Notes Philosophiques ou Voyage en Anachronie -
Quelques réflexions sur une écli

Quelques réflexions sur une éclipse...

 

    Aujourd'hui, trois octobre, près de la moitié de l'humanité aura été le témoin d'une éclipse partielle du soleil.

    Les phénomènes naturels, terrestres ou astronomiques, ont ceci de bon qu'ils nous ramènent à la réalité de notre condition. Nous dépendons du sol nourricier qui nous porte, du ciel qui nous éclaire et de l'eau qui nous abreuve. Néanmoins, chacun de ces éléments peut à son tour véhiculer la mort. Le premier sous la forme du séisme, le second en devenant imprévisible et, enfin, l'eau qui chaque jour nous montre combien elle est indispensable mais aussi vecteur de mort.

    On ne parlemente pas avec la Nature, on ne signe pas de traité avec elle. C'est elle qui décide et à des jours et heures non négociables. La paix des éléments ne se décrète pas mais elle se prépare. Nice et sa région, qui sont pourtant au front des catastrophes naturelles : tremblements de terre, inondations ("Lou Païoun Ven"), incendies, etc. ne semblent pas avoir tout à fait mesuré les conséquences d'options à court terme invalides et néfastes. Le château de cartes est impressionnant, il est haut et semble ferme. Des décisions sont prises, ne va-t-on pas le consolider? Pourtant, il ne s'agit que d'un château de cartes.

    Je suis frappé, choqué et outré d'entendre à longueur de catastrophes annoncées (par nos médias alors qu'elles ont déjà produit leur lot de malheurs) désigner le tourisme comme première victime de l'évènement. Aucune région de notre terre ne devrait être constituée de lieux d'autant plus "intéressants" qu'ils sont rentables. Las Vegas est, certes, née du désert. Ce n'est pas le cas du Comté forgé par des hommes et des femmes qui pratiquaient le Fen Shui du pauvre : la logique.

    Eze, notamment, cette éclipse sans doute anodine me permettant de citer quelques exemples, pour nous historiques, de la fragilité d'un système fondé sur le provisoire.

    Voici donc quelques rappels motivés d'un passé que chacun prie de pouvoir toujours le conjuguer au même temps.


 

Séisme

Tremblement de terre du 23 février 1887 - Photo Jean Gilletta - Médiathèque du Patrimoine - Ministère - BnF/Gallica

Parmi les menaces qui depuis toujours pesèrent sur Eze, l'on compte les tremblements de terre et les incendies. 

En une centaine d'années, nous eûmes plus qu'il n'y paraît à composer avec ces situations dramatiques.

D'abord le 24 juillet 1881 où toute la région de Nice et du Nord de l'Italie fut secouée par une secousse légère qui lézarda plus d'une façade.

De même, le 23 février 1887 où, cette fois la secousse fut plus importante et la photo ci-dessus illustre bien la surprise qui fut celle des habitants du Comté.

A cette époque, la sécurité civile est bien organisée et le Ministère des Travaux Publics débloque un million de francs pour les victimes.

Eze, comme d'autres communes, fait appel à la charité publique (le mot alors ne fait pas peur) et Camille Flammarion le 14 mars 1887 évoque le tremblement de terre de Nice lors d'une conférence à juste titre alarmiste.

A la suite de la catastrophe, le fisc applique un dégrèvement des patentes et allège le poids fiscal imposé aux victimes.

Le 22 avril 1995, toute la région niçoise ressent une secousse importante, d'une intensité de force 4,7 sur l'échelle de Richter puis le 25 février 2001 un tremblement de terre d'intensité sans doute supérieure fort ressenti à Eze.

Les incendies, quant à eux, sont encore plus nombreux.

On notera celui du 14 août 1949 où 150 hectares entre Villefranche et Eze sont la proie des flammes.

Puis, seulement deux années plus tard, le 15 août 1951, un grave incendie provoqué par un jeune campeur de 16 ans.

Les dates se suivent et se ressemblent : 28 juin 1958, 26 juillet 1959 et, bien sûr, les très importants et dramatiques incendies de 1971 et 1986.

Ces événements appellent à la prudence mais également à la vigilance.


 

La Trombe de Nice

   

        Le jeune Luigi Fighiera, futur capitaine Louis Figuiera, puis maire d'Eze, partira dans huit ans pour les Indes Orientales. Il a alors quinze ans et, à l'image de tout Ezasque, la contemplation de l'indomptée nature lui apprendra toutes les surprises que provoquent les éléments.

