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Nicolas Maury Militant PCF Istres






 



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Examinons l'évolution des deux anciens partis marxistes-léninistes du monde islamique : Le Parti démocratique populaire d'Afghanistan (PDPA) et le Parti socialiste yéménite (YSP). Développement historique de ces partis et la manière dont ils se sont adaptés aux nouvelles circonstances du monde de l'après-guerre froide - Article et traduction Nico Maury / Rappel de la seconde partie ICI


La faucille et le Minaret: Il était une fois les communistes du Yémen et d'Afghanistan entre 1967 et 1992 (troisième partie)
Extrême fractionnisme interne des partis

Yémen : La faction Nord contre la faction du Sud

Une autre caractéristique commune au YSP et au PDPA est un fractionnisme extrême. Au Yémen, le litige porte à l'origine des relations que devait avoir le nouvel État avec l'Union soviétique. Le premier président de la RPDY, Salim Rubiyyi Ali, était profondément méfiant vis à vis du modèle soviétique et très critique envers la planification centralisée qui est mise en place au Yémen, dans le cadre du premier plan quinquennal, en 1974. Il s'attire la critique à l'aile pro-soviétique du FNL, aile notamment dirigé par l'idéologue du parti, Abd al-Fattah Ismail. En Juin 1978, Ali tente d'organiser un coup d'Etat pour renverser ses adversaires, mais cette tentative échoue. Ali et deux de ses associés sont arrêtés et exécutés. Il est remplacé par un conseil transitoire de cinq personnes dirigé par le président Ali Nasir Muhammad. En Octobre 1978, le FLN se transforme en Parti socialiste yéménite (YSP), qui devient un parti unique. En Décembre, Abd al-Fattah Ismail est nommé président et Ali Nasir Muhammad Premier ministre.

Bien que Ali Nasir et al-Fattah se soient tournés vers l'Union soviétique, ils adoptent une conduite différente de l'URSS en termes de politique intérieure et étrangère.

Abd al-Fattah Ismail, est considéré comme un théoricien et un jusqu'au-boutiste, en faveur d'une imitation du modèle soviétique au Yémen. Il vient du nord du Yémen (comme l'étaient la plupart des marxistes dans le FLN), comme tant d'autres nordistes, il avaient migré vers le sud pour travailler dans la raffinerie de British Petroleum à Aden. Il enseigne dans les écoles publiques du pays et accède à la notoriété dans le FLN quand il assassine un dirigeant syndical pro-baassiste en 1966. En politique étrangère, il est favorable à une ligne dure, notamment vis à vis de son riche voisin, en pétrole, du Yémen du Nord.

Ismel Abd al-Fattah lors d'une réunion du YSL
Ismel Abd al-Fattah lors d'une réunion du YSL
En revanche, Ali Nasir Muhammad favorise une approche plus graduelle vers le socialisme. Il plaide pour la promotion d'une économie mixte et souhaite limiter la nationalisation aux grandes industries. En outre, il est favorable à un rapprochement avec le Yémen du Nord et souhaite la normalisation des relations avec l'Arabie saoudite et le sultanat d'Oman.

Abd al-Fattah Ismail est chassé du pouvoir en 1980 et exilé à Moscou, il est remplacé par Ali Nasir, qui également conserve son poste de Premier ministre et de secrétaire général du YSP. Sous Ali Nasir, le contrôle sur l'économie, en particulier dans la construction, est assouplie et le commerce privé légalisé. Les entreprises étrangères (y compris britanniques) sont invitées à contribuer à l'exploration pétrolière. Les relations sont normalisées avec les voisins du pays. Pour les partisans d'Abd al-Fattah, le relâchement du contrôle de l'Etat, et Ali Nasir représentent le consumérisme, la corruption et la trahison de la révolution.

