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Nicolas Maury Militant PCF Istres






 



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Histoire du mouvement social et communiste

Il y a 90 ans, le 25 octobre 1917, la Russie bouleversait l'Histoire, le XXème siècle venait de naître. Une nouvelle génération partait à la conquête du ciel - seconde partie la Révolution de février 1917


Il y a 90 ans, le soleil se levait à l'est !
I - L'abdication du Tsar et l'instauration du gouvernement provisoire

Les défaites successives de la Russie lors de la Première Guerre mondiale sont l'une des causes de la révolution. À l'entrée en guerre, tous les partis sont pour cette participation, à l’exception du parti social-démocrate (POSDR). La guerre apporte une série impressionnante de malheurs en Russie. Dès le début du conflit, après quelques succès initiaux, l'armée connaît de lourdes défaites; les usines s’avèrent insuffisamment productives, le réseau ferroviaire insuffisant, le ravitaillement en armes et denrées de l’armée boiteux. Dans l’armée, les pertes battent tous les records (1 700 000 morts et 5 950 000 blessés) et des mutineries éclatent, le moral des troupes se trouvant au plus bas. Les soldats supportent de moins en moins l'incapacité de leurs officiers, les brimades et les punitions corporelles en usage dans l'armée.

La famine gronde et les marchandises se font rares. L’économie russe, qui connaissait avant la guerre le taux de croissance le plus élevé d’Europe est coupée du marché européen. La Chambre basse du Parlement russe (la Douma), constituée de partis libéraux progressistes, met en garde le tsar Nicolas II contre ces menaces pour la stabilité de la Russie et du régime et lui conseille de former un nouveau gouvernement constitutionnel. Mais le tsar ignore l’avis de la Douma.

Le mois de février 1917 rassemble toutes les caractéristiques pour une révolte populaire : hiver rude, pénurie alimentaire, lassitude face à la guerre… Tout commence par des grèves spontanées, début février, des ouvriers des usines de la capitale Petrograd. Pendant ces grèves, des manifestations sont organisées pour réclamer du pain et sont soutenues par la main-d’œuvre industrielle, qui trouve là une raison de prolonger la grève. Le premier jour, malgré quelques confrontations avec les forces de l’ordre, il n’y a aucune victime.

Les jours suivants, les grèves se généralisèrent dans tout Petrograd et la tension monte. Les slogans, jusque là plutôt discrets, se politisent : « À bas la guerre ! », « À bas l’autocratie ! ». Cette fois, les affrontements avec la police font des victimes des deux côtés. Les manifestants s’arment en pillant les postes de police.

Après trois jours de manifestations, le Tsar mobilise les troupes de la garnison de la ville pour mater la rébellion. Les soldats résistent aux premières tentatives de fraternisation et tuent de nombreux manifestants. Toutefois, la nuit, une partie de la troupe rejoint progressivement le camp des insurgés, qui peuvent ainsi s’armer plus convenablement. Entre-temps, le tsar, désemparé, n'ayant plus les moyens de gouverner, dissout la Douma et élit un comité provisoire.

C'est le triomphe de la révolution. Le tsar Nicolas II abdique le 2 mars (jusqu'en 1918, la Russie utilisait le calendrier julien, qui a 13 jours de retard sur celui grégorien. Le 2 mars de "l'ancien style" correspond donc au 15 mars du "nouveau style"). Tous les régiments de la garnison de Petrograd se joignent aux révoltés. le premier épisode de la révolution fait tout de même des centaines de victimes, en majorité parmi les manifestants. Elle provoque la fin du tsarisme et les premières élections au soviet des ouvriers de Petrograd.

Un gouvernement provisoire élu par la Douma, dirigé par Michel Rodzianko, ancien officier du Tsar, monarchiste et riche propriétaire de Terres, s'installe. Ainsi, officiellement, même s'il est issu d'une révolution des ouvriers et soldats, le pouvoir est aux mains d'un gouvernement provisoire, dirigé par des politiciens libéraux (principalement du parti Kadet, le parti de la bourgeoisie libérale). Mais en réalité, il doit composer avec les soviets, assemblées élues d'ouvriers et de soldats. En effet, les ouvriers de Petrograd recréent spontanément les conseils (soviet en Russe) de représentant élus des ouvriers, paysans et soldats, expérimentés en 1905. Dès début mars, des soviets existent dans les principales villes du pays, ils surgiront dans les campagnes en avril et mai.

