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« Le Monde » a recueilli plusieurs témoignages sur des cas de harcèlement, d’agression ou de viol depuis plusieurs années au sein du mouvement de gauche


Violences sexuelles au sein des Jeunesses communistes : la parole se libère
C’était un soir de congrès, en juin 2016, après une fête entre militants. Une centaine d’adhérents du Parti communiste français (PCF) boivent un verre et discutent motions et situation politique aux Docks d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), où la direction a invité les congressistes. Aude [tous les prénoms ont été changés à la demande des intéressés] et deux de ses amis, tous trois militants du Mouvement jeunes communistes de France (MJCF, aussi écrit JC), font la connaissance de T. autour d’une bière. L’ambiance de la soirée n’est pas folichonne mais le groupe s’amuse bien avec ce jeune responsable de section de Limoges. Il est sympa, drôle, attentif à ces tout jeunes camarades.

Les verres s’enchaînent et la soirée est bientôt trop avancée pour rentrer chez soi. C’est naturellement qu’ils acceptent de se faire héberger dans la chambre payée au jeune cadre par le parti. La suite, selon le récit de la jeune femme, se déroule à l’hôtel Ibis-Budget, une bâtisse blanc et bleu aux dizaines de chambres bon marché non loin du stade. Tandis que les deux plus jeunes garçons s’endorment, l’un dans la salle de bains, l’autre sur la moquette, T. continue sa discussion avec Aude : du haut de ses 25 ans, il impressionne la militante de 19 ans. Au milieu de la nuit, ils se couchent sagement. Aucune équivoque jusqu’alors. Jusqu’à ce que le jeune homme commence son sordide manège.

Embrassée soudainement, Aude raconte qu’elle dit clairement qu’elle ne veut pas. « Il a continué, il glissait ses mains sous mon pull, me caressant. Je l’ai repoussé. Il a stoppé puis recommencé. » L’étudiante, toute menue, est tétanisée ; elle n’a eu que très peu de relations amoureuses. « J’ai essayé d’appeler mes copains couchés par terre mais ils étaient souls », relate la jeune femme. Les gestes se seraient faits plus pressants, les cibles plus explicites : seins, fesses, ventre… Selon son récit, Aude va tenter de se défendre toute la nuit, répétant les « non », les mains repoussées, et la peur.

« Des choses inacceptables »

Au lever du soleil, ses camarades sont partis, elle se lève mais le militant la rattrape, la plaque au mur en lui susurrant : « Je fais comme chez moi. » Elle se débat et parvient à s’enfuir. Puis de retour au congrès, elle dit s’être confiée aux instances nationales. En vain. Comme elle n’a pas porté plainte, on lui rétorque qu’on ne peut rien faire.

Convoqué début décembre 2017, un an et demi après les faits, par le secrétaire fédéral, le jeune homme reconnaît avoir embrassé et touché Aude mais pas violenté. « Il m’a dit qu’il avait fait une connerie en insistant. On l’a suspendu de ses responsabilités », précise Francis Dauliac. Le militant a refusé de répondre à nos questions.

Ce premier témoignage, parvenu dans la foulée des enquêtes du Monde sur l’Union nationale des étudiants de France (UNEF), nous est signalé via Twitter après une interpellation : « Après le MJS, l’UNEF, dites les journalistes, à quand l’enquête sur la JC ? »

Une dizaine d’histoires ont suivi sur un climat interne ayant permis harcèlement, agressions et viols depuis plusieurs années. La vague #balancetonporc a frappé le mouvement communiste de plein fouet. Les instances du mouvement comme celles du PCF reconnaissent que plusieurs « affaires » sont en cours. « On s’est rendu compte que lors de soirées militantes, de camps d’été ou d’événements nationaux, il se passe des choses inacceptables », admet Camille Lainé, secrétaire nationale des JC.

Une parole mise en doute

C’est lors d’un camp d’été en 2011 dans le centre de la France qu’Alexandra a subi elle aussi une agression. Elle avait 21 ans et était alors responsable de la cuisine dans ce grand rassemblement de plusieurs centaines de jeunes.

Lors d’une soirée, P. lui demande de lui ouvrir la cuisine car il a faim. Elle préfère l’accompagner « pour qu’il ne se serve pas tout seul », relate-t-elle. « Une fois la porte fermée, il m’a collée au mur et embrassée. Sur le coup, j’étais surprise et puis j’ai dit non. Il m’a saisie par les épaules en me poussant vers le bas, vers sa braguette. Il a recommencé trois fois alors que je me relevais. J’étais paniquée… J’ai été sauvée quand la porte s’est ouverte brusquement », narre cette dirigeante aujourd’hui militante du PCF. Elle n’en a jamais parlé en interne sauf à quelques copines. « Comme on le fait toutes, je me suis tue, je ne voulais pas qu’on se focalise sur moi », glisse-t-elle.

Avinés ou sous l’emprise de stupéfiants : le schéma se reproduit souvent lors de ces soirées festives qui font partie des modes de sociabilité politique de l’organisation de jeunesse. Marie va l’apprendre à ses dépens, en octobre 2014, au local du parti de Saint-Denis. Alors que ses copains boivent, fument et dansent dans la grande salle de ce pavillon près de la gare, elle raconte avoir été assaillie par son ex-petit ami. Ils avaient eu un flirt et elle y avait mis fin durant l’été. C’est visiblement éméché que l’adolescent l’embrasse de force et la caresse contre son gré.