En 1984, le puissant ministre de la Défense, Ali Antar, commence à critiquer Ali Nasir pour ses excès personnels. En Février 1985, Nasir Ali, est contraint de céder son poste de Premier ministre. En 1985, Al-Fattah est autorisé à retourner dans le pays, il est rétablit comme secrétaire du YSP. Après le congrès d'Octobre 1985, une pression croissante au sein du parti contraint Ali Nasir a abandonner son poste de secrétaire général, et de nommer Al-Fattah comme secrétaire à l'idéologie (le numéro deux dans les fonctions du parti). En Janvier 1986, le conflit politique se transforme en conflit armé lorsque les partisans d'Ali Nasir assassinent plusieurs membres du Politburo, y compris Al-Fattah et Ali Antar. Plusieurs milliers de membres du parti et des miliciens sont tués dans une guerre civile qui dure deux semaines. Les militaires soutiennent la faction du Nord (celle d'Al-Fattah). Ali Nasir et des milliers de ses partisans sont contraints de fuir vers le Yémen du Nord ou vers l'Ethiopie. Un nouveau leadership politique s'établit autour d'Ali Salim al-Bid, un partisan d'Abd al-Fattah. Mais en dépit de ses liens avec la faction du nord, il poursuit les politiques d'Ali Nasir.

Nur Muhammad Taraki
Nur Muhammad Taraki
Le fractionnisme sévit au YSP, mais est encore plus prononcé et institutionnalisé au PDPA.

Les factions sont centrées autour de deux figures de proue du Parti, Nur Muhammad Taraki et Babrak Karmal. Sur le plan idéologique, Karmal et Taraki diffèrent dans leur perception du potentiel révolutionnaire de l'Afghanistan. Taraki croit que la révolution peut se faire selon les codes léniniste classiques en construisant une classe ouvrière et un parti de classe. Karmal croit que l'Afghanistan est trop peu développé pour qu'une stratégie léniniste puisse réussir et il encourage la constitution d'un Front national démocratique des forces patriotiques et anti-impérialistes afin de faire un pas de plus vers la révolution socialiste.

Karmal en 1967 tente de convaincre le Comité central du PDPA de censurer le radicalisme excessif de Taraki. Le vote est cependant étroit et Taraki, à son tour, tente de neutraliser Karmal par la nomination de nouveaux membres au comité. Karmal offre sa démission qui est acceptée, et Karmal quitte le parti, avec lui un nombre important de membre du Comité central du PDPA. (Nyrop and Seekins, Afghanistan: A Country Study. )

Les dirigeants du parti ne se sont pas seulement divisés sur l'idéologie, mais aussi selon des lignes ethniques et de classe. L'idéologie n'était qu'un facteur, et probablement pas le plus important dans cette scission. Taraki et Karmal sont des hommes venus d'horizons très différents. Taraki est issu d'une famille de paysans pauvres de la province de Ghazni. Son père est un marchand de bétail et un contrebandier qui a beaucoup voyagé avec sa famille vers les Indes britanniques. Il fréquente une école primaire et un collège provincial à Kandahar et il attire l'attention internationale lorsqu'il commence à écrire des histoires courtes sur les conditions de vie des paysans afghans en 1940, textes encensés par les critiques littéraires soviétiques à l'époque. (David Edwards, Before Taliban: Genealogies of the Afghan Jihad (Berkeley: University of California Press, 2002), pp. 32-38. )

Hafizullah Amin est originaire de la petite bourgeoisie rurale. Son père est un fonctionnaire. Amin est né en 1921, à Paghman, une ville près de Kaboul. Après des études de mathématiques et de physique à l'université de Kaboul, il devient professeur de lycée et plus tard, directeur d'une école secondaire. En 1957, grâce à une bourse, il part étudier à l'Université de Columbia à New York. Au début des années 1960, il retourne aux États-Unis pour poursuivre ses études de doctorat à l'Université Columbia et il est sur le point de commencer à travailler sur sa thèse quand il est rappelé pour faire face à un problème familial. À son retour, il rejoint le PDPA, lors d'une fête d'étudiants pachtounes. Amin réussi à influencer les étudiants pachtounes, dont beaucoup sont devenus des officiers militaires diplômés de l'académie militaire de Kaboul.

La faucille et le Minaret: Il était une fois les communistes du Yémen et d'Afghanistan entre 1967 et 1992 (troisième partie)
Ensemble Taraki et Amin font appelle aux Pachtounes ruraux, ils partagent des expériences personnelles de pauvreté et d'oppression de l'ordre ancien. Les Khalqists ont également, grâce à Amin, un appui solide dans le corps des officiers. Ils parlent le pachtoune, plutôt que le dari, le dialecte persan parlée par les habitants des villes afghanes et des responsables gouvernementaux. Comme la majorité des membres du parti Khalqist, Taraki appartenait à la tribu pachtoune Ghilzai, tribu exclue du pouvoir par leurs vieux rivaux, les Pachtounes Durrani. L'adoption du marxisme est souvent perçue comme un moyen d'affirmation tribal.