La période suivant l'abdication du tsar est donc confuse, et les gouvernements provisoires se succèdent rapidement au fur et à mesure que la révolution gagne en profondeur et que la masse des ouvriers et paysans se politise. Le programme du soviet de Petrograd est la paix immédiate, la terre aux paysans, la journée de 8 heures et une république démocratique. Ce programme est inapplicable par la bourgeoisie libérale qui a pris le pouvoir à la suite de la révolution, et qui ne veut ni rompre avec ses alliés, ni toucher à la propriété des terres par la noblesse féodale, ni accorder la journée de 8 heures. Mais le gouvernement provisoire ne peut gouverner sans l'appui incertain des soviets, qui ont le soutien et la confiance de la grande masse des travailleurs. Le soviet est donc à la fois un club dans lequel les ouvriers se rendent pour discuter de la situation, et un organe de gouvernement.

La révolution s'étend dans tout le pays: dans les villes et les villages, à l'annonce de la révolution dans la capitale, des soviets se forment et les notables qui dirigeaient au nom du tsar sont destitués. Les soviets sont alors dominés par des partis socialistes, mencheviks et Socialistes-Révolutionnaires, les bolcheviks, malgré leur nom, sont minoritaires.

Malgré la volonté populaire d'en finir avec la guerre, l'implication dans la première guerre mondiale n'est pas remise en cause. En avril, la publication d'une note secrète du gouvernement à ses alliés, indiquant qu'il ne remettra pas en cause les traités tsaristes et continuera la guerre, provoque la colère des soldats et ouvriers. Des manifestations pour et contre le gouvernement causent les premiers véritables affrontements armés de la révolution. Les socialistes modérés entrent au gouvernement, soutenus par la majorité des ouvriers qui pensent qu'ils pourront faire pression pour arrêter la guerre.

Peu après son retour en Russie, Lénine fait paraître ses Thèses d'avril, dans lesquelles il s'oppose au gouvernement provisoire et explique que seul le plein pouvoir aux soviets est à même de sauvegarder les acquis de la révolution. Il prône la confiscation et le partage des terres par les paysans, le passage immédiat à une république des soviets et le boycott du gouvernement provisoire. Avec l'effondrement économique et la poursuite de la guerre, les idées du parti bolchevik, dirigé par Lénine et Trotsky gagnent de l'influence. Début juin, les bolcheviks sont majoritaires dans le soviet ouvrier de Petrograd.

Les 3 et 4 juillet, les ouvriers et soldats de Petrograd manifestent pour exiger des dirigeants du soviet de Petrograd qu'il prenne le pouvoir. Les bolcheviks s'opposent à une insurrection, estimant qu'il est encore trop tôt pour renverser le gouvernement provisoire : les bolcheviks ne sont majoritaires qu'à Petrograd et Moscou, tandis que les partis socialistes modérés conservent une influence importante dans le reste du pays. Ils préfèrent laisser le gouvernement aller au bout de ses possibilités et montrer son incapacité à gérer les problèmes de la révolution : la paix, la journée de 8 heures, la réforme agraire.

II- Instabilité du gouvernement provisoire et montée des bolchéviks

La répression s'abat néanmoins sur les bolcheviks. Trotsky est emprisonné, Lénine est obligé de fuir et se réfugie en Finlande, le journal bolchevik, "Rabotchi I Soldat" ("Ouvrier et Soldat") est interdit. La réaction s'installe et le tsarisme relève la tête ; des pogroms se produisent en province. Les régiments de mitrailleurs qui ont soutenu la révolution sont dissouts, envoyés au front par petits détachements, les ouvriers sont désarmés. 90 000 hommes doivent quitter Petrograd, les "agitateurs" sont emprisonnés. Le 8 juillet, le général Kornilov, qui commande le front sud-ouest, donne l'ordre d'ouvrir le feu à la mitrailleuse et l'artillerie sur les soldats qui reculeraient (du 18 juin au 6 juillet, une offensive sur ce front fait 58 000 morts).

