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C'est simple, c'est efficace, et ça vient tout droit des député-e-s communistes


Instaurer le prélèvement à la source des bénéfices des multinationales - Proposition de loi des député-e-s communistes
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,

Optimisation fiscale. L’expression claque comme une ode à la débrouillardise, à l’astuce, à la recherche de la performance. Si c’était un jeu télévisé, il s’appellerait à coup sûr Qui veut gagner des milliards ? La réalité, hélas, est nettement moins débonnaire. Derrière l’euphémisme inventé par les champions de la mondialisation, se dissimule une sourde entreprise de démolition du consentement à l’impôt. En refusant de s’acquitter de leurs obligations, dans une quête obsessionnelle de l’évitement fiscal, les multinationales tournent délibérément le dos aux principes fondateurs de la démocratie. Non seulement elles s’affranchissent du pacte social sur lequel repose toute société éclairée, mais elles siphonnent avec cynisme les recettes des États, par centaines de milliards de dollars chaque année. Concrètement, le manque à gagner représente des routes mal entretenues, des ponts menacés, des écoles en moins, des hôpitaux en souffrance, des services publics supprimés… Cet abandon nourrit la colère des peuples, soumis à des politiques d’austérité d’autant plus injustes qu’elles prennent source dans l’égoïsme des plus fortunés.

Sur un champ de bataille, une telle attitude porterait un nom : la désertion. Mais sur le vaste terrain du capitalisme débridé, tous les coups sont permis, dans la négation désinvolte du patriotisme économique et de toute notion de solidarité. Or le consentement à l’impôt, rappelons-le encore une fois, est non seulement au cœur de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, mais aussi au centre des revendications des révolutionnaires américains de 1776. Ferment des sociétés modernes, il garantit la légitimité fiscale et assure que chacun doit participer à l’effort collectif. L’impôt sert ainsi à financer nos infrastructures, la formation, l’éducation, le soutien au développement économique, social et territorial. Il joue donc un rôle clé dans notre pacte social. Henry Morgenthau, secrétaire au Trésor des États-Unis sous les présidents Franklin D. Roosevelt et Harry Truman, déclarait à cet égard que « les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée ». On en est bien loin aujourd’hui.

Depuis le scandale UBS en 2008, jusqu’aux Paradise Papers révélés en 2017, le panorama de la triche fiscale planétaire se dévoile dans une dimension effrayante. Les millions de documents accumulés signent un constat accablant, synthétisé en 2018 par les économistes Thomas Torslov, Ludvig Wier et Gabriel Zucman : 40 % des profits des multinationales, soit 600 milliards de dollars (529,5 milliards d’euros), échappent à l’impôt grâce au transfert artificiel dans des paradis fiscaux. L’évasion est d’autant plus massive qu’elle s’appuie sur des failles juridiques béantes et des techniques éprouvées, parfois présentées à tort comme complexes. Les prêts intragroupes et la manipulation des prix de transfert, pour ne citer que les deux principales, n’ont en effet rien de mystérieux. Ces mécanismes sont désormais bien connus et analysés. Leur efficacité est un camouflet infligé publiquement aux États : en 2016, les entreprises américaines ont ainsi enregistré plus de profits en Irlande qu’en Chine, au Japon, au Mexique, en Allemagne et en France réunis. Et sur ces profits colossaux, elles se sont vu infliger le taux redoutable de… 5,7 %. Résultat, avec de telles pratiques, l’Union européenne perd chaque année l’équivalent de 20 % du montant de l’impôt sur les sociétés. Mais pourquoi se gêner quand nul obstacle juridique, soutenu par une réelle volonté politique, ne se dresse sur la route du paradis fiscal ? Le capital voyage librement et s’installe là où il est le moins taxé. Le constat est sans appel : les plus mobiles, c’est-à-dire les plus riches et les grands groupes, tirent profit de la mondialisation. Des multinationales choisissent tout simplement ce qu’elles veulent payer en termes d’impôt. La puissance publique est de fait complètement dépassée.