Les origines sociales et ethniques des Parchamis sont très différentes. Par exemple Karmal, bien que né dans une famille pachtoune Tajikized riche est originaire du Cachemire, dans un village près de Kaboul, a vécu dans la misère après la mort de sa mère. Karmal n'est ni un Durrani, ni un Ghilzai, mais un membre d'une autre tribu pachtoune, les Kakars. Il est le fils du général Muhammad Hussain Khan, qui a servi comme gouverneur de la province de Paktia, et qui a des liens étroits avec la famille royale. Il est étudiant de la faculté de droit de l'Université de Kaboul, il acquis une réputation d'orateur et c'est un militant du syndicat étudiant en 1951. Contrairement aux Khalqists, Karmal (ainsi que la plupart du Parcham) provient d'un milieu issue des élites urbaines sans identité tribale ou d'allégeance.

Le Parcham est urbanisé, composé de personnes issues de la classe supérieur et de la classe moyenne, ils parlent Dari plutôt que pachtou. Les Parchzmi sont généralement plus instruits et plus occidentalisés dans leurs habitudes et dans leurs modes de vie que les Khalqists. Bien que les deux groupes du PDPA soiennt préoccupés par l'évolution des moeurs et du rôle des sexes, ils souhaitent donner aux femmes un rôle plus actif dans la vie politique, ains, Anahita Ratebzad-Karmal est l'une des quatre membres féminin du PDPA élue au Parlement en 1965, elles sont plus nombreuses au Parcham. La composition ethnique du Parcham est également plus diversifiée que le Khalq. Ils sont majoritariement persophone, mais les Pachtounes de la région de Kaboul, les Hazaras, Tadjiks, et d'autres groupes minoritaires sont également fortement représentés (y compris chez les dirigeants, comme Parcham Sultan Ali Kishtmand, le futur premier ministre, un Hazara). (Edwards, Before Taliban, pp. 57-86; Nyrop and Seekins, Afghanistan: A Country Study. )

La faucille et le Minaret: Il était une fois les communistes du Yémen et d'Afghanistan entre 1967 et 1992 (troisième partie)
La rébellion armée contre le régime du PDPA commence en Septembre 1978 dans la province de Nuristan, suivie de celle de Paktia, de Ghazni et des provinces du Badrakshan en 1979. En Février 1979, l'ambassadeur américain en Afghanistan, Adolph Dubs, est enlevé par des insurgés et tué lors de la tentative de sauvetage ratée dans un hôtel de Kaboul. Un soulèvement à Herat a lieu en Mars 1979, ce qui entraîne la mort de centaines de conseillers soviétiques et de leurs familles. Ce soulèvement est réprimé avec de grandes difficultés. Taraki, de plus en plus incapable de répondre aux défis du régime, est assassiné en Septembre 1979 par des agents fidèles à son lieutenant Hafizullah Amin. Amin, considéré comme un nationaliste radical plus qu'un socialiste, il tente de normaliser les relations avec les insurgés islamistes. Il essaye d'élargir la base du régime en faisant appel aux insurgés, tout en purgeant brutalement les partisans de Taraki de l'Etat et du parti. Pendant les mois de direction d'Amin, de septembre à décembre 1979, le parti subit de brutales purges. En décembre 1979, l'Union soviétique tente de sauver le régime du PDPA, Amin est exécuté et Babrak Karmal revient au pouvoir, accompagné de troupes soviétiques. (Edwards, Before Taliban, pp. 57-86. )

Karmal façonne une nouvelle coalition entre les Parchamis et Khalqists, en 1984, huit des treize membres et membres suppléants du Politburo sont Parchamis: Karmal, Sultan Ali Kishtmand, Najibullah, Nur Ahmad Nur Muhammad Rafi, Anahita Ratebzad, Abdul Qadir, et Mahmud Baryalai (le frère de Karmal). Muhammad Aslam Watanjâr, Salih Muhammad Zeary, Muhammad Ismail Danesh, et Ghulam Dastagir Panjsheri, sont Khalqists (l'affiliation d'un membre suppléant, Abdul Zahoor Razmjo, n'est pas claire). En outre, il essaye d'élargir la base du régime en poursuivant un rapprochement avec les insurgés. Il reprend le drapeau tricolore afghan, avec la couleur islamique verte, le drapeau rouge des Khalqists est abandonné.

