Notes Philosophiques ou Voyage en Anachronie -

L'Actualité

Jeudi 6 Octobre 2005
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Anciens régimes...

    Une dépêche des Nations Unies dont la teneur suit, est de nature à nous renvoyer à de plus sages pratiques :

KOFI ANNAN APPELLE LES PAYS PAUVRES À PRÉSERVER LEUR CUISINE TRADITIONNELLE CONTRE LA CULTURE DU FAST-FOOD
 

New York, Oct  5 2005  6:00PM
 

Suite au dernier rapport de l'Organisation mondiale de la santé sur l'obésité qui faisait apparaître que ce problème de santé publique ne touchait plus seulement les pays développés mais aussi les pays en développement, le Secrétaire général a appelé les pays pauvres à préserver leur cuisine traditionnelle et à résister à l'importation de la culture du fast-food.
« Bien que nous ne soyons pas dans le business du régime, nous sommes préoccupés par les problèmes de santé publique », a déclaré aujourd'hui le Secrétaire général, lors d'un point de presse au siège de l'ONU à New York, en réponse à une question qui faisait référence aux dernières statistiques publiées par  l'Organisation mondiale de la santé <"http://www.who.int/fr/">(OMS) sur l'obésité dans le monde.
« Chacun doit pouvoir se nourrir correctement, non seulement dans les pays développés mais aussi dans les pays en développement », a affirmé Kofi Annan.
« La plupart des pays en développement n'avaient pas ce problème d'obésité et ils ne devraient pas l'importer chez eux en mangeant et buvant une nourriture ou une cuisine mal adaptée. Ils devraient plutôt s'attacher à garder leur régime alimentaire traditionnel qui a permis à leur population de rester minces et sveltes », a-t-il encore dit.
                                                                                                Le 22 septembre dernier, l'OMS avait <"http://www.who.int/mediacentre/news/releases/2005/pr44/fr/index.html">alerté la communauté internationale sur le fait que l'obésité et l'excès pondéral n'étaient plus seulement le problème des pays riches mais devenait un véritable fléau dans les pays à revenu intermédiaire ou faible.
D'après les dernières estimations de l'agence de l'ONU pour la santé, le nombre de personnes présentant un excès de poids pourrait passer de 1 milliard aujourd'hui à 1,5 milliard en 2015.
Plus de 75 % des femmes âgées de plus de 30 ans présentent un excès pondéral dans des pays aussi différents que l'Afrique du Sud, la Barbade, l'Egypte, les Etats-Unis d'Amérique, Malte, le Mexique et la Turquie.
« L'ampleur même du problème de l'excès pondéral et de l'obésité est stupéfiante. L'aggravation rapide de ces deux problèmes dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire laisse présager une charge écrasante des maladies chroniques pour ces pays au cours des 10 à 20 prochaines années, si des mesures ne sont pas prises dès maintenant », avait déclaré Catherine Le-Galès Camus, sous-directrice générale de l'OMS chargée des maladies non transmissibles et de la santé mentale (voir notre <"http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=11095&Cr=OMS&Cr1=obésité">dépêche du 22 septembre 2005).

    Certes, cet avertissement - un de plus - ne nous est pas directement destiné. Pourtant, il nous concerne.

    Le régime dit Crétois - fruit d'une enquête de l'Organisation Mondiale de la Santé dans les années 50) a démontré que les habitants de cette île Grecque détenaient le plus faible taux de mortalité liée aux maladies cardio-vasculaires. La raison de ce phénomène inégalé dans le monde? Leur alimentation.

    En fait : de l'huile d'olive, des poissons (quatre fois par semaine), des légumes et des fruits frais, peu de viande, du fromage de chèvre. Il s'agit là du régime niçois par excellence.

    L'huile d'olive tout d'abord. Elle fut une production locale dominante pendant des siècles et l'apport régulier des repas quotidiens. Il n'est de commune de notre Comté qui n'eût son moulin.

    Les légumes et les fruits frais font, de même, partie intégrante de la production locale dont la partie non vendue sur les marchés locaux (Nice, Monaco, Menton), composaient la note dominante des repas niçois.

    Enfin, le fromage de chèvre. Longtemps l'apanage du haut et du moyen pays (dont Eze au premier chef), il est consommé ici depuis le haut Moyen-âge.     

