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Espace nord-américain : Etats-Unis-Canada-Québec

S’ils ont perdu face à Trump, qui a relancé la création du pipeline Dakota Access, cinq activistes Sioux de Standing Rock lancent une série d’actions contre les banques européennes, qu’ils accusent de financer des projets climaticides. On était avec eux à Paris, à l’offensive contre la BNP Paribas et la Société Générale


Les peuples Sioux partent à l’attaque des banques françaises
9 h tapante, ce lundi 22 mai. Une quinzaine d’activistes déboulent dans une agence de la Société Générale, à Paris. Là, en plein milieu du hall, ils emboîtent rapidement les pièces d’un long tube en plastique. C’est la réplique d’un pipeline, qui crache son venin noir au sol : du pétrole. L’entrée de l’agence et l’accès aux distributeurs de billets sont bloqués : c’est bon, la banque est cernée. Ils ont leur attention. “Mais, mais… Vous ne pouvez pas faire ça !” bafouille l’hôtesse d’accueil, devant les yeux écarquillés de ses collègues, sortis des bureaux en trombe à cause de l’envahissement soudain.

C’est là que Juan Mancias, chef de la tribu Carrizo Comecrudo, fait son entrée. Le grand colosse de deux mètres, aux longs cheveux noirs, leur tend une simple lettre. Sa “déposition”, comme il l’appelle. Dedans, il y accumule les preuves que la banque française finance des projets de terminaux d’exportation de gaz de schiste, directement chez lui, dans la réserve de la vallée de Rio Grande, au Texas. “Vous tuez mon peuple ! Vous participez à un génocide ! Vous devez arrêter d’investir dans ces projets !”, exhorte l’Indien d’Amérique.

Car la Société Générale est l’une des banques européennes qui participent aux financements de différents projets d’énergies fossiles aux États-Unis, tous liés à l’exportation de gaz de schiste. Elle soutient notamment le Rio Grande LNG; la BNP Paribas, elle, est chargée de chercher les financements du projet Texas LNG. Le Crédit Agricole ou Natixis feraient également partie du lot. “Toutes les banques françaises ont joué un rôle clé dans le projet le plus connu : le Dakota Access Pipeline (DAPL)”, assure Lucie Pinson, chargée des campagnes des Amis de la Terre, l’une des ONG à l’origine de l’action non-violente de ce matin.

Les banques, l’autre conquête de l’Est


Pendant près d’un an, la construction de cet oléoduc a mobilisé une multitude d’opposant dans la réserve de Standing Rock (Dakota du Nord). Juan en faisait partie, avant d’être expulsé du camp en février dernier, par un décret de Donald Trump qui relançait le projet, malgré le retrait de Barack Obama en décembre 2016.

1 – 0 pour Trump, mais les militants ne comptaient pas en rester là. L’échec a réveillé leur activisme : ils s’attaquent désormais aux autres projets nuisibles à l’environnement dans leur pays. “Regarde, ils forment un Grand Serpent Noir !”, interpelle Juan, qui sort son téléphone pour le prouver en image. La proximité des sites ressemble bien à une longue traînée sombre dans la vallée du fleuve Rio Grande. C’est précisément là, dans cette réserve naturelle, qu’est installée sa tribu Esto’k Gna. Quatre autres communautés autochtones y vivent. “Aucune tribu n’a été consultée par les responsables des plans, par Donald Trump ou les banques. Les communautés sont toutes opposées aux projets, mais ils ne semblent pas se préoccuper des risques”, certifie la militante de l’ONG. Les “risques” sont pourtant loin d’être dérisoires : possibilité d’extinctions d’espèces animales, pollution des rivières, fin de la pêche… Bref, un désastre autant écologique qu’humanitaire. “Le projet est présenté comme étant l’extraction de gaz naturel, mais en fait il s’agit de gaz de schiste”, renchérit celle qui a publié un rapport le 1er mars dernier, qui l’atteste.