L’exemple ainsi donné aux citoyens est dévastateur. Contrairement à Apple, Nike ne passe pas par l’Irlande mais par les Pays-Bas pour échapper au paiement de plusieurs milliards d’impôts en Europe. Détaillé par Éric Vernier, spécialiste des questions liées au blanchiment, dans son livre Fraude fiscale et Paradis fiscaux, le nouveau montage mis en place par le géant américain du sport éclaire l’impuissance des États à se faire respecter. Depuis 2014, Nike utilise en effet un circuit extrêmement judicieux grâce à une nouvelle entité hollandaise : Nike Innovate CV (Commanditaire Vernootschap, société en commandite néerlandaise). Une initiative simple mais redoutablement efficace car ce nouveau « CV » rend Nike tout simplement invisible pour les administrations fiscales américaine et batave. Pour les Néerlandais, au regard de la réglementation CV-BV (Besloten Vennootschap, société à responsabilité limitée), cette structure doit être taxée aux États-Unis, où la firme possède son siège social. Mais pour les Américains, elle doit être imposée aux Pays-Bas ! Résultat, Nike Innovate CV ne paye pas un centime d’impôt, ni aux États-Unis, ni aux Pays-Bas. Ni vu, ni connu. Ainsi, sur les 7,5 milliards de recettes annuelles hors du territoire américain, Nike paye moins de 2 %. Just do it.

Nike, mais aussi Starbucks, McDonald’s, Apple, Fiat, Coca Cola, Amazon, Total, LVMH… Qui parmi les grandes firmes mondiales n’a pas aujourd’hui recours au transfert de ses bénéfices dans des paradis fiscaux, parfois implantés au cœur de l’Europe ? La liste paraît infinie mais comment pourrait-il en être autrement quand l’évasion fiscale semble aussi insaisissable que l’Hydre de Lerne ? Comme dans la lutte contre le dopage, les tricheurs n’ont-ils pas toujours une longueur d’avance ?

Il ne reste plus aux multinationales qu’à profiter en toute quiétude d’un dumping fiscal ravageur, particulièrement en Europe. « Les Pays-Bas sont aujourd’hui le paradis fiscal numéro un pour les centaines de milliards de dollars de profit réalisés par les multinationales américaines hors des États-Unis », déplore l’économiste Gabriel Zucman. « Ils se positionnent devant les Bermudes, le Luxembourg, la Suisse, Hong Kong, Singapour ou les îles Caïmans… ».

Les possibilités de dérobade sont telles qu’il faut vraiment une bonne dose de civisme et chérir les fondements de notre pacte républicain pour s’acquitter de ses impôts dans les règles quand on affiche un certain de niveau de fortune. Faudra-t-il un jour décerner une médaille à ceux qui continuent à jouer le jeu ? Champion du monde avec l’équipe de France de football en juillet 2018, N’Golo Kanté offre un exemple saisissant. Selon les calculs du journal The Sun, le milieu récupérateur des Bleus est en passe de payer « plus d’impôts au fisc britannique qu’Amazon et Starbucks réunis ». La raison ? Le joueur de 27 ans, qui vient de signer un nouveau contrat avec Chelsea, à hauteur de 290 000 livres par semaine (environ 330 000 euros), a refusé d’être rémunéré via une société offshore, comme le lui conseillaient pourtant instamment les « experts » du club. Le tabloïd britannique a ainsi calculé qu’avec son nouveau salaire, N’Golo Kanté devra payer environ 7,5 millions d’euros annuels au fisc. « Une somme qui écrase les impôts controversés que doivent les grandes entreprises du pays », tacle à hauteur des genoux le quotidien populaire anglais.

L’histoire est touchante, mais dans l’actuelle jungle de la prédation financière et fiscale, elle risque de faire longtemps figure de conte pour enfants. Elle en dit long en tout cas sur l’impuissance des États à se faire respecter, depuis des décennies.

