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Marxisme-Léninisme, socialisme, communisme

Saul Alinsky (1909-1972) est à la base d'une théorie d'organisation politique très étasunienne et répondant à des critères sociologiques propres aux États-Unis et son organisation sociale. Il développe ainsi une approche dite en "organisation communautaire" (community organizing) comme moyen de résistance et de conquête (mais ça reste malgré tout très limité dans l'analyse développée).

Il développe sa théorie dans Rules for Radicals: A Pragmatic Primer for Realistic Radicals (1971) que l'on peut traduire comme "Être radical : Manuel pragmatique pour radicaux réalistes" et à partir de cela va devenir le maître à penser de certains groupes se dit "populistes" (dans le sens décrit par les théories postmodernistes - ou post-marxistes - de Chantal Mouffe) comme la France Insoumise, où dernièrement à Grenoble avec la fumeuse "Alliance citoyenne".

Analysons la méthode Alinsky et regardons les contradictions de cette dernière, notamment dans la non remise en question du capitalisme et surtout dans la dénonciation des structures héritées du mouvement ouvrier.

Il faut rappeler aussi que cette méthode s'inscrit dans un contexte étasunien, maccarthyste et en opposition aux mouvements pour les droits civiques dans le sud des USA. [mise à jour d'un article de 2018]


La méthode Alinsky, fausse radicalité et non remise en question du capitalisme
I- Aucune remise en question du capitalisme

A) la fin de la lutte des classes et la priorité aux luttes communautaires


Saul Alinsky et sa méthode est à la mode en France depuis que le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise, a remis au goût du jour ce type d'organisation, vue comme l'ultime technique pour refonder l'action militante, notamment dans les couches populaires. La technique : l'auto-organisation d'une communauté autour d'un sujet. Le dernier exemple en date venant de Grenoble où un groupe, financé par des milliardaires Etasuniens (Georges Soros via Open Society Foundations), a tenté de faire un coup d'éclat médiatique en faisant passer des personnes en Burkini pour des Rosa Parks du 21ème siècle (sic).

A cette heure, la méthode Alinsky n'a concrètement rien apporté aux communautés et à leurs revendications. Bien au contraire, les antagonismes de classes se sont exacerbés et les rivalités entre les communautés sont aujourd'hui à un niveau d'extrême tension.

Mais cette méthode ne vie pas à renverser l'ordre établit, bien au contraire, son « Empowerment » (pouvoir d'agir) ne vise pas à créer une société du « chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ».

Rules for Radicals ne propose aucune vision stratégique d’ensemble. En opposition au marxisme faisant de la classe ouvrière la force révolutionnaire du fait de la position qu’elle occupe dans les rapports de production capitalistes, Alinsky considère que ce sont désormais les classes moyennes (défini, dans une interview dans Playboy (1), selon lui par un large éventail allant des « cols bleus » - les ouvriers aux « chapeaux durs » - les cadres) qui constituent le cœur de tout projet de changement social dont la dégradation de leur condition sociale en fait des agents potentiellement plus révolutionnaires que des ouvriers.

B) l'idéalisme biblique et des « pères fondateurs » des USA

Il n'y a pas de remise en cause le système, mais plutôt une volonté d'en réduire les effets négatifs. Il y a une volonté de rechercher un « bien être » plutôt qu'une nouvelle société débarrassées de ses contradictions et de ses aliénations.

De plus il y a de constantes références aux morales religieuses et bibliques comme normes de vie commune. On est très loin de l'appel à l'insurrection d'octobre et aux thèses exposées dans le Manifeste du Parti Communiste.

L’idéalisme étant clairement affiché et le rôle des révolutionnaires réduit : « L'Histoire est comme une course de relais des révolutions ; la torche de l'idéalisme est portée par un groupe de révolutionnaires jusqu'à ce qu'il devienne lui-même un Establishment puis la torche est arrachée et portée sur la prochaine partie de la course par une nouvelle génération de révolutionnaires. Le cycle continue et en chemin les valeurs de l'humanisme et de la justice sociale que les rebelles portent prennent forme, changent et sont lentement implantées dans l'esprit de tous les hommes, même quand leurs défenseurs faiblissent et succombent à la décadence matérialiste du statu quo en place ».

II- Dénoncer les structures historique du mouvement ouvrier

Alinsky développe son « modèle » militant en dehors des réseaux communistes, socialistes, syndicaux mais aussi en dehors de la galaxie d’organisations qui poussent le mouvement pour les droits civiques dans le Sud. Il faut rappeler que les seules expériences d'application de cette méthode se sont sur Chicago (du vivant d'Alinsky) et par Barack Obama et Hillary Clinton.

Dans les années 40, Alinsky cherche à créer une « organisation d’organisations » capable de fédérer les habitant.e.s du quartier de Chicago « Back of the Yards » (là ou il met en place sa structure) autour de la défense d’intérêts immédiats communs. Je ne rentrerai pas dans les détails historiques, ni les méthodes.