Le gouvernement ne peut ni ne veut s'opposer à la montée de la réaction. Kerensky a succédé au prince Georgy Lvov, monarchiste modéré, après les journées de juillet. Il perd de plus en plus la considération des masses populaires.

Le général Kornilov incarne les espoirs des anciennes classes dirigeantes, noblesse et grande bourgeoisie. Monarchiste "Cent-Noir", il a déjà en avril donné l'ordre de fusiller les déserteurs et d'exposer les cadavres avec des écriteaux sur les routes, et menacé de peines sévères les paysans qui s'en prendraient aux domaines seigneuriaux. Dans les usines et l'armée, le danger d'une contre-révolution prend corps. Les syndicats, dans lesquels les bolcheviks sont majoritaires (malgré la répression) organisent une grève massivement suivie.

La tension monte progressivement, marquée par la radicalisation du discours des partis. Ainsi le 20 août, au comité central du Parti cadet, son dirigeant Milioukov déclare : « Le prétexte en sera-t-il fourni par des émeutes de la faim ou par une action des bolcheviks, en tout cas la vie poussera la société et la population à envisager l'inéluctabilité d'une opération chirurgicale. » L'Union des officiers de l'armée et de la flotte, organisation influente dans les corps supérieurs de l'armée russe et financée par les milieux d'affaires, appelle à l'établissement d'une dictature militaire. Sur le front, le capitaine Mouraiev, membre du parti S-R, constitue plusieurs bataillons de la mort et assure que ces « bataillons ne sont pas destinés au front, mais aussi à Petrograd, quand il faudra régler leurs comptes aux bolcheviques. »

Fin août 1917, Kornilov organise un soulèvement armé, et jette 3 régiments de cavalerie par voie de chemin de fer sur Petrograd, dans le but affiché d'écraser dans le sang les soviets et les organisations ouvrières. Face à l'incapacité du gouvernement provisoire à se défendre, les bolcheviks organisent la défense de la capitale. Les ouvriers creusent des tranchées, les cheminots envoient les trains sur des voies de garage, et les troupes finissent par se dissoudre. Les conséquences du putsch sont énormes: les masses se sont réarmées, les bolcheviks peuvent sortir de leur semi-clandestinité, les prisonniers politiques de juillet sont libérés par les marins de Kronstadt.

De plus en plus d'ouvriers et soldats pensent qu'il ne saurait y avoir de conciliation entre l'ancienne société défendue par Kornilov et la nouvelle. Le putsch et l'effondrement du gouvernement provisoire, en donnant aux soviets la direction de la résistance renforce leur autorité et accroît l'audience des bolcheviks. Leur prestige se trouve grandi : aiguillonnées par la contre-révolution, les masses se radicalisent, des soviets, des syndicats se rangent du côté des bolcheviks. Le 31 août, le soviet de Petrograd accorde la majorité aux bolcheviks, et élit Trotsky à sa présidence le 30 septembre. Toutes les élections montrent cette montée ; ainsi, aux élections municipales de Moscou, entre juin et septembre, les SR passent de 375 000 suffrages à 54 000, les mencheviks de 76 000 à 16 000, les cadets de 109 000 à 101 000 voix, alors que les bolcheviks passent de 75 000 à 198 000 voix. Le mot d'ordre « tout le pouvoir aux soviets » dépasse largement les bolcheviks et est repris par des ouvriers SR ou mencheviks. Le 31 août, le soviet de Petrograd et 126 soviets de province votent une résolution en faveur du pouvoir des soviets.

La révolution se poursuit, les paysans s'emparent des terres des seigneurs sans attendre la réforme agraire promise et constamment retardée par le gouvernement provisoire. Les soldats désertent en masse les tranchées, qui se vident peu à peu. Ainsi, les bolcheviks, qu'on qualifiait encore en juillet d'une « insignifiante poignée de démagogues » contrôlent la majorité du pays.

Nicolas Maury
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