                Sans aucun doute, son père ou lui-même, auront vu le phénomène.

                Trois heures de l'après-midi. Nous sommes en avril, plus exactement l'année 1780.

                Comme chaque matin, après avoir ouvert les doubles volets de la fenêtre de sa chambre, l'habitant regarde d'abord dans la direction de l'Est pour y percevoir quelque nuage annonciateur de pluie, d'orage ou d'éclaircie. La veille, la lune lui aura dit les caprices du vent.

                Monsieur Michaut, architecte à Nice, aura, quant à lui, été bien surpris car personne ne lui a appris à prévoir de cette façon si empirique.

                C'est ce qu'il écrit à M. Faujas de Saint-Fond :

                                        "... grande agitation de la mer, bouillonnait comme aurait fait l'eau d'une immense chaudière par l'action d'un feu violent. Cet espace était environné d'une enceinte ou atmosphère de vapeurs blanchâtres et diaphanes, imitant la figure d'un ballon, qui ne s'élevait que ce qui était nécessaire pour envelopper l'aire bouillonnante et conservait un état de tranquillité sans rotation, tandis que le tout avançait en obéissant au vent. Une trombe sortie des nuages avancés d'un orage avait son extrémité inférieure et très amincie au milieu de cette aire bouillonnante...

                "... le bout supérieur, très aminci et diminué de toute l'épaisseur déchirée, tenait toutefois au reste et continuait à pomper l'eau que l'on voyait également monter dans la nue, tandis que le reste inférieur de la trombe, qui avait conservé ses premières dimensions, voltigeait au gré du vent en s'allongeant et se raccourcissant, sans jamais abandonner le bouillonnement qui subsistait sur la mer et qui marchait comme la nue, de l'est, à l'ouest...

                "... mais un moment après son passage, il tomba d'abord une espèce de neige glacée et réduite, en grenaille , et ensuite une pluie orageuse. On la vit de loin s'amincir, et bientôt après remonter vers les nues à la vitesse de l'éclair."

             


Le Coup de Foudre d'Eze de la Nuit du 13 du 14 mai 1887

   

        Dans la longue série des évènements météorologiques mémorables, et à la suite de la trombe de Nice, ce coup de foudre historique et demeuré dans les esprits mais, aussi, dans les tablettes des Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences/Institut de France dans sa livraison des mois de janvier à juin 1887.

            La communication émane de M. Hubert et est adressée à M. Hermite. Elle vaut d'être citée en son entier tant les détails foisonnent et sont caractéristiques d'autres observations préalables ou postérieures qui ont pu être faites à Eze.

 

            "La nuit du 13 au 14 mai, un orage terrible éclata sur le petit village d'Eze, perché sur le flanc d'un pic qui domine la Méditerranée, à une altitude de 500m, et qui est entouré des forts, encore plus élevés, qui commandent la frontière d'Italie, entre Eza et Menton. AU sommet du pic, il reste les ruines d'un vieux château du temps des Romains, à 80m plus bas, l'église du village, entourée d'une cinquantaine de maisons enceintes dans une ligne de fortifications construites au moyen âge contre les excursions des Sarrasins.

            "Le tonnerre s'avançait à coups redoublés, au milieu d'une bourrasque violente de pluie et de grêle qui faisait tout trembler, si bien qu'au premier moment tout le monde crut à un nouveau tremblement de terre, comme celui que nous avons éprouvé il y a deux mois. Mais bientôt deux coups terribles se font entendre en même temps que l'éclair brille d'un éclat sans pareil, et sont suivis chacun d'un craquement épouvantable.

            "Au lever du jour, chacun sort de chez soi et l'on accourt sur la scène du désastre : c'était navrant.

            "L'un des coups avait effondré un versant du toit de l'église et labouré l'autre à plusieurs places, cassé les vitres, puis, se partageant entre trois des tuyaux de descente des eaux pluviales, les avait fondus, tordus, brisés, projetés au loin : enfin, arrivé en bas, l'un des courants avait abouti à la citerne, sous la sacristie; un autre s'était perdu dans le sol et le troisième, après avoir brisé le trottoir en ciment, s'était creusé un trou de près de 1m de profondeur sur 40m de diamètre, et avait continué ses ravages en fendant du haut en bas le mur de soutènement qui fait partie, en cet endroit, de l'ancienne enceinte fortifiée.