le parlement afghan votant le budget
le parlement afghan votant le budget
Depuis avril 1980, l'invocation traditionnelle "Au nom de Dieu le Miséricordieux, le Compatissant", est de nouveau utilisée dans les documents officiels, une pratique abandonnée par Taraki. En 1982, le régime réécrit la constitution du parti en supprimant toute référence au marxisme-léninisme (malgré l'opposition des Khalqists). Cependant la stratégie du front uni du PDPA est considéré par les observateurs comme largement inefficace. En 1986, sous la pression de l'Union soviétique, Karmal est destitué en faveur de l'ancien chef de l'organisation afghane de sécurité KHAD, le Dr Najibullah.

Lorsque l'on compare le YSP et le PDPA, on constate que le premier est moins tributaire du soutien soviétique. Le Yémen a relativement peu de conseillers militaires soviétiques (mais beaucoup de cubains) comparé au soutien militaire massif des Soviétiques au régime afghan après 1979. En outre, l'économie afghane est beaucoup plus dépendante de l'Union soviétique (dans une large mesure simplement en raison de la proximité géographique) et est beaucoup plus intégrée a celle de l'Union soviétique, elle n'en dépend pas seulement pour le carburant et les denrées alimentaires, mais également via des organisations transnationales soviétiques liées au Conseil d'assistance économique mutuelle (CAEM).

La dépendance à l'égard de l'Union soviétique rend beaucoup plus difficile pour le PDPA d'établir une identité en tant que mouvement révolutionnaire indigène. Il y a certainement des dirigeants pro-soviétiques dans le YSP qui ont des relations très étroites avec l'Union soviétique (comme Abd al-Fattah Ismail), mais la plupart des dirigeants de l'YSP ont développé leur réputation pendant la guerre en combattant l'impérialisme britannique au bon vieux temps du FLN. Le YSP a des racines assez profondes dans quelques-unes des zones rurales (comme dans Hadramawt), là ou le PDPA est attaché aux intellectuels, aux urbains et aux élites.

La faucille et le Minaret: Il était une fois les communistes du Yémen et d'Afghanistan entre 1967 et 1992 (troisième partie)
Factionnisme est également plus extrême au PDPA qu'au YSP. Au YSP il y a des différences marquées entre les branches nord et sud du parti. Ces oppositions sont atténué par la résistance contre les Britanniques, du temps du FLN. Bien plus tard, ces rivalités vont éclater en 1979, avec l'exécution de Salim Ali Rubiyya, et la guerre civile éclate en 1986, dans une certaine mesure ces événements ont contribué à surmonter le sectarisme qui sévi dans ce parti. Au moment de l'unification la plupart des membres du YSP sont d'une manière ou d'une autre associé à l'héritage politique et idéologique de Abd al-Fattah Ismail.

D'autre part, dans le PDPA, le factionnisme a des racines beaucoup plus profondes: les Khalqist et Parchami sont divisés par idéologie, mais aussi par les groupes ethno-linguistiques et par la classe. Les deux factions ont continué à maintenir leurs identités organisationnelles distinctes, malgré l'unité de façade imposé par les Soviétiques en 1977.

Le degré de pénétration dans la société varie considérablement aussi bien. Au-delà de la légitimité acquise par la lutte de libération contre les britanniques, le YSP a établi des liens avec les populations rurales du sud via ses liens tribaux et de sa position vis à vis de l'Islam. C'est a l'opposé des Khalqists qui ont entrepris des actions contre l'islam entre 1978 et 1979. En outre, le YSP rencontre du succès dans la construction d'une organisation politique dans la population. Dans les années 1980, environ 3,5 % de la population du sud Yémen est membre de l'YSP, alors que moins de 1% la population afghane adultes est membre du PDPA.

Le YSP semble être plus «institutionnalisé» en tant que parti, le PDPA ne l'est pas. Cela a des conséquences importantes dans l'explication de ce qui s'est passé pour les deux partis après leurs pertes respectives du pouvoir dans les années 1990.

La suite de cette chronique la semaine prochaine - samedi à 8h sur ce même blog

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