Elle aussi va mettre plusieurs jours avant de réussir à en parler : « Je me sentais mal car j’avais l’impression de ne pas lui avoir assez dit non. » La responsable fédérale des JC lui conseille de porter plainte et d’aller militer dans une autre section. Très vite, la parole de Marie est mise en doute et on l’accuse de vouloir porter préjudice à un militant prometteur. Le jeune homme, convoqué par la direction des JC, nie farouchement. Pour lui, Marie était consentante. « Je suis catégorique : je n’ai pas le souvenir d’avoir été violent et jamais de ma vie je n’ai bloqué une meuf. Je ne dis pas qu’elle ment mais je ne lui ai jamais mis la pression », assure-t-il aujourd’hui. Marie a quitté la JC pour éviter de le côtoyer.

Parcours d’humiliations

D’autres femmes ont connu des agressions plus violentes. Comme Lola, alors responsable de l’Union des étudiants communistes (UEC) Paris, qui, après une manifestation de Nuit debout en 2016, raconte qu’elle s’est retrouvée coincée chez elle par son ex-copain. Malgré ses refus, ses injonctions, il refuse de partir et la force. De ce viol, elle n’a pas encore parlé et encore moins porté plainte. Trop peur de la police, des réactions internes et du regard de sa mère. « Je n’ai pas confiance en la justice », lâche cette trentenaire aux cheveux mi-longs.

Maguy, elle, a réussi à franchir la porte d’un commissariat, deux ans après avoir subi un viol. Cette ancienne responsable de l’organisation communiste est parvenue à porter plainte le 19 novembre 2017, entourée de deux copains. Elle raconte avoir été violée par un militant encore au PCF en 2015 et avoir dompté sa peur très récemment mais ne veut donner aucun détail : « C’est un mec violent. Il est encore au PCF, s’il se reconnaît, je sais qu’il va s’en prendre à moi. » Aujourd’hui doctorante, elle garde la panique dans son regard dès qu’elle évoque son histoire. « Je veux qu’il tombe… », souffle-t-elle.

Accuser un camarade ne se fait pas sans conséquence dans une organisation qui se dit féministe. Dans les JC comme au PCF, beaucoup vivent encore dans la conviction que l’égalité y est de mise et le respect évident. Prendre le risque de dire qu’il y a des dérapages, c’est porter préjudice à l’organisation et donc s’exposer à la marginalisation.

Les dirigeantes qui parlent de leur expérience de harcèlement se font régulièrement remettre à leur place. « Après avoir parlé sur des baisers forcés ou des mains au cul, on m’a dit “t’es une femme, ça va t’arriver, faut te blinder” », se souvient Cécilia, membre de la direction de la JC puis de l’UEC de 2012 à 2016. Elles sont nombreuses à parler de ce parcours d’humiliations.

Des fédés sommées de faire le ménage

Tous les témoignages font aussi état d’une surdité aux alertes pourtant répétées dans l’organisation de jeunesse. « En interne, on vit dans le mythe que la société est pourrie mais pas nous. Ça pouvait exister à l’UNEF mais pas chez les communistes », se souvient Mathias, ancien membre de la direction des JC. Avec son camarade Paul, ancien de l’UEC 93, il en a fait l’amère expérience. Les deux garçons ont tenté de dénoncer en 2014 les agissements d’un dirigeant qui multipliait les remarques sexistes sur de jeunes camarades. « On a été traités de fractionnistes et on a été dégagés. »

Pourtant depuis 2015, les révélations de cas d’agressions se succèdent. Et les femmes commencent à en parler. Lola, ancienne responsable de l’UEC Paris, a mené une enquête empirique sur deux ans (2016 et 2017) en adressant un questionnaire à tous ses contacts militants, jeunes comme adultes.

Sur les 183 réponses reçues (essentiellement des femmes), plus de 40 % de ses camarades disent avoir été victimes de « violence sexiste au sein d’une organisation communiste ». Les deux tiers des agresseurs avaient des responsabilités au moment des faits. Et les trois quarts des victimes continuent à les croiser dans les rangs militants.

La direction du PCF reconnaît qu’il « y a du travail à faire » sur la question du consentement auprès de ses militants, jeunes mais aussi adultes. Un livret a été distribué aux animateurs de section du PCF, et une référente et une boîte mail doivent être mises en place pour recueillir la parole des adhérentes. Plusieurs fédérations – Gironde, Bas-Rhin, Nord, Paris, Haute-Vienne, Indre-et-Loire, Val-de-Marne – ont été sommées de faire le ménage et quelques agresseurs ont été discrètement évincés.

Réformer les procédures internes

« On avance en même temps que la société, la parole se libère chez nous », souligne Shirley Wirden, collaboratrice du groupe communiste au Conseil de Paris. D’autres dirigeantes sont plus critiques. Hélène Bidard, adjointe à la mairie de Paris, juge qu’il faut réformer la procédure interne sur les violences sexistes : « On renvoie ça aux responsables de fédérations mais c’est un leurre, car comme ils connaissent les militants mis en cause, ils ont tendance à étouffer l’affaire. »

Pierre Laurent, numéro un du parti, assure que la direction du PCF en a pris conscience et que, dès le début 2018, des mesures seront prises pour protéger les victimes et exclure les agresseurs. « Nous avons réalisé qu’il fallait une procédure nationale. Pour le moment, cela dépend encore trop des volontés locales ». Comme ce fut le cas avec l’agression d’Aude, que la secrétaire à l’organisation de l’UEC avait tenté de gérer. Quand elle l’a relayée au siège du PCF, on lui a rétorqué « il faut une plainte ». Un an après, son agresseur fut candidat aux cantonales.


Le Monde

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