            "L'autre coup avait produit un effet encore plus terrible : il avait renversé une partie des ruines de l'ancienne construction romaine faisant crête au sommet du pic, en dessous avait fait éclater une partie du rocher d'environ 20m, et l'avait projetée dans toutes les directions, jusqu'à une distance de 100m. Les flancs de la montage étaient jonchés de ces débris, la place de l'Eglise couverte à ne pas trouver un point où mettre le pied, les toits des maisons d'alentour crevés comme à la suite d'un bombardement et jusqu'au chemin et aux champs voisins où l'on voyait encore des pierres disséminées. Il y en avait de toutes grosseurs, depuis quelques blocs de près de 1m jusqu'à des cailloux, et des ruisseaux de sable dans les ravins.

            "Ce qui dépasse tout, c'est, à côté de cette partie, qui a fait comme une explosion, une autre partie détachée de la montagne par une fente oblique, large et profonde, sur une longueur de 20m. Si cette partie, mesurant plusieurs centaines de mètres cubes, venait par un ébranlement quelconque à glisser sur la surface déclive, elle pourrait produire encore de plus grands désastres.

            "Après l'exposé de ces effets terribles de la foudre, il me reste à poser une questions aux météorologistes : Ne serait-il pas prudent d'installer un paratonnerre sur le sommet du pic, avec une chaîne assez longue pour conduire la foudre au fond du ravin, car il n'y a pas d'eau sur ce sol rocheux?

            "Les établissements du génie qui nous dominent n'ont rien, en effet, sans doute parce qu'ils en sont munis. C'est dans un de ces forts, celui dit de la Tête-de-Chien, qu'au dernier tremblement de terre le guetteur, qui avait voulu interroger par le télégraphe son collègue du fort voisin, avait ressenti une si violente secousse qu'il en avait eu le bras paralysé."

            L'année 1887, si terrible pour tout le Comté, le fut encore davantage pour Eze.

            Chaque évènement démontrant à chacun la fragilité inhérente à toute installation humaine, renforçait encore davantage le sentiment d'humilité de la communauté ainsi touchée. C'est ainsi qu'en 1910, lors des inondations qui frappèrent la France et notamment Paris, les Ezasques manifestèrent leur soutien au nom même de celui qui leur avait été prodigué des années auparavant.

 


 

La Secousse de 1887

       

        L'enveloppe aux tons bleutés porte l'en-tête de son époux : C.M. FIGUIERA, Avoué, Promenade du Cours, 11, Nice (Alpes-Maritimes). Dans les mêmes nuances, le timbre à 15 sous, à destination de Monsieur Albert Figuiera brigadier au 15e escadron des équipages militaires de Privas, en Ardèche.

 

        Le fils du maire d'Eze n'a pas été recommandé. Simple brigadier, il effectue son service loin de son village et de Nice. Sa mère, fille du chevalier François Malausséna, petite-fille de l'Avocat Barralis, n'aurait pas aimé qu'il fût l'objet de quelque protection, malséante à l'époque.

    Ce 21 mars 1887, elle le tient au courant du tremblement de terre déjà évoqué au fil de ces pages.

    "La panique commence un peu à se dissiper mais ta soeur, ne voulant pas être en reste avec son homonyme : Adèle Gaziglia qui me dit-on est méconnaissable - ne dort plus, ne mange plus - est dans un état d'agitation continuelle, ne veut à aucun prix reprendre la chambre. Cette nuit encore, à minuit, elle demandait à s'habiller et à venir s'asseoir dans ma chambre car, disait-elle, je deviens folle dans la mienne. Elle n'est pas la seule impressionnée mais enfin je trouve cela un peu long et déraisonnable. Nous sommes allés dimanche à la mer d'Eze et j'ai été désagréablement surprise d'avoir une chambre assez maltraitée par le tremblement. Il n'y a rien à craindre mais il y a une séparation très accentuée entre le mur et le plafond. D'assez gros morceaux de plâtre sont tombés juste entre nos deux lits. Je ne crois pas que le vide du vallon est en cause parce que c'est précisément de ce côté que la séparation est plus visible. A Levens ou ton père est allé avec Mr Spinetta, les dépenses pour consolider la maison se monteront à 400 ou 500 frs. Enfin il n'y a pas eu d'accidents de personne. Plaie d'argent n'est pas mortelle. Mr. Blanchi aura lui 8 à 10 mille frs de dépenses à sa maison pour les réparations. Cela me console un peu car si mon loyer est cher au moins nous sommes tranquilles et rassurés sur sa solidité à l'avenir. Pour le moment, cela n'est pas à dédaigner. Si l'occasion se présente nous ferons ce qui nous conviendra le mieux mais il ne faut pas se dissimuler que les immeubles subiront une baisse...Adieu, mon cher Albert. Ecris nous, soigne toi si c'est possible - même à cheval. Ta mère. Affection. Clorine Figuiera"

