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Le président Moon Jae-in a lancé un projet d’exhumation des victimes du massacre de la rébellion communiste de Jeju, qui fit 60 000 victimes


CORÉE DU SUD. LES FANTÔMES LONGTEMPS OUBLIÉS DE L’ÎLE REBELLE
Les fantômes ont longtemps été réduits au silence. Jusqu’à la fin des années 1990, l’île sud-coréenne de Jeju a dû taire son histoire, forcée d’oublier les crimes d’État qui firent 60 000 morts à l’aube de la guerre froide. Ce fut même l’une des premières dispositions de l’Assemblée nationale. À peine installés, en décembre 1948, les législateurs de la Corée du Sud adoptèrent la loi dite de sécurité nationale, qui condamne les traîtres à la nation à la torture et à de longues peines de prison. Les faits remontent au mois d’avril, lorsque les habitants de l’île volcanique refusent de prendre part à la farce électorale qui vise à transférer le pouvoir de l’occupant états-unien au dictateur anticommuniste Syngman Rhee. À la pointe de la lutte de libération de la Corée contre l’occupant japonais, Jeju est administrée depuis 1945 par des « comités populaires ».

1947-1948 : ARRESTATIONS ARBITRAIRES, TORTURE, RÉQUISITION DES TERRES…

Pour mater le mouvement, les autorités d’occupation font confiance à Yu Hae-jin. Nommé gouverneur de l’île en 1947, l’homme est connu pour être « impitoyable et dictatorial avec les partis d’opposition », selon la description des services de renseignements américains. Ce dernier restructure de fond en comble la police locale en faisant appel à des recrues venues du continent. Ces hommes qui ont quitté la Corée du Nord à la faveur de la partition du pays sont en lien avec des comités de jeunesse fascistes reconnus par les Américains comme des « terroristes d’extrême droite ». En l’espace de quelques mois, les forces de l’ordre appuyées par ces milices se lancent dans des raids meurtriers. Arrestations arbitraires, torture, réquisition des terres… « La police (perd) le cœur de la population en imposant des traitements cruels », détaille encore le rapport des forces états-uniennes. Selon ce document, les paramilitaires créent « un vif ressentiment parmi la population de l’île ».

C’est dans ce contexte que le pouvoir annonce la tenue d’élections en mai 1948. Le 1er mars, une manifestation pacifique s’élève contre le processus qui entérine la division de la péninsule. La répression ne se fait pas attendre. 2 500 jeunes sont en état d’arrestation, trois d’entre eux meurent sous la torture. En mars, une grève générale suivie à plus de 95 % est à son tour sévèrement réprimée. Un mois plus tard, le 3 avril, 11 commissariats sont pris d’assaut par la population. L’événement marque le début de « la commune de Jeju ». Initialement, le mouvement ne compte pas plus de 500 rebelles, dont une cinquantaine armés de fusils. Les autres brandissent glaives, piques et faucilles. Sur cette île, essentiellement rurale, subsiste un système féodal reposant sur le servage. Les seigneurs et l’État ­réquisitionnent 50 à 70 % des récoltes. La révolte prend rapidement le contrôle du nord et de l’intérieur de l’île, essentiellement constitués de montagnes et de forêts.

Le 20 avril, un régiment de gendarmerie de 3 000 hommes est dépêché sur place. Mais, pour beaucoup membres du Parti du travail de Corée du Sud, les militaires prennent fait et cause pour l’insurrection. La présence d’éléments ouvertement communistes renforce la répression. La formation implante des cellules dans l’ensemble des villages, des bataillons et des prisons. Une armée populaire se met rapidement sur pied. En juin, elle est forte de 4 000 combattants qui utilisent le réseau de tunnels souterrains élaborés par les Japonais. Les plongeuses qui vivent de la pêche sous-marine jouent elles aussi un rôle essentiel dans l’insurrection.

2003 : LE PRÉSIDENT ROH MOO-HYUN PRÉSENTE DES EXCUSES OFFICIELLES

Officiellement, les Américains ne participent qu’à une seule opération. Ils entraînent toutefois les forces sud-coréennes, transmettent leur « savoir-faire » en matière de torture. Ils mettent également à disposition des avions de reconnaissance et de ravitaillement en armes avant d’organiser le blocus naval de l’île. En 1950, 40 000 maisons sont détruites et 70 % des 400 villages de Jeju sont rasés. Au titre de la « loi de complicité », les proches des personnes impliquées dans la rébellion sont suspects par essence. Au terme de l’insurrection, les miliciens fascistes rallient la police nationale en masse. D’autres s’enrichissent et s’assurent une position de domination durable sur l’île. Pourtant, le vent de révolte continue de souffler. De 1993 à 2016, les habitants s’opposent à l’installation d’une base navale américaine sur l’île, qui constitue un axe stratégique majeur, à 500 kilomètres de Shanghai, à moins de 100 kilomètres des côtes japonaises et sur les routes de transport maritimes de la Russie. À Jeju, les maires qui s’opposent à la militarisation de l’île sont battus et embastillés.

Il faudra attendre 1998 pour voir une commission vérité et réconciliation se mettre enfin sur pied. Elle fait rouvrir la grotte de Darangshi, bouchée six années plus tôt par les conservateurs héritiers de la dictature pour dissimuler les preuves de massacres. Le président Roh Moo-hyun présente des excuses officielles en 2003, mais l’indemnisation tarde à venir. Trois ans plus tard, l’île acquiert le statut de province autonome spéciale. Le dernier pas en faveur de la réconciliation a eu lieu le 10 juillet dernier. Le gouvernement de Moon Jae-in, dont l’établissement de la vérité faisait partie des cent promesses de campagne, lance un projet d’exhumation des victimes et prévoit la construction d’un centre de traitement des traumatismes. Un premier pas qui oblige le pays à « regarder droit » les pages les plus sombres de son histoire.

Lina Sankari
L'Humanité

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