Déjà 3 milliards de dollars désinvestis

C’est face à cette indifférence générale que Juan et quatre autres représentants de tribus amérindiennes ont décidé de faire le déplacement jusqu’ici, en France. Ils ont même organisé toute une tournée européenne, appelée “Stand Up with Standing Rock”, pour parler avec les banques, participer aux assemblées générales des groupes, les mettre face à leurs responsabilités, jusqu’à ce qu’ils désengagent leurs investissements dans ces projets.

L’action de ce matin n’est que le début. Jusqu’au 20 juin, ils ont prévu de sillonner l’Europe, de Paris à Bruxelles, en passant par Rome ou Barcelone, pour faire le même type d’actions non-violentes. “On explique bien aux agences ciblées que c’est une action symbolique. On sait qu’ils ne représentent pas tout le groupe, mais ils feront remonter l’information à la direction”, précise Nataanii Means, l’un des activistes Sioux qui a fait le déplacement. Le chanteur de hip hop est un militant dans l’âme : il avait manifesté jusqu’aux derniers jours contre le DAPL, jusqu’à être arrêté par la police.

“Les banques peuvent toujours reculer. Si elles désinvestissent, les projets sont morts !”, assure Rachel Heaton, de la tribu Muckleshoot, dans l’État de Washington. C’est une warrior”, assure Rafael Gonzales, rappeur Sioux, qui complète lui aussi les rangs du groupe d’Amérindiens. Un jugement qui a l’air plausible: la colère de la jeune femme se lit sur ses traits. Avec son groupe Mazaskatalks de Seattle, Rachel Heaton a tenu tête au groupe financier américain Wells Fargo, une des banques qui participait au DAPL. Grâce à eux, la ville a désinvesti 3 milliards de dollars dans la banque, en punition. “Ça a été l’une de nos victoires les plus récentes, on en est fiers, je suis sûre qu’on peut refaire ça en Europe.” Elle espère bien faire flancher les autres banques avec sa “recette” : “Nous, les autochtones, on se présente simplement devant eux, on leur dit en pleine figure qu’on est là. Trump et les banques n’ont pas de prise de conscience, ils violent nos terres !”, lance-t-elle en prenant le micro devant la Société Générale, où le petit groupe de manifestants s’est retranché.

“Nous n’avons plus le droit de mourir”

Plusieurs centaines de milliers de personnes dépendraient des ressources de Rio Grande. Juan habite à une dizaine de kilomètres de Eagle Ford Shale, une zone d’extraction de gaz de schiste, l’une des plus forées aux États-Unis depuis 2008. L’Indien a déjà observé des effets irréversibles sur son peuple : “L’eau n’est plus pure, l’air n’est pas respirable…” Et les prochains sites du “Grand Serpent Noir” traverseraient même des vieux cimetières et des sites sacrés, dont des grottes qui renferment des peintures historiques. “Ils nous dénient, et maintenant ils veulent même nous enlever le droit de mourir en paix. Ce sont mes ancêtres qui sont enterrés là-bas ! Ils veulent les déterrer pour les déplacer ! Je m’appelle Juan Mancias et je vous garanti que je mourrais là-bas !” jure le géant, qui arbore autour de son cou l’Aigle, l’emblème de son peuple.

Plus loin, Wasté Win Young semble elle aussi auréolée d’une aura mystique. Avec ses cheveux roses et son trait d’eye liner tribal, elle accapare en grande partie l’attention. Devant les piétons curieux, elle évoque les conséquences de l’oléoduc du Dakota, où elle habite, depuis la mise en route des turbines. Elle parle de cette “terre sacrée” et de la rivière Missouri qui “abrite des âmes”. Pendant 14 ans, elle a fait partie du comité de préservation des tribus de Standing Rock.

