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17/12/2007 - 14:25

Sur les traces du sport ouvrier

La Marseillaise

L’histoire du sport ouvrier s’est heurté de plein fouet aux deux guerres mondiales. Ce qui de l’empêche pas d’avoir, aujourd’hui, un rôle social déterminant, pour contrebalancer la mainmise du sport marchand.



C’est un article paru dans la revue de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail qui nous a mis la puce l’oreille. Un article signé Nicolas Kssis y célèbre les cent ans du sport ouvrier en France. Un anniversaire daté, même, au 17 novembre. La raison ? Un article paru dans l’Humanité en 1907, le 17 novembre donc, annonçant la création du premier club ouvrier de France : l’Union Sportive du Parti Socialiste. Dans ce contexte de célébration, deux questions pointent aussitôt dans les méninges. La première, c’est de replacer cette histoire dans la région. Quelle histoire du sport ouvrier à Marseille ? La seconde, c’est de l’associer au présent pour appréhender le futur. Qu’en est-il aujourd’hui et de son avenir ? Nous voilà embarqué dans une enquête qui va vite se révéler passionnante.

Première étape : les archives départementales. L’immense paquebot futuriste échoué à quelques enjambées de la Joliette regorge de 70 kilomètres de rayonnage. Trouver l’aiguille qui piquera notre curiosité dans cet immense océan de savoir savamment rangé et répertorié relève de la mission impossible sans méthodologie. En épluchant les archives préfectorales faisant état de la création des clubs au début du XXème siècle, on prend surtout la température de la société de ce début de siècle. Entre deux guerres, de 70 et de 14, dans le bain d’un fort relent patriotique, on accorde comme buts avoués aux associations naissantes et autres regroupements sportifs, essentiellement des visées de préparation militaire. On y parle beaucoup de « préservation de la race », mais peu d’activité populaire. Quelques « clubs » d’entreprise néanmoins. On y arrive.

Au début de ce siècle, le sport ouvrier pointe mais son organisation demeure encore très aléatoire. Raison pour laquelle les traces restent sporadiques. Avant de creuser la piste, il faut faire un arrêt au stand. Se pencher sur l’apparition du sport populaire dans une dimension internationale. Pour commencer.

Internet est un formidable outil, au moins aussi vertigineux que l’immense navire remplis d’archives. Et là aussi, il faut savoir quoi chercher. En tout état de cause, c’est entre deux autres guerres, toutes deux mondiales, que le sport ouvrier a pris son envol international. On trouve bien trace de la Confédération Sportive Internationale du Travail en 1913, créée afin de garantir la droit au sport aux travailleurs et à leur famille, mais il faut attendre les années 20 pour que le sport ouvrier commence à s’organiser. L’Union des Sociétés Sportives et Gymniques du Travail naît en 1926, l’Union Française des Oeuvres Laïques d’Education Physique qui défend une forte idée républicaine du sport en 1928, puis la FSGT en 1934…
Dans ce contexte, des Olympiades Populaires sont programmées en 1936, à Barcelone, et constituent sans aucun doute, le point d’orgue de ce mouvement. En protestation contre les Jeux Olympiques organisés cette même année à Berlin, ces Olympiades programmées du 19 au 26 juillet 1936 se veulent anti-fascistes. Oui mais voilà, un certain 18 juillet 1936, le général Franco initie le soulèvement militaire par son « pronunciamento ». Des 6000 athlètes appartenant à 22 nations, certains participeront à la défense de l’Espagne républicaine. Un mois plus tard, d’autres athlètes (dont les Français) défilent à Berlin bras tendus pour saluer Hitler.