Lettre de Clorine Figuieraà à Albert Figuiera

Archives Xavier Cottier

            Tout le Comté, pendant plusieurs semaines et, notamment, tout le centre de Nice, a vu ses habitants séjourner à même le sol des rues en prévision de séquelles de la grande secousse et, pour les plus chanceux, devoir s'abriter dans leurs résidences mieux assises et, en général, situées dans l'arrière-pays.

            Cette simple lettre et la photo de l'époque nous montrant les conséquences d'une secousse seulement de niveau cinq sur l'échelle de Richter devraient nous mettre en garde à l'endroit de l'insouciance, pour ne pas dire de l'imprévision, qui semble ça et là régner dans les esprits de ceux qui ne se voient plus investis que de la seule mission de rameuter toujours davantage de monde en nos lieux.

            De plus, des travaux intérieurs menés à Eze sans le contrôle d'architectes qualifiés devront peut-être un jour nous ramener à plus de raison face à la dramatique constatation que les pessimistes avaient finalement raison.

            Puisse le Ciel me donner tort. Quant aux optimistes, aux insouciants et tenants de la défloration du "vrai", leurs discours ne feront rien à l'affaire : sous les ruines ou au-dessus, ils devront répondre de leurs années d'impéritie.



Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Lundi 3 Octobre 2005 à 14:40

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Dimanche 2 Octobre 2005
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Aux Arbres, nos Parents...

 

14 août 2005 - 16 h 08 - Plateau de la Justice Eze - xaviercottier©2005

Aux arbres

Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme!
Au gré des envieux, la foule loue et blâme ;
Vous me connaissez, vous! - vous m'avez vu souvent,
Seul dans vos profondeurs, regardant et rêvant.
Vous le savez, la pierre où court un scarabée,
Une humble goutte d'eau de fleur en fleur tombée,
Un nuage, un oiseau, m'occupent tout un jour.
La contemplation m'emplit le cœur d'amour.
Vous m'avez vu cent fois, dans la vallée obscure,
Avec ces mots que dit l'esprit à la nature,
Questionner tout bas vos rameaux palpitants,
Et du même regard poursuivre en même temps,
Pensif, le front baissé, l'œil dans l'herbe profonde,
L'étude d'un atome et l'étude du monde.
Attentif à vos bruits qui parlent tous un peu,
Arbres, vous m'avez vu fuir l'homme et chercher Dieu!
Feuilles qui tressaillez à la pointe des branches,
Nids dont le vent au loin sème les plumes blanches,
Clairières, vallons verts, déserts sombres et doux,
Vous savez que je suis calme et pur comme vous.
Comme au ciel vos parfums, mon culte à Dieu s'élance,
Et je suis plein d'oubli comme vous de silence!
La haine sur mon nom répand en vain son fiel ;
Toujours, - je vous atteste, ô bois aimés du ciel! -
J'ai chassé loin de moi toute pensée amère,
Et mon cœur est encor tel que le fit ma mère!

Arbres de ces grands bois qui frissonnez toujours,
Je vous aime, et vous, lierre au seuil des autres sourds,
Ravins où l'on entend filtrer les sources vives,
Buissons que les oiseaux pillent, joyeux convives!
Quand je suis parmi vous, arbres de ces grands bois,
Dans tout ce qui m'entoure et me cache à la fois,
Dans votre solitude où je rentre en moi-même,
Je sens quelqu'un de grand qui m'écoute et qui m'aime!
Aussi, taillis sacrés où Dieu même apparaît,
Arbres religieux, chênes, mousses, forêt,
Forêt! c'est dans votre ombre et dans votre mystère,
C'est sous votre branchage auguste et solitaire,
Que je veux abriter mon sépulcre ignoré,
Et que je veux dormir quand je m'endormirai.

Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : Les contemplations)


Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Dimanche 2 Octobre 2005 à 17:01
Des Cours d'Amour ou si les murs pouvaient parler, ils chanteraient...
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Des Cours d'Amour

 

ou

Si les murs pouvaient parler, ils chanteraient...

 

 

 

 

 

De la nuit des temps, jaillissent des noms. Puis, à leur lecture ou à leur prononcé, des images. Le Moyen Age, pourtant plus récent qu'il n'y paraît - en tous cas dans nos mentalités - ne fait pas exception à cette règle.

    Depuis que les chroniques mentionnent Eze, à un titre ou à un autre, leurs auteurs n'omirent jamais de supposer que le "manor" des Riquier ou le castel des Badat, Blacas et autres feudataires, furent les témoins d'émois non moins charmants qu'ils étaient littéraires : les cours d'amour.

    Je noterai, à cet égard, que si tout ce qui n'est pas étayé par des preuves n'est pas forcément erroné, à l'inverse ce qui est généralement entendu comme avéré n'est pas toujours frappé au sceau de la vérité. Il en va ainsi de la légende des cours d'amour à Eze.

    En ce 13e siècle, ce qui est aujourd'hui notre pays est davantage le royaume des Francs que la France. Il  voit, au sud, surgir de nouvelles puissances. Les Toulouse, par exemple, comtes aussi lettrés qu'ils peuvent être combattants. Au nord, se font puis s'implantent les coutumes, héritières des armées en marche des deux cents ans qui précédèrent, le tout surmonté de l'éternelle quête Chrétienne du retour des Lieux Saints. Fait étonnant, la première Croisade part du Puy et indique ainsi que le centre religieux n'est ni à Paris, ni en Provence. Le centre est au centre, logique médiévale qui rend cette période encore plus attachante et, encore aujourd'hui, l'Evêque de Lyon n'est-il pas l'administrateur religieux de la Primatie des Gaules? 

    Eze est aux confins. Le village est un lieu de passage, comme de retranchement. Pour autant, n'allons pas imaginer des hommes éternellement en lutte pour défendre biens et familles. Certes, voilà l'éternelle question : peut-on évoquer une période en imaginant que tous et toutes vécurent alors les mêmes choses? La réponse est, bien sûr, négative. D'autant plus que notre temps souffre des mêmes règles et au combien. Néanmoins, des persistances demeurent et c'est même là leur nature.

    La Cour d'Amour médiévale est un espace de création et de "trouvaille" ("Trobar" ou trouver). Néanmoins, la fête profane n'a jamais le dessus. Elle se doit, ici comme ailleurs, de toujours succéder à celle religieuse. Un homme du temps aurait tremblé d'effroi si on lui avait dit que sept siècles plus tard le mariage religieux devait légalement être postérieur à celui civil.

    Mais la question des cours d'amour d'Eze relève d'un autre ordre. L'origine de cette certitude provient sans doute du patronyme de trois des troubadours les plus célèbres de l'époque. Autre différence, la postérité littéraire ou musicale du temps perdurait bien après la mort de ce lui que l'on avait célébré de son vivant. Il s'agit en l'occurrence de Blacas qui, Troubadour de noble extraction, a une rue à Nice et une réputation à Eze. La difficulté réside sans aucun doute dans la datation de sa présence et de son rôle effectif. Parmi les plus célèbres de l'époque, plus au nord et plus à l'ouest, signalons le plus titré d'entre tous : Richard Cœur de Lion! Mais pas de confusion avec lui, les anglais ne vinrent que bien plus tard!

    Le second se trouve être Guiraut Riquier. Il est parmi les derniers représentants de ces auteurs usant de la langue occitane sous la forme codifiée qui émailla tout le siècle précédant.

    Puis, enfin, le dernier et notamment en date, Guilhem Figueira, qui est peut-être - et à son corps défendant - la cause première de cette mention des cours d'amours. Il est plausible qu'un érudit en villégiature, ayant en tête les noms rares mais évocateurs des troubadours, ait placé les origines de l'auteur en ce lieu où ce nom, même allitéré, figurait à de nombreux frontons.


Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Dimanche 2 Octobre 2005 à 15:27
Notes Philosophiques ou Voyage en Anachronie -