Les conséquences budgétaires et sociales d’un tel laisser-faire sont considérables. S’il est par définition difficile d’évaluer le volume des sommes qui échappent à l’impôt et les recettes fiscales perdues par les États, des estimations existent néanmoins. Et si elles peuvent parfois diverger, elles ont toutes en commun l’énormité des sommes en jeu et le rôle joué par les paradis fiscaux.

S’agissant de la seule imposition des bénéfices des sociétés, l’OCDE estime la perte de recettes mondiales due à l’érosion des bases imposables et au transfert de bénéfices à une fourchette allant de 4 % à 10 % des recettes, soit de 100 à 240 milliards de dollars (estimations produites dans le cadre des travaux du plan BEPS mené par l’OCDE). Sur la base de ces chiffres, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) évalue la perte de recettes d’impôt sur les sociétés (IS) pour la France entre 2,4 et 6 milliards d’euros. Des études américaines retiennent pour leur part un chiffre français de 13,5 milliards d’euros, soit plus de deux fois l’estimation du CPO. Et 37,8 % du produit total de l’impôt sur les sociétés.

Si seuls les paradis fiscaux sont pris en compte, les chiffres continuent de donner le vertige. Le volume des transactions transitant par les paradis fiscaux se situe dans une fourchette allant de 16 000 à 26 000 milliards d’euros, entraînant une perte de recettes fiscales annuelle de 189 milliards de dollars pour les pays en développement.

En outre, environ 2 600 milliards de dollars de profits des sociétés américaines dormiraient aux Bermudes et aux Caïmans, échappant à toute imposition. En tout, ce seraient 8 500 milliards de dollars qui seraient logés dans l’ensemble des paradis fiscaux.

Enfin, selon l’ONG Oxfam, 25 milliards d’euros de bénéfices seraient déclarés artificiellement dans les paradis fiscaux par les vingt plus grandes banques européennes, ces dernières assistant en outre leurs clients à y créer des milliers de sociétés offshore.

Mais au-delà des seuls aspects budgétaires et fiscaux, se pose aussi la question de l’utilisation de cet argent dans le cadre d’activité criminelles (notamment des trafics de drogues, d’organes, d’êtres humains). Selon Éric Vernier, le volume « d’argent noir » correspondant au blanchiment de sommes issues du crime se monterait à 1 500 milliards de dollars. La majorité de ce montant exploitant les services offerts par les paradis fiscaux.

De tels dégâts, à l’origine des nombreux mouvements de contestation qui se lèvent un peu partout dans le monde, du Brésil à la Hongrie en passant par la France, auraient dû inciter les pouvoirs publics à prendre de fortes décisions. Las, face aux paradis fiscaux, les États, par faiblesse, par intérêt, par renoncement, par cynisme, préfèrent se livrer à une sorte de course à l’échalote pour le moins-disant fiscal. Un phénomène parfaitement décrit par la coalition internationale d’ONG Eurodad dans son rapport de 2017 intitulé « Tax Games : race to the bottom ». Ce qui donne en bon français, « Jeux fiscaux : la course vers le bas ». Plutôt que de combattre la source de l’évitement fiscal, de nombreux États préfèrent jouer le jeu d’une concurrence exacerbée en diminuant drastiquement le taux de leur impôt sur les bénéfices des entreprises.

Ainsi, alors que le taux légal de l’impôt sur les bénéfices des pays du G20 était de 40 % en 1990, il était descendu à moins de 30 % vingt-cinq ans après (28,7 % en 2015). Parmi les pays de l’OCDE, le taux légal est passé de 30,4 % en 2000 à 22,3 % en 2017.

Les États-Unis ont ainsi amorcé une baisse du taux de l’impôt fédéral sur les sociétés de 35 % à 21 %, tout en prévoyant une imposition à taux réduit des actifs logés dans des paradis fiscaux et rapatriés sur le territoire américain.

La France verra son taux nominal passer de 33 % à 25 % d’ici 2022.