Cette organisation, ou auto-organisation, se veut en dehors des structures du mouvement ouvrier et de l'opposition de classe Bourgeoisie/Prolétariat, faisant sien l'opposition « People » vs « l’Establishment ».

A) Opposition aux syndicats

Il existe un véritable discours antisyndical violent chez Alinsky (bien qu'ayant travaillé pour la CIO), mais quand il nous explique les aménagements que doivent consentir les organisations du peuple pour se développer et fonctionner, on retrouve peu ou prou tout ce qui était reproché au syndicalisme (institutionnalisation, programme, rôle dans la classe ouvrière …).

Pour Alinsky le syndicat fait le jeu de « l'Establishment » et son système communautaire vise à créer des situations nouvelles de luttes et de revendications, débarrassé du « piquet de grève ». Il expliquera comment faire pression sur un grand magasin sans recourir aux mobilisations traditionnelles de la classe ouvrières (occupation, manifestation …).

Il y a une critique globale et il reproche au syndicalisme de n'organiser qu'un faible pourcentage de la population active.

Dans le cadre de la société étasunienne, le syndicalisme est perverti par l'individualisme qui gangrène la société capitaliste. C'est pour cela qu'il propose un modèle alternatif et en dehors des cadres et codes du mouvement ouvrier. "Le bien-être d'un seul dépend du bien-être de tous."

B) L'anticommunisme

Saul Alinsky est clairement issue de cette mouvement « radicale » anticommuniste, non pas dans une approche maccarthyste (il sera victime de cette répression), mais comme approche idéologique. Lui même rappelant une certaine proximité avec le Parti communiste des Etats-Unis (CPUSA) à ses débuts et jusqu'au pacte germano-soviétique.

Alinsky était chargé par John.L Lewis (patron du syndicat ouvrier Congress of Industrial Organizations) de se débarrasser des permanents communistes de la fédération, prenant temporairement en main le petit groupe de gros bras du CIO pour réaliser la tâche (Nicholas von Hoffman, Radical: A Portrait of Saul Alinsky, Nation Books, 2010).

Alinsky se méfiait des communistes comme le rapportent Sanford D. Horwitt, Let Them Call Me Rebel dans l'ouvrage « Saul Alinsky: His Life and Legacy », New York, Vintage, 1992, p. 395 :

« Il pensait qu’être communiste aux États-Unis était au mieux inutile et au pire pervers et destructeur. […] En un mot, il ne les aimait pas, n’avait pas besoin d’eux, et, de manière générale, voulait que ses organisations se débarrassent d’eux en silence. »

Alinsky expliquant qu'il n'y a guère de différence entre « la bureaucratie communiste » et « l'establishment corporatiste », lui préférant l'idéologie des Pères fondateurs des USA et le célèbre « Pour le bien-être de tous » (les esclaves alors présents dans les jeunes États-Unis ont bien dut apprécier ce « bien être »).

Dans ses écrits, on ne trouvera que de façon anecdotique des références à Lénine ou Gramsci, mais en revanche un compagnonnage constant avec Thomas Paine, Thomas Jefferson, Samuel Adams … Et si l’on veut malgré tout lui trouver un auteur européen de référence, ce sera Alexis de Tocqueville, assurément pas Karl Marx. Les Pères fondateurs des USA occupent une place de choix dans les réflexions d'Alinsky.

En guise de conclusion

La méthode Alinsky existe en France depuis quelques années et tente localement de se mettre en place. Ces communautés paraissent souvent impuissantes, peinant à mobiliser en nombre pour exercer un rapport de force. L’efficacité du community organizing reste encore à prouver et le peuple (tant mis en avant comme acteur), où les groupes sociaux déterminés, ne se mobilise pas spontanément lorsqu'on va le chercher.

C'est dans les quartiers populaires qu'existe le plus souvent ce type d’initiative, à partir des problèmes tels le logement l’emploi ou la discrimination, et que ces communautés restent marginales et/ou finissent par être intégrées dans le jeu politique local. Vaulx-en-Velin est un bon exemple, car nombre de ces communautés ont rallié des listes municipales et son maintenant intégrées dans les institutions locales, dont elles prônaient pourtant l'indépendance.

Cette méthode purement étasunienne, qui s'inscrit dans le courant post-moderniste (anti-matérialiste), n'a pas connu de réussite sur l'espace européen et notamment de l'Europe occidentale. Cela vient du fait qu'elle n'est crée et pensée dans un espace spécifique, celui des États-Unis. Naturellement certaines formations politiques ont décidé d'adopter cette méthode et on retrouve le champ lexicale de l'anticommunisme, de l'antisyndicalisme, et comme il faut le dire, une faiblesse dans les actions d'auto-organisation.

Bref, j'ai encore une pensée émue pour les adeptes du marxisme-léninisme fossilisé « franchement insoumis ».


(1) Interview dans Playboy (1972) : http://paris.centres-sociaux.fr/files/2016/01/entretien-alinsky-playboy.pdf

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