Notes Philosophiques ou Voyage en Anachronie -

L'Histoire

Mercredi 5 Octobre 2005
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De Turin à Eze

&

De la Baleine d'Eze 

        Sans grandes interruptions, de 1388 à 1860, le phare du Comté de Nice s'est imperturbablement situé à Turin. Les archives administratives importantes, diplomatiques également, s'y trouvaient et, en dépit de la seconde guerre mondiale, une partie s'y trouve encore. Charles-Alexandre Fighiera m'a conté les difficultés auxquelles il avait dû faire face lorsque, après la guerre, dûment mandaté aux fins de recouvrement des documents distraits par les administrateurs de la défaite de l'Axe, il s'était enquis des éléments concernant le Comté.

                        Relativement à Eze, deux sortes d'archives s'y trouvent.

                        Celles générales, notamment le document manuscrit dont je vais parler et celles chronologiques, couvrant toutes périodes et tous types d'informations.

                        Parmi les figures d'Eze, Antoine Fighiera joua un rôle particulier. Il est l'oncle de François Fighiera, Bayle Ducal d'Eze en 1587, marié à Marie Giacobi, de Contes, mort en 1612 sans postérité et le fils du Capitaine Constantin, Capitaine en 1589, marié à Catherine Régis, d'Eze, mort en 1620.

                    Juriste, plus spécialement criminaliste puisque lecteur d'instituts et de droit criminel à la Faculté de Turin, il fut proche du pouvoir au plus haut niveau en qualité d'auditeur du duc Charles Emmanuel Ier et du prince de Piémont.

                    Il est né à Eze, en mai 1577, dans la maison familiale de la rue aujourd'hui dite du Brec, celle que nous occupons aujourd'hui. Il gardera toujours un profond attachement au pays, notamment lorsqu'il s'agira de défendre ses intérêts à l'encontre d'Antoine Valperga, le comte léonin!

                    J'ajouterai qu'il se trouve être l'arrière grand-oncle du capitaine Louis Figuiera. Mais ce ne sont pas ses voyages qui le poussèrent à écrire mais plutôt ses observations. Ainsi, au titre de l'inventaire dit ":  PAESI /   PAESI IN GENERE E PER PROVINCIE", peut-on trouver ce manuscrit au titre alléchant :

                HISTORIE naturali e morali della Città e del Contado di Nizza dal principio del mondo sino all'anno 1638, compilate dal Senatore e Consigliere Avv.to Antonio Fighiera. Mss. autografo. Non contiene che una raccolta di fatti e di note storiche estratte da parecchi autori e da memorie manoscritte e disposte per ordine cronologico.

                                Dans le style du temps, c'est à dire démesuré, Antoine entame l'Histoire naturelle et morale de la Ville et du Comté de Nice du commencement du monde jusqu'à l'année 1638. Le fait est d'autant plus extraordinaire que le chapeau du dépôt nous indique : mémoire manuscrit et organisé par ordre chronologique.

                                Deux faits concernant Eze sont particulièrement extraordinaires à ses yeux :

                                Le premier est cette mention en l'année 1559 au sujet de François Fighiera son oncle, plus particulièrement le 1er octobre : "une baleine d'une grandeur démesurée s'est échouée sur la plage à la Mer d'Eze; la première personne qui a osé monter sur l'animal a été François Fighiera, mon oncle, qui n'avait que 14 ans."

                                Le second, qui recoupe les observations de George Sand sur les essences peuplant les escarpements d'Eze date, quant à lui, date du 14 décembre 1568 : "il est tombé tant de neige et le froid a été si vif que les caroubiers et les citronniers ont été brûlés."

                                Il est mort à Nice en 1643 et je dois dire que plusieurs fois j'ai entendu, au sein de la famille, faire référence à son sujet.

                                Plus généralement sur Eze, les archives de Turin possèdent le seul document que je connaisse relatif à la famille d'Yze que j'ai déjà évoquée ici. Il s'agit du serment de fidélité des frères Francois et Antoine d'Yze, Seigneurs de La Turbie et de Monaco et Co-seigneurs de Menton à Alphonse, Comte de Provence au titre des lieux dont s'agit, ce le 20 juillet 1177. 

                         Pourtant, rien ne me semble aussi captivant que cette idée du jeune enfant, ce petit François, futur Bayle ducal, qui monte sur le dos du cétacé géant.

                        Quant à la question des archives locales se trouvant en Italie, elle relève des frises du Parthénon. Toute revendication, justifiée après la guerre lorsque notre pays collationnait avec soin les richesses manuscrites ou imprimées, serait aujourd'hui risquée connaissant l'encombrement qui préside à leur conservation et, pire, le peu d'intérêt démontré lorsqu'il s'agit pour l'Etat de faire jouer son droit de préemption à l'endroit de documents d'intérêts régionaux.* Quant aux communes, c'est encore plus grave alors que toutes - ou presque- pressées qu'elles furent de se débarrasser de ce dépôt entre les mains d'autres autorités exogènes, nous privèrent de leur consultation.

* A l'exception des administrateurs de la Bibliothèque Nationale qui sont en train de faire un travail remarquable notamment sur les documents relatifs aux voyages en France.


Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Mercredi 5 Octobre 2005 à 11:35
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