Plus symptomatique, la Hongrie, qui affichait un taux de 19 %, déjà en deçà de la moyenne européenne établie à 21,9 % en 2017, a basculé cette même année à seulement 9 % – un tel taux paraissant difficilement soutenable pour les finances publiques hongroises.

Si le mouvement de réduction des taux se poursuit, la coalition internationale Eurodad juge qu’à l’horizon 2052, le taux de l’impôt sur les bénéfices des entreprises sera de… zéro. C’est donc clairement le spectre d’une société sans impôt qui se dessine dans le panorama actuel.

Il est profondément regrettable qu’à la place d’une réponse ambitieuse et volontariste contre la concurrence fiscale dommageable, dénoncée d’ailleurs par le président de la République lui-même dans son discours à la Sorbonne en septembre 2017, les États choisissent de s’y abandonner et de jouer un jeu non coopératif si délétère.

Le siphonnage des recettes fiscales des États réduit leurs marges de manœuvre budgétaires, limitant la mise en œuvre de politiques publiques ambitieuses telles que la fourniture de services publics de qualité et accessibles à tous, le financement d’infrastructures collectives performantes, la redistribution des richesses et l’octroi d’aides financières destinées à assurer à tous, et notamment aux plus modestes, des conditions de vie décentes.

Si les États veulent disposer des ressources indispensables à la mise en œuvre de ces politiques, le seul moyen, tant que la lutte contre les paradis fiscaux et l’évitement fiscal ne produira pas de résultats suffisants, est d’alourdir les impôts. Cette solution est non seulement injuste mais inefficace à moyen terme :

– soit elle alourdit les impôts faisant l’objet d’évitement, et conduit donc à faire supporter l’accroissement de la charge à ceux ne se livrant pas aux pratiques dommageables (les autres arrivant toujours à y échapper) ;

– soit elle augmente un autre impôt, en général sur la consommation, comme la TVA : cela a pour effet de toucher plus durement les contribuables les plus modestes dans la mesure où les produits de consommation seront plus chers, réduisant leur pouvoir d’achat et leur qualité de vie.

En somme, les hausses fiscales frappent ceux qui jouent le jeu et assument leur part à l’effort collectif (telles les TPE et les PME) ainsi que les classes moyennes et les plus modestes : elles ne sont donc ni équitables, ni justes, ni acceptables et conduisent à faire payer les moins privilégiés pour les plus riches.

Les salariés des entreprises se livrant à l’évitement fiscal font eux aussi les frais de ces choix contestables.

En manipulant les flux financiers entre entreprises liées, les groupes peuvent par exemple rendre de manière artificielle une entité déficitaire ou minorer ses résultats alors qu’en réalité l’activité est bonne et prospère et qu’à l’échelle du groupe, les résultats sont bénéficiaires. Peuvent pourtant s’ensuivre des plans de suppression d’emplois injustifiés, les salariés payant le prix de l’avidité fiscale des dirigeants.

La minoration, artificielle elle aussi, des bénéfices réduit automatiquement la participation et l’intéressement des salariés, puisque ces données sont calculées en fonction du résultat déclaré de l’entreprise. À cet égard, l’exemple de McDonald’s est édifiant.

Selon l’étude d’une coalition internationale de syndicats (« McProprio », mars 2017), la majorité des bénéfices du groupe américain provient non de la vente de nourriture mais d’opérations immobilières : si McDonald’s exploite directement certains de ses restaurants, environ 80 % le sont sous forme de franchise. Or, les contrats de franchise du groupe sont particulièrement déséquilibrés. Là où, en effet, un contrat de franchise traditionnel prévoit que le franchisé verse des redevances au franchiseur et conclut avec un tiers un bail immobilier, McDonald’s prévoit la conclusion parallèle du contrat de franchise et d’un bail.

Ces baux sont très lourds pour les franchisés : à un loyer de base forfaitaire s’ajoute un loyer proportionnel fonction du chiffre d’affaires ; il s’agit souvent de baux « triple net », aux termes desquels les coûts d’exploitation (entretien, assurances, impôts fonciers) sont à la charge du franchisé ; les baux prévoient généralement des clauses strictes sur le respect de normes de qualité et de service, dont la méconnaissance même légère entraîne la rupture du contrat.

