Colonna: la cour d'assises spéciale attendue en Corse sous haute protection

Après quatre semaines d'audience, les avocats de l'accusé ont obtenu cet onéreux "transport sur les lieux", au risque de paraître tenter un coup de poker après une série de témoignages peu favorables au berger nationaliste de 47 ans.

C'est donc dans un Transall de l'armée que les sept juges de cette cour sans jurés populaires, spécialisée dans les affaires de terrorisme, doivent embarquer le matin à Villacoublay, près de Paris, pour arriver en milieu de journée à Ajaccio.

Avec eux, les avocats des parties civiles et de la défense, les deux avocats généraux et l'accusé, menotté et protégé par un gilet pare-balles.

La cour est assistée par le chef des sections techniques de recherche et d'investigations de l'identité judiciaire, accompagné de deux photographes et d'un balisticien de la police scientifique.



Ni la veuve du préfet, ni ses deux enfants, n'ont souhaité revoir l'île où Claude Erignac a été assassiné le 6 février 1998, juste après 21H00.

La cour doit d'abord se rendre à la gendarmerie de Pietrosella (Corse-du-Sud), cible d'une attaque en septembre 1997, dont Yvan Colonna est également accusé, puis, à 27 km de là, à Ajaccio, jusqu'à la rue Colonel Colonna d'Ornano où le préfet a été abattu sur le trottoir de trois balles dans la nuque, alors qu'il se rendait au théâtre.

Même si juges et avocats ne portent pas leurs robes, ce "transport sur les lieux" signifie que c'est la cour elle-même qui se déplace, avec les mêmes interdictions de filmer ou d'enregistrer qu'au palais de justice, sous peine d'amendes. Le président Dominique Coujard a de plus décrété le huis-clos.

Pour tenir à l'écart la presse et le public, mais aussi assurer la sécurité du vol et du transfèrement de l'accusé depuis la maison d'arrêt parisienne de la Santé, un peu plus de 500 policiers et gendarmes sont mobilisés, avec la participation du GIPN (Groupe d'intervention de la police nationale) et du Raid (Recherche, assistance, intervention, dissuasion).

A Ajaccio, un vaste périmètre de sécurité doit tenir à l'écart curieux et photographes, dont les objectifs seront éblouis par de puissants projecteurs.

La cour procède à une simple visite, et non pas à une reconstitution, qui serait d'ailleurs difficile à Pietrosella, où la gendarmerie est neuve puisque l'attentat avait soufflé la précédente, tandis qu'à Ajaccio, le soir du drame, un échafaudage masquait partiellement la vue des témoins.

Yvan Colonna, qui nie toute participation aux faits, gardera une "position d'observateur", ont dit ses avocats.

Ils espèrent notamment convaincre les juges que, contrairement à certains témoignages, il ne pouvait y avoir que deux personnes sur les lieux de l'assassinat, à savoir Pierre Alessandri et Alain Ferrandi qui ont déjà avoué leur présence, ce qui exclurait donc celle de l'accusé.

Car six membres du commando sont déjà sous les verrous depuis 2003 pour cet assassinat, et après avoir désigné Yvan Colonna comme l'un de leurs complices, il se sont rétractés, mais sans donner à la barre d'explications convaincantes sur leur revirement.

Avec ce transport, la cour a choisi en tout cas de ne pas courir le risque d'être accusée de négliger les droits de la défense, quel que soit son verdict attendu en fin de semaine.