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Histoire du mouvement social et communiste

Lundi 9 Janvier 2017

Internet, le réseau des réseaux, aurait pu naître en France si quelques lourdeurs avaient été levées à l’époque. Tous les ingrédients étaient réunis, sauf la volonté politique - Par Ivan Lavallée, membre du comité de rédaction de Progressistes. professeur des universités


Les précurseurs d'internet
Le 25 juin 2013, le prix Queen Elizabeth for Engineering a été remis à Londres, au palais de Buckingham, à cinq précurseurs d’Internet et du Web par la reine Élizabeth d’Angleterre. Ce prix, de 1 million de livres, récompensait en fait des innovations ayant contribué à la pérennisation d’Internet et du Web, et en même temps à leur succès.

Louis Pouzin, ingénieur français, faisait partie des lauréats. Il est le concepteur du datagramme, qui est la base de la communication robuste (sécurisée) d’Internet. C’est à l’IRIA (Institut de recherche en informatique et automatisme, devenu depuis INRIA) que fut réalisé le programme Cyclades, créé en 1971 dans le laboratoire Laboria. Cyclades promouvait le réseau Cigale, qui utilisait l’acheminement de données par paquets, ou datagramme, permettant d’assurer une communication fiable, même si le réseau luimême ne l’était pas. Ce fut le premier réseau fonctionnant sur ce principe, qu’Internet adopta. Les autres précurseurs ont aussi, bien sûr, contribué à la conception d’Internet et du Web, et assuré leur succès. Vint Cerf et Bob Kahn sont les auteurs du protocole TCP/IP sur lequel est basé Internet ; Tim Berners-Lee est l’inventeur, une quinzaine d’années plus tard, au CERN, du Web avec le Belge Robert Cailliau: ils ont élaboré le langage HTML pour permettre aux laboratoires, alors reliés par réseau, de communiquer des données et résultats formatés d’une façon standardisée, permettant leur utilisation et consultation rapides par les différents laboratoires (R. Cailliau semble avoir été oublié dans ce prix). Le cinquième de ces précurseurs est Marc Andreesen, qui a créé Mosaic, le premier navigateur internet sur UNIX et pour les ordinateurs Mac (dont le système opératoire est en fait une version d’UNIX). Ce navigateur a ouvert Internet au grand public, lui donnant potentiellement sa puissance actuelle.

RÉSEAU VIRTUEL CONTRE RÉSEAU PHYSIQUE

Le poids de l’existant peut empêcher l’émergence d’une technologie nouvelle. Lorsque s’y mêle la volonté politique de favoriser le secteur privé par rapport au public, les situations deviennent ingérables. Au coeur des années 1970, il n’était pas concevable pour les ingénieurs issus des télécommunications d’établir une communication sans mettre au préalable en place un canal pour le faire. Le concept de circuit virtuel n’était pas encore passé dans les moeurs. IBM commercialisait encore son anneau à jetons, mais les opérateurs téléphoniques européens et états-uniens se sont entendus en 1976 sur le protocole X25, une manière de transmettre les paquets d’information qui consistait à envoyer ceux-ci à la queue leu leu sur des circuits virtuels. Ces choix technologiques de télécommunications, beaucoup plus compliqués et insuffisamment fiables, ont retardé l’adoption d’Internet d’une dizaine d’années en Europe.

UN RENDEZ-VOUS MANQUÉ

En France, le changement de politique du gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing, soutenant Honeywell Bull, société privée, contre la CII (Compagnie internationale pour l’informatique¹) – et le monopole des PTT, où régnaient les ingénieurs de télécommunications, a conduit à supprimer les financements des recherches sur les réseaux. L’équipe Cyclades à l’IRIA a poursuivi quelques années une activité de développement de réseaux locaux, de bases de données et de bureautique, incluant tous une dose de réseaux. Puis cette équipe a été totalement démantelée, en 1978, et l’IRIA a été refondu pour donner naissance à l’INRIA. C’était la fin du plan Calcul lancé par le général de Gaulle en 1966 pour développer une informatique française Toutefois, une activité intense de recherche en algorithmique des réseaux, dite algorithmique répartie ou distribuée, s’était mise en place, tant à l’INRIA, qu’à l’IRISA (Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires) de Rennes, les universités n’étant pas en reste, comme l’université d’Orsay, avec le LRI (Laboratoire de recherche en informatique), ou celle de Grenoble.

INTERNET À LA CONQUÊTE DU MONDE

Les réseaux, c’est la fusion en une seule activité de la téléphonie et de l’informatique pure et dure, ce qu’on appelle alors les NTIC (nouvelles technologies de l’information et de la communication), et aujourd’hui encore les TIC. Cette fusion bouscule nombre de positions acquises, en particulier en téléphonie: elle passe par des technologies et matériels nouveaux qui ne sont pas ceux de la téléphonie.