Le franchisé est donc soumis à un contrôle très étroit de la part du groupe américain, qui peut relativement aisément mettre fin à l’engagement contractuel. Ce contrôle et le poids pesant sur le franchisé ont un impact important sur les salariés : pour pouvoir dégager une marge, le franchisé est souvent contraint de verser des rémunérations faibles, certains allant jusqu’à violer le droit du travail en vigueur afin d’être rentables. La limitation des bénéfices, parallèlement, réduit les montants des participations salariales. Dès lors, les salariés perçoivent un salaire réduit et une participation minimale. Enfin, la politique immobilière et fiscale de McDonald’s nuit aux consommateurs : les prix sont élevés et le choix restreint, le groupe américain jouissant d’une position dominante favorisée par ses pratiques.

Les comportements prédateurs ont ainsi pour effet de diminuer la rémunération légitime des employés.

L’évitement fiscal a aussi pour effet de compromettre le financement de la sécurité sociale, soit indirectement en diminuant les cotisations et autres charges sociales dues par les entreprises, soit directement en facilitant l’évasion sociale.

Que faire alors, face à un phénomène mondial, dont l’ampleur semble littéralement tétaniser les États depuis des décennies, à l’image de la « taxe GAFA », maintes fois annoncée et sans cesse remise à plus tard ? D’abord ne pas se résoudre à l’impuissance. L’Union européenne n’est certes pas restée les bras croisés, mais les initiatives qu’elle prend, comme la taxe sur les transactions financières ou le projet de réforme de l’imposition des sociétés (ACCIS) butent invariablement sur la règle de l’unanimité. L’Irlande, les Pays-Bas et d’autres États membres, qui ont fait de la fiscalité un avantage concurrentiel, au détriment de leurs voisins, ont un intérêt certain pour le statu quo. Même si le commissaire européen en charge de la fiscalité vient récemment de plaider pour un assouplissement de cette règle, au rythme où avancent les réformes, on peut encore attendre cent ans ! Et pourtant, il est urgent d’agir, tant est palpable l’exaspération des peuples vis-à-vis de l’injustice fiscale. Oui, il est l’heure d’agir, sous peine de voir le financement de l’action publique supporté par nos seuls concitoyens et les inégalités continuer de se creuser. Sans parler de la défiance croissante à l’égard du projet européen.

Dans un tel contexte, la France peut parfaitement agir de son côté et montrer le chemin d’une fiscalité en phase avec son époque. La mobilité des capitaux, quasi intégrale au sein de la mondialisation, dépasse les États-nations. Les mécanismes d’évitement fiscal, largement décrits, mettent en lumière une fiscalité dépassée, symbolisée par un impôt sur les sociétés acculé, daté, inadapté aux enjeux du XXIe siècle. Un impôt qui n’est pas en mesure de fiscaliser à leur juste mesure ces entreprises qui font fi des frontières pour réduire au maximum leur contribution au financement de l’action publique.

La proposition formulée ici, inspirée par les travaux d’économistes, de chercheurs et d’experts, s’articule autour d’un principe simple, juste et compréhensible de tous : les multinationales doivent payer leurs impôts là où elles réalisent leur activité, et non dans les paradis fiscaux !

Pour le calcul des bénéfices imposables de ces entreprises internationales, nous proposons de partir du niveau des profits réalisés au niveau mondial. Ces profits mondiaux seraient proratisés pour la France en fonction de la part des ventes réalisées par l’entreprise dans notre pays par rapport aux ventes réalisées par celle-ci dans le monde entier.

