre terre, nos forêts, nos rivières, nos entreprises stratégiques, comme l’énergie, l’industrie lourde, le textile, les entreprises qui assurent la sécurité alimentaire.. tout ça, c’est sous la propriété de l’état, et seulement de l’état. C’est écrit dans notre constitution. Alors c’est vrai il y a des exemples de privatisations. Par exemple le cas du gaz et de l’entreprise Beltransgaz (depuis devenu Gazprom Transgaz Belarus): beaucoup de membres du parti ont reproché cette privatisation, mais dans mon cas je crois que le président a su être plus communiste que nous. Pourquoi? Lénine a dit qu’il fallait savoir faire preuve de pragmatisme politique. C’est à dire que lorsque la Russie pouvait transporter le gaz uniquement qu’à travers le Bélarus, le réseau était de propriété nationale. Par la suite un nouveau gazoduc a été construit dans le Sud, ne passant plus pas notre pays. Nous aurions pu laisser ce réseau sous propriété d’état, mais dans ce cas nous aurions pu seulement avoir le gaz pour combler nos besoins. La privatisation de cette entreprise a permis la modernisation du système, une augmentation de salaires pour les travailleurs et désormais ce n’est pas seulement le gaz dont nous avons besoin qui passe par notre sol, mais aussi le gaz pour l’Europe. La Russie nous paye pour la location de nos terrains sur lesquels se trouvent les infrastructures de ce gazoduc ainsi que pour la circulation du gaz via notre territoire. Dans ce cas là n’était-ce pas une bonne chose pour notre pays que d’avoir privatisé? Une autre raison pour laquelle nous soutenons le président ce sont les nombreuses garanties sociales que proportionnent l’état pour nos citoyens: il existe des crédits spéciaux pour la construction de logement en faveur des familles nombreuses, des aides sociales pour les employés d’entreprises, des allocations pour des personnes possédants un revenu bas, etc.

Une loi punissant d’une amende les personnes qui ne travaillent pas durant une certaine durée de temps a récemment été votée et fait polémique, qu’en est-il(3)?

Il y a des personnes qui sont à la charge de l’état mais qui ne le méritent pas. Ces gens pensent que l’état est obligé de leur donner quelque chose, mais il faut un minimum d’effort pour obtenir ces aides, des efforts refusés par ces gens. Cette loi a été votée pour lutter contre ce phénomène. Ce sont des personnes qui, par exemple, cachent leurs revenus. Ce n’est pas seulement ceux qui travaillent au noir, mais également ceux qui ne travaillent pas mais qui vivent d’aides sociales ou qui font louer des appartements, dont ils sont propriétaires, sans payer d’impôts. Selon cette loi, si quelqu’un ne travaille pas durant six mois, il doit payer une amende qui équivaut à peu près à 200 dollars. Il faut comprendre que si l’on observe le marché du travail le nombre de postes vacants et plus grand que le nombre de chômeurs(4)... donc du travail on peut en trouver. Personnellement je comprends qu’une personne veuille un salaire plus élevé ou un travail dans une autre sphère. Mais il faut travailler, et quand on a besoin d’argent tu acceptes n’importe quel travail.

Pourquoi les autres partis communistes sont si silencieux par rapport au Bélarus?

Je ne dirais pas ça comme ça. Ces derniers temps le Parti Communiste du Bélarus a obtenu plus d’autorité au niveau international et a multiplié les contacts avec les autres partis comme par exemple avec les camarades de Cuba, d’Equateur, du Méxique du Brésil, de Corée, de Chine, de tous les pays ex-soviétiques, nous avons eu des échanges avec les camarades de Tchéquie, du Portugal, nous avons reçu une délégation des communistes hongrois et slovaques et là actuellement nous attendons la visite de camarades de Chypre. Nous avons de bons contacts avec les communistes Grecs. L’année dernière je me suis rendu en Italie pour rencontrer la gauche du pays. Par contre nous n’avons pas de relations avec les gauches européennes, avec le Parti de la Gauche Européenne. Pourquoi? Parce qu’au sein de cette formation se trouve le parti “Un Monde Juste” dont nous avons parlé précédemment. Nous sommes contre le fait qu’il soit présent et considérons que c’est notre parti qui représente les intérêts communistes. Malgré ça nous avons invité, pour une réunion qui aura lieu fin juin, un représentant de la Gauche Européenne et attendons sa réponse. C’est pourquoi à mon avis nous avons beaucoup de contacts internationaux et nous les élargissons de plus en plus.

Comment le Parti Communiste entrevoit l’avenir au Bélarus? Comment appréhendez vous “l’après Loukachenko”?

A mes yeux, déjà, il n’y a pas d’alternative à la voie socialiste. Le jour où Alexandre Loukachenko ne sera plus présent sur la scène politique l’important sera de maintenir la voie politique entamée par le président. Peut être qu’un représentant du PC ou d’un autre parti de gauche sera celui qui continuera ce travail. Et si les bases politiques coïncident avec le programme communiste alors évidemment notre parti va continuer à soutenir cette dynamique. Il est vrai que le but de n’importe quelle force politique est d’obtenir le pouvoir politique mais il faut admettre qu’aujourd’hui le PC n’est pas en capacité d’assumer le destin du pays. Si par exemple l’un de nos membres parvient à la tête de l’état, quelle équipe va pouvoir l’accompagner? Avons nous déjà des membres susceptibles de devenir par exemple premier ministre? Ou d’autres postes clés pour la République? Dans les ministères? Nous serions dans l’obligation d’avoir une telle équipe. Et pour le moment notre parti n’est pas prêt.

Loïc Ramirez
Journaliste.


notes :

(1) Le terme “Bélarus” est utilisé dans ce texte plutôt que celui de “Biélorussie” car c’est e terme utilisé par l’ensemble des institutions officielles du pays. Néanmoins l’Académie française recommande l’usage du terme Biélorussie.

(2) Alexandre Loukachenko est président de la République du Bélarus depuis 1994 et a été réélu 3 fois par la suite. Celui-ci briguera un cinquième mandat en octobre 2015.

(3) Signée le 2 avril 2015 cette loi “sur la prévention du parasitisme social” se présente comme un moyen de stimuler la participation économique des citoyens. Elle sanctionne d’un amende les personnes (même les étrangers résidents) qui durant plus de 183 jours ne participent pas à l’activité économique du pays. Plusieurs catégories de la population en sont néanmoins exemptes.

(4) Pour info selon le rapport du Programme des Nations Unis de 2014, le taux de chômage au Bélarus était de 0,7%.

Loïc Ramirez
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