GASTRONOMIE EZASQUE

 

    Aujourd'hui où l'on peut trouver du cuissot d'autruche dans la moindre épicerie de nos campagnes françaises et des cerises en hiver, il n'est pas superfétatoire de dire que la cuisine des régions est liée à la production locale et aux saisons.

 

    Il faut convenir qu'à Eze, la première est réduite en ses variétés et que les secondes se limitaient à une saison chaude et à une saison "froide".

 

    Le seul produit annuel est celui de la pêche. Ainsi, les Figuiera laisse-t-il en hiver leur résidence du "haut" pour celle d'Eze-Sur-Mer, dénommée à juste titre "Lou Pescaire".

 

Photo Giletta - Archives photographiques (Médiathèque du Patrimoine) (c) Caisse nationale des Monuments historiques

 

        Y réside à plein-temps un pêcheur qui à l'instar de ses prédécesseurs répond à la demande familiale en allant quérir les bancs réguliers qui d'Est en Ouest et d'Ouest en Est laissent leur précieuse manne dans les filets. Nous savons que Ludovic Figuiera pouvait les distinguer à l'oeil nu de la fenêtre de sa salle à manger d'Eze et allait mander Philippe Fulconis, son ancien bosco, afin de sortir le pointu.

 

         Ainsi, la recette vraiment Ezasque demeure celle quasi ésotérique de la morue à l'aigre-doux, savante composition tirée d'influences culinaires oubliées. De même la daube qui, à Eze, mitonnée non pas des heures mais des jours, devient ce plat roboratif des hivers rigoureux - il y en eut - qui, confit comme une viande de gibier, peut durer jusqu'à des semaines.

 

          Le feu ne doit jamais s'éteindre et, d'ailleurs, il chauffe le reste de la maison (seules les maisons "modernes" ont deux cheminées), le four accommodant le pain, les fonds de tartes (sucrées ou salées) et l'eau des bassinoires qui iront rendre les lits moins glacés.

 

           Eze produit sa "piquette" et elle se boit généralement avec quelques figues apéritives et filets d'anchois délicieusement sucrés.

 

           Les diverses photos d'Ezasques que j'ai pu montrer au fil de ce site montrent des hommes et des femmes minces. Sans doute, la nature du site en est-elle la cause car certaines familles font de la cuisine un art de vivre poussé à son paroxysme. Les membres de celles plus frugales, ou économes de cet indispensable poste du budget familial, iront dévorer en cachette chez les autres!

 

            Le bas du village est entièrement cultivé et la ferme de la Fouant Rossa qui occupe bien les trois quarts de la zone est dotée d'une véritable exploitation agricole mise en fermage par les Figuiera depuis des lustres. (N'est-ce pas là que furent inventées les patères grecques aujourd'hui au British Museum? - Cf. Antiquité). Une trentaine de vaches - le lait coule à flots -, des chevaux pour tirer la charrue - il y fut produit des céréales pendant des siècles -, une importante vigne, des figuiers, caroubiers et oliviers à profusion.

 

             


LA RECETTE DU BONHEUR

 

    Une recette tirée d'un petit opuscule de mon arrière grand-mère figurant, pour aujourd'hui, la recette de la "Torta de Bléa" qui, à l'instar de celle mentionnée plus haut de la "morue à l'aigre-doux", est un savant compromis salé sucré.

 

      

 

 

   

      La cuisine, dite de famille ou bourgeoise, fait partie de l'histoire. Cette dernière, "petite" ou plus ambitieuse nous  définit sans nous restreindre, La gastronomie quant à elle semble avoir, de tous temps, épousé le monde environnant ou plus lointain. L'étudier constitue une sorte d'archéologie, ou même d'étymologie du goût qui a passionné de nombreux chercheurs. Si, par surcroit, elle est un élixir de longue vie, pourquoi donc s'en priver?

 

    Les hommes et femmes de "marketing" qui ont accolé à Eze ce titre ronflant de "village de la gastronomie" feraient bien de conseiller à nos établissements de revenir à cette cuisine du marché, chère à Bocuse et du "bon marché" ajouterais-je, face à la pompe dispendieuse de mets de compagnies aériennes!


Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Jeudi 6 Octobre 2005 à 15:54
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