“Nos vies ne sont pas extensibles, le Missouri est notre source de rivière. La poursuite du rêve américain s’est bâti sur l’extinction des Amérindiens et des Afro-américains. Le pays a été bâti sur notre dos, sur nos larmes et sur notre sueur. On a le droit de vivre, pas juste de survivre !”

Venir ici, c’est un peu leur dernier espoir. Ils le savent : Trump ne cédera jamais sur les autres projets. “On savait que Trump allait relancer le DAPL, on pouvait entendre les forages avant même qu’il signe le décret officiel… Le pétrole représente beaucoup d’argent, plus cher à leurs yeux que nos vies”, se désole Rafael Gonzales, qui prend le micro et commence à chanter en anglais. Ces phrases, qui évoquent la déshumanisation et les violences policières contre les Sioux, ils les a écrites quand il était dans le camp de Standing Rock. “On est plus chauds que le climat !”, scandent à leur tour les manifestants des autres ONG qui accompagnent les Amérindiens, qui se font appeler “les défenseurs de l’eau”.

Ces “défenseurs de l’eau” avaient prévu un autre gros coup : le lendemain, ils ont participé en petits groupes à plusieurs Assemblées générales, dont celles de la BNP Paribas, du Crédit Agricole, Natixis ou de la Société Générale. Pas pour une action violente, simplement pour témoigner, pour qu’ils ne soient “pas complices de la politique anti-climat de Trump”, précise Lucie Pinson, qui a accompagné un groupe. Ils avaient trois grandes requêtes : que les banques s’engagent à ne plus soutenir les entreprises impliquées dans le DAPL ; qu’elles n’investissent plus dans des projets d’énergies fossiles ; qu’elles s’engagent à respecter les droits des peuples autochtones sans attendre l’aval des Principes de l’Équateur (où sont listés les engagements que doivent prendre les banques).

“On s’en fiche”

Aucune session n’a été concluante. “Aucune réponse suffisante n’a été apportée sur ces trois points”, se désole la militante des Amis de la Terre. A la BNP, par exemple, “des procédures auront lieu d’ici la fin de l’année”, leur a expliqué Jean-Laurent Bonnafé, le PDG du groupe. “Nous déciderons alors soit de sortir des projets qui ne conviennent pas un à un, soit d’exclure toutes ces classes d’actifs [concernant les énergies fossiles NDLR]”, a-t-il ajouté, selon les mots de la militante. Comprendre : si un projet passe à la trappe, d’autres pourraient être maintenus. Une politique d’exclusion des énergies non conventionnelles n’est pas à l’ordre du jour, dans aucune des banques.

Juan et ses compères ont même été accueillis par des “sifflés et une forte agressivité” par les actionnaires de Société Générale. Ceux-ci n’ont même pas voulu écouter leurs questions : “On s’en fiche”, leur aurait-on répondu.

Las, les défenseurs de l’eau ne désespèrent pourtant pas. A plus de 7 000 kilomètres de chez eux, ils espèrent au moins éveiller les consciences des Français. Quelques jours plus tôt, ils organisaient place de la République une réunion ouverte. Tour à tour ils interpellaient les gens et discutaient avec eux. “J’ai rencontré ce type très sympa, Daniel, qui passait dans la rue. Je lui ai dit : ‘Vous avez un compte en banque, donc vous soutenez la destruction de mon peuple ! Sans ton argent, ils ne pourraient rien faire'”, rapporte Rafael Gonzales, le musicien, en ajoutant : “Quelqu’un pourrait passer par là et dire “Wouah ça se passe comme ça !” Ce serait déjà une victoire.”

Devant la Société Générale, les militants sont tous partis. L’action n’a duré qu’une dizaine de minutes. Le personnel a déjà repris progressivement son activité quotidienne. La lettre de Juan, qui comporte son témoignage, est bien restée sur le bureau, et personne ne semble s’en préoccuper. Il reste beaucoup d’étapes européennes à leur tournée, autant de banques et d’individus à convaincre.

Les Inrocks

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