Retour à Marseille. Dans cet environnement, le sport ouvrier prend lui aussi son envol dans la Cité Phocéenne. Un exemple avec le SCO Sainte-Marguerite. Oui, le SCO, Sporting Club Ouvrier, et non la SCO, Société Culturelle et Omnisports qu’elle deviendra en 1968. Pour en parler, André Dumont est probablement le mieux placé. Car s’il n’avait que 4 ans à la création du SCO en 1936, il en a été la cheville ouvrière, c’est le cas de le dire, après la guerre. « La création du SCO Sainte-Marguerite, se rappelle-t-il, est de la volonté de militants anti-fascistes du Mouvement Amsterdam-Pleyel (ndlr : mouvement pacifiste né en 1933 initié par Henri Barbusse et Romain Rolland). Pierre Isoard, alors traminot, en a été l’un des instigateurs et nous étions en plein dans la mouvance du Front Populaire. A sa création, ce n’était qu’un club de foot qui n’avait qu’une équipe seniors. On m’a même raconté que le premier gardien de but avait une jambe de bois, c’est pour situer l’ambiance de ce club très ouvrier. Mais avec la guerre, la FSGT, dont nous étions membre, a été interdite, en 1941. Et nous aussi… »

« A la libération, continue-t-il, des anciens ont repris le flambeau. Je me rappelle de rencontres contre l’autre SCO, celui de Saint-Mauront aujourd’hui disparu. Autour de Pierre Isoard, le club s’est développé avec des équipes de jeunes pour commencer, puis d’autres sections : basket féminin en 46, sports de pleine nature, etc… On a gardé un esprit revendicatif. Je me rappelle qu’on participait aux défilés du 1er mai pour que les terrains de Montfuron, donnés aux militaires, reviennent au mouvement sportif. A l’époque, Sainte-Marguerite, c’était la campagne avec beaucoup de maraîchers. Il y avait deux noyaux villageois, celui de La Pugette (à l’actuel carrefour de Sainte-Marguerite) et celui de la Place de l’Eglise, plus huppé. Pendant quinze ans, on organisait les fêtes de Sainte-Marguerite sur cette place de l’église. Parce qu’on voulait grandir… » C’est avec cette volonté originelle que la SCO Sainte-Marguerite peut compter à ce jour près de 2500 membres et 23 sections. Mais aussi grâce à une belle réussite, le « Marseille-Cassis » créé en 1978. L’esprit fondateur est encore présent puisque nombre de sections sont encore affiliées à la FSGT. « On garde des traces de cet esprit, mais après ma mort, je ne sais pas si le club y restera attaché » analyse André Dumont.

L’esprit du sport ouvrier n’a jamais été aussi vivace qu’au lendemain de cette guerre. Même si avant la première, de guerre, il existait déjà. C’est curieux, d’ailleurs, de constater que les deux guerres mondiales ont étouffé ce mouvement, remettant à plus tard un développement qui semblait, néanmoins, inéluctable. Pour prendre idée de cet essor jusqu’à aujourd’hui, pour penser à demain, même, il faut bien sûr appréhender celui de la FSGT. Avec Claude Jorda, le président du comité départemental des Bouches-du-Rhône.

« Plus qu’une héritière du sport ouvrier, indique le président, la FSGT s’inscrit dans son histoire (comme le montrent les conditions de sa création, déjà mentionnées). La FSGT a été plongée, dès sa naissance, dans l’internationalisme, puis elle a continué, hier en étant la première fédération à recevoir le délégué de l’ANC (African National Congress) et à condamner l’apartheid en Afrique-du-Sud, aujourd’hui en étant présent en Palestine, entre autres exemples. »

Mais la FSGT, c’est aussi l’éducation populaire. D’ailleurs, ceux qu’on appelle ailleurs les « éducateurs », se nomment ici « militants » sportifs. Ce qui veut tout dire. Le but est avant tout de répondre aux besoins de la population. En développant le football à 7, produisant un jeu moins violent, avec des rencontres auto-arbitrées, ou encore en mettant en place la PGA (Production Gymnique Artistique), mélange de théâtre, de gymnastique et de ballet…

« Tous les sports qui ne se remettent pas en cause, régressent », assène Claude Jorda. C’est vrai pour tout, et pour tous. Pour l’avoir appris de son passé, le sport ouvrier s’est dessiné un avenir dans la citoyenneté.
Une vision sociale du sport et non celle d’une société de sport.

Nicolas Maury









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