Notes Philosophiques ou Voyage en Anachronie -
Des Cours d'Amour ou si les murs pouvaient parler, ils chanteraient...
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Des Cours d'Amour

 

ou

Si les murs pouvaient parler, ils chanteraient...

 

 

 

 

 

De la nuit des temps, jaillissent des noms. Puis, à leur lecture ou à leur prononcé, des images. Le Moyen Age, pourtant plus récent qu'il n'y paraît - en tous cas dans nos mentalités - ne fait pas exception à cette règle.

    Depuis que les chroniques mentionnent Eze, à un titre ou à un autre, leurs auteurs n'omirent jamais de supposer que le "manor" des Riquier ou le castel des Badat, Blacas et autres feudataires, furent les témoins d'émois non moins charmants qu'ils étaient littéraires : les cours d'amour.

    Je noterai, à cet égard, que si tout ce qui n'est pas étayé par des preuves n'est pas forcément erroné, à l'inverse ce qui est généralement entendu comme avéré n'est pas toujours frappé au sceau de la vérité. Il en va ainsi de la légende des cours d'amour à Eze.

    En ce 13e siècle, ce qui est aujourd'hui notre pays est davantage le royaume des Francs que la France. Il  voit, au sud, surgir de nouvelles puissances. Les Toulouse, par exemple, comtes aussi lettrés qu'ils peuvent être combattants. Au nord, se font puis s'implantent les coutumes, héritières des armées en marche des deux cents ans qui précédèrent, le tout surmonté de l'éternelle quête Chrétienne du retour des Lieux Saints. Fait étonnant, la première Croisade part du Puy et indique ainsi que le centre religieux n'est ni à Paris, ni en Provence. Le centre est au centre, logique médiévale qui rend cette période encore plus attachante et, encore aujourd'hui, l'Evêque de Lyon n'est-il pas l'administrateur religieux de la Primatie des Gaules? 

    Eze est aux confins. Le village est un lieu de passage, comme de retranchement. Pour autant, n'allons pas imaginer des hommes éternellement en lutte pour défendre biens et familles. Certes, voilà l'éternelle question : peut-on évoquer une période en imaginant que tous et toutes vécurent alors les mêmes choses? La réponse est, bien sûr, négative. D'autant plus que notre temps souffre des mêmes règles et au combien. Néanmoins, des persistances demeurent et c'est même là leur nature.

    La Cour d'Amour médiévale est un espace de création et de "trouvaille" ("Trobar" ou trouver). Néanmoins, la fête profane n'a jamais le dessus. Elle se doit, ici comme ailleurs, de toujours succéder à celle religieuse. Un homme du temps aurait tremblé d'effroi si on lui avait dit que sept siècles plus tard le mariage religieux devait légalement être postérieur à celui civil.

    Mais la question des cours d'amour d'Eze relève d'un autre ordre. L'origine de cette certitude provient sans doute du patronyme de trois des troubadours les plus célèbres de l'époque. Autre différence, la postérité littéraire ou musicale du temps perdurait bien après la mort de ce lui que l'on avait célébré de son vivant. Il s'agit en l'occurrence de Blacas qui, Troubadour de noble extraction, a une rue à Nice et une réputation à Eze. La difficulté réside sans aucun doute dans la datation de sa présence et de son rôle effectif. Parmi les plus célèbres de l'époque, plus au nord et plus à l'ouest, signalons le plus titré d'entre tous : Richard Cœur de Lion! Mais pas de confusion avec lui, les anglais ne vinrent que bien plus tard!

    Le second se trouve être Guiraut Riquier. Il est parmi les derniers représentants de ces auteurs usant de la langue occitane sous la forme codifiée qui émailla tout le siècle précédant.

    Puis, enfin, le dernier et notamment en date, Guilhem Figueira, qui est peut-être - et à son corps défendant - la cause première de cette mention des cours d'amours. Il est plausible qu'un érudit en villégiature, ayant en tête les noms rares mais évocateurs des troubadours, ait placé les origines de l'auteur en ce lieu où ce nom, même allitéré, figurait à de nombreux frontons.


Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Dimanche 2 Octobre 2005 à 15:27
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