La traçabilité ne pose pas de problème majeur puisque l’information fournie sur le montant des ventes faites en France pourra être vérifiée et utilisée en utilisant les relevés de TVA. Prenons ainsi l’exemple d’une entreprise active dans la vente en ligne. Elle réalise 50 milliards de bénéfices au niveau mondial et 15 % de son chiffre d’affaires en France. Ce taux, 15 %, sera appliqué aux bénéfices mondiaux (50 milliards d’euros). Ainsi, les bénéfices imposables s’élèveront à 7,5 milliards d’euros pour cette entreprise. Un montant de bénéfices imposables qui serait plus conforme à la réalité économique de cette entreprise. Ces 7,5 milliards d’euros constitueraient naturellement une base imposable, à laquelle s’appliqueraient ensuite les différents crédits et réductions d’impôts puis, in fine, le taux d’imposition sur les sociétés. Ce calcul permettra de relocaliser des bénéfices artificiellement transférés à l’étranger, notamment dans les paradis fiscaux et de porter ainsi un coup d’arrêt sévère à la concurrence fiscale mortifère entre les États. Difficile en effet de délocaliser des consommateurs…

Pour garantir le fonctionnement de ce dispositif, les entreprises seront soumises à une obligation de transmission d’informations à l’administration fiscale. En cas de refus de se soumettre à cette obligation, il y aura lieu de prendre les mesures qui s’imposent, en l’espèce l’interdiction d’exercer sur le territoire français. Cette proposition de loi entraîne une modification du mode de calcul de l’assiette de l’impôt sur les sociétés sans en changer le taux.

Le système décrit ici fonctionne déjà parfaitement ailleurs, dans des pays comme les États-Unis, l’Allemagne ou le Canada, où un impôt sur les sociétés peut aussi être perçu au niveau local. L’État de Californie établit ainsi son propre impôt sur les sociétés à un taux d’environ 10 %, qui s’ajoute à l’impôt américain sur les sociétés, désormais fixé à 21 %. Si Coca-Cola fait 10 % de ses ventes en Californie, alors 10 % de ses profits sont taxables en Californie.

En clair, la France peut parfaitement appliquer à l’échelle d’un pays un mécanisme qui a déjà fait ses preuves au niveau local. Une telle réforme modifierait complètement le paysage de la concurrence fiscale. Elle rendrait caducs les mécanismes de délocalisation artificielle des profits et indiquerait aux États le chemin à suivre pour récupérer des recettes injustement détournées.

PROPOSITION DE LOI
Article unique


Après l’article 209-0 A du code général des impôts, il est inséré un article 209-0 A bis ainsi rédigé :

« Art. 209–0 A bis. – I. – Pour les sociétés membres d’un groupe mentionné au II et domicilié hors de France, les bénéfices imposables sont déterminés par la part du chiffre d’affaires du groupe réalisée en France dans le total du chiffre d’affaires réalisé en France et hors de France, rapportée aux bénéfices d’ensemble du groupe.

« II. – Le groupe au sens du I du présent article comprend les entités juridiques et personnes morales établies ou constituées en France ou hors de France.

« III. – À son initiative ou par désignation de l’administration fiscale, une société membre du groupe mentionné au II est constituée seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû par l’ensemble du groupe en France.

« IV. – Pour les sociétés étrangères ayant une activité en France et dont la société-mère est domiciliée à l’étranger, les bénéfices imposables sont déterminés selon les mêmes modalités.

« V. – Pour chaque État ou territoire dans lequel le groupe mentionné au II est implanté ou dispose d’activités, les sociétés mentionnées au I et les sociétés étrangères mentionnées au IV transmettent à l’administration fiscale les informations suivantes :

« 1° Nom des implantations et nature d’activité ;

« 2° Chiffre d’affaires ;

« 3° Bénéfice ou perte avant impôt.

« VI. – En cas de refus de se soumettre à l’obligation du III du présent article, les sociétés mentionnées au I et les sociétés étrangères mentionnées au IV font l’objet d’une interdiction d’exercer sur le territoire français.

« VII. – Le I s’applique au groupe mentionné au II dont le chiffre d’affaires total est supérieur à 100 millions d’euros.

« VIII. – La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2020.

« IX. – Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport identifiant les conventions fiscales bilatérales qu’il convient de renégocier en vue d’éviter la double imposition. »

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