Le succès d’Internet en France est venu d’une génération d’ingénieurs informaticiens nouvellement formés² et de PME, et aux États-Unis de jeunes pousses (start-up), qui trouvaient là le moyen de se développer en créant des ruptures technologiques. Cela correspondait à l’apparition de nouveaux ordinateurs, dits mini-ordinateurs, à la fin des années 1960 (DEC [Digital Equipment Corporation], avec PDP 8 puis PDP 11, puis PDP 16 ; Télé – mécanique avec la gamme T puis le Solar 16-65 multiprocesseur). Les réseaux commencent par être locaux, privatifs, basés sur Éthernet. Le département de la Défense (DOD) des États- Unis s’en mêle et, à travers lui la NSF³, les industriels comme IBM et ATT créent une nouvelle version d’ARPANET, le réseau militaire des États-Unis. Internet va fédérer les différents réseaux à travers le monde, d’où son nom de « le réseau des réseaux ». Dès lors Internet est parti à la conquête du monde, mais ses origines états-uniennes ne vont pas sans poser problème, car qui dit DOD dit aussi CIA et hégémonisme.

L’HÉGÉMONIE DES ÉTATS-UNIS

Internet est géré et dirigé par l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) des États-Unis, organisme qui décide de tout : standards, noms de domaines, distribution des adresses… Ce qui permet aux États-Unis d’assurer leur mainmise sur cet outil d’une puissance phénoménale alors que, techniquement, rien ne le justifie. Outre la source de revenus conséquente (prix exorbitants pour créer et entretenir un nom de domaine), cette position assure à l’ICANN un pouvoir non seulement économique, mais aussi politique. Il y a la possibilité d’espionner et contrôler tout ce qui passe sur le réseau, et le FBI, la CIA et la NSA ne s’en privent pas. Les racines du réseau, c’est-à-dire les centres informatiques par lesquels passe tout le trafic, sont pratiquement tous physiquement situés aux États- Unis (ceux-là n’ont rien de virtuel !). Dans ce monde numérique, contrôler le flux mondial d’information permet de contrôler l’économie mondiale. L’enjeu aujourd’hui est de démocratiser la gestion d’Internet et de permettre aux États d’assurer leur souveraineté en la matière – en étant autonomes avec leur propre réseau internet – et d’effectuer les communications dans leur langue vernaculaire, contrariant ainsi le soft power US, qui consiste à imposer sa culture, en commençant par la langue. Du point de vue technique, le protocole de base TCP/IP, qui constitue le socle d’Internet, doit être repensé pour pouvoir gérer l’explosion des communications et les flux de données croissants, tout en assurant la sécurité et la confidentialité des échanges, en particulier la protection de la vie privée. Avec le système, créé par les objets mobiles interconnectés, il s’agit aussi qu’Internet puisse prendre en compte cette mobilité. Les technologies existent, les universités et centres publics de recherche ont des solutions, mais le statu quo perdure, fort du « poids » de l’existant et de la volonté impérialiste de contrôle des États Unis. La remise en cause viendra certainement avec une nouvelle génération d’ingénieurs et de peuples, et de pays, tels l’Inde ou la Chine, voire la Russie, ou autres (Cuba et l’Alba [Alliance bolivarienne pour les Amériques]) qui veulent se dégager de la tutelle états-unienne sur leurs technologies. La décennie qui vient verra pour le moins les prémisses de ces changements.

LA COMMUNICATION PAR PAQUETS OU TCP/IP RÉVÉLÉE

Au lieu d’envoyer des paquets de bits à la queue leu leu sur un canal préalablement dédié, les paquets sont indépendants. Ils sont envoyés chacun avec une adresse, et ils doivent trouver par eux-mêmes leur chemin dans le réseau, en transitant de processeur à processeur. Le principe, le datagramme, avait été imaginé à la fin des années 1960 par un ingénieur états-unien pour assurer des liaisons téléphoniques fiables en cas de guerre, mais n’avait jamais été mis en oeuvre. C’était simple, évolutif et indépendant de la fiabilité du réseau. Il fallait introduire des règles sur la manière dont s’effectuaient les échanges (par exemple, si un paquet se perd, on le transmet de nouveau). C’est donc le projet Cyclades, abrité à l’IRIA, dans le laboratoire Laboria, qui a mis en place et testé le principe en 1973, sous la direction de l’ingénieur Louis Pouzin, sur un réseau de 25 ordinateurs, répartis entre Rome, Londres et Rocquencourt (France) : TCP/IP était né.

¹ La CII est issue du plan Calcul voulu par de Gaulle pour donner au pays un instrument stratégique de souveraineté après que General Electric (déjà !) eut pris le contrôle de Bull.

² En France, le premier diplôme d’État d’ingénieur informaticien a été créé en 1971 à l’IIE, institut du CNAM, sous
l’impulsion des professeurs Namian et Hocquenghem.

³ NSF : National Science Foundation.

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