Incroyants, encore un effort

24/11/2006
13. CONCLUSIONS

Je ne peux résister au plaisir de citer dans son intégralité un propos d’Alain intitulé « Les Contes » qui constitue un éloquent résumé des développements précédents :

Le point de vue d’Alain

« La religion est invincible par l’absence de preuves, et même de la vraisemblance ; ainsi toutes nos sages preuves contre, tirées de science peseuse et mesureuse, tombent dans le vide. Contre les passions et l’imagination, qui toujours déraisonnent ensemble, il faut des faits bien clairs et positifs ; et c’est ce qu’on ne peut pas toujours faire constater à un malade imaginaire, à un plaideur, à un jaloux ; chacun se bouche les yeux plutôt que de renoncer à une erreur adorée ou abhorrée ; la peur, comme on sait, donne le même genre d’aveuglement que le désir. Mais enfin, dans les choses de ce monde, on peut toujours espérer quelque occasion de constater, qui remettra l’esprit en équilibre. Au lieu que sur l’enfer ou sur le paradis, que pourrais-je constater ? Et sur des évènements vieux de vingt siècles, que puis-je savoir qui soir communicable comme sont communicables la géométrie et la physique ? Il faut que les passions, l’imitation, l’autorité décident de tout, formant une sorte de manie collective, et cohérente en son intérieur. Et j’y vois cette différence avec les fous à proprement parler, c’est que les fous ne veulent pas y aller voir, et règlent dans leur pensée les questions de fait, au lieu que les croyants ne peuvent pas y aller voir, vivant sur des faits qui ne sont point des faits. Le doute est l’état naturel de celui qui manie des preuves. Mais dés qu’on ne peut espérer de preuves, le doute est une maladie dont on se guérit par serment. Je ne dirai donc pas qu’un homme peut tout croire, c’est trop peu dire. Le vrai est que l’absurde est ce qui est le plus fermement cru.
Et encore je ne compte pas les heureux effets. Si un chapelet dit selon le rite apaise les soucis et les scrupules, et conduit à un paisible sommeil, voilà un fait que je ne puis nier, et que même je comprends très bien. Et si la position d’un homme à genoux le rend plus facile à lui-même, moins enragé de vengeance, en tout plus équilibré et plus humain, la plus simple physiologie m’avertit que je devais prévoir cela. La passion d’un homme couché n’est pas de courir ; et la même bouche ne peut en même temps prier et menacer. Ce sont là des exemples tout simples. Il y a bien plus. Il y a des moments sublimes qui, semblables à un manteau, nous donnent un peu de majesté et de paix. Il y a les cortèges et les cérémonies, qui disposent énergiquement le corps humain selon une sorte de grandeur, qui se communique naturellement aux pensées. Il y a la musique, qui agit encore plus subtilement, et, par le chant, sur les viscères mêmes. Et ce n’est pas trop supposer que de prêter à la Bible le même genre de puissance qu’à un beau poème. D’où il résulte que le croyant se sent récompensé de croire, et se trouve attaché, par des liens de reconnaissance à des légendes et à des rites si bien taillés pour lui, si agréables à porter. Ajoutons qu’il est toujours pénible de penser selon la rigueur, que c’est souvent dangereux, que c’est parfois impossible. Qui jugera son bienfaiteur ? Qui jugera ses parents ? On craint donc les jugeurs, on les évite. On se passe donc très bien de penser.
La situation étant telle, je fus et suis encore assez content de ce que je répondis à un camarade soldat, évidemment de bonne foi. « Qu’est-ce que vous pensez, me demanda-t-il de Dieu le Père, de Jésus-Christ, du diable et de tout ça ? » Nous faisions notre petite lessive à l’abreuvoir, non sans guetter du coin de l’œil l’adjudant, qui ce jour-là trouvait tout mauvais. Que pouvait répondre l’esclave à l’esclave ? Je lui dis : « Ce sont de beaux contes. On ne se lasse point des beaux contes. Cela fait comme un autre monde où la bonne volonté triomphe à la fin. Un monde selon nos meilleurs désirs. Ce sont des récits faits à notre forme, et qui conviennent dans les moments où le monde est trop dur. L’esclave alors oublie d’être méchant. Il revient à la vérité de l’enfance. Il se dispose selon la confiance et l’espoir. Et quoi de mieux ? Personne certes ne dira que les contes sont vrais ; mais personne non plus n’osera dire qu’ils sont faux. »

Avec son indulgence philosophique Alain voit le bon côté des choses, mais il existe des perspectives plus sombres. Imaginez, ce qui n’a rien d’invraisemblable, que dans deux ou trois générations il y ait en France 50% de musulmans. Verrons-nous dans nos rues des femmes voilées côtoyer des femmes vêtues de transparences ? Comment pourront s’accorder ceux qui veulent une justice qui comprend et qui répare et ceux qui rêvent d’établir la charia ?
Compte tenu de la facilité des déplacements, les races et les religions sont condamnées à se côtoyer. Sont-elles pour autant condamnées à se mélanger ? Entre deux races ou deux religions, il y a une différence de potentiel qui engendre presque toujours des orages. Si races et religions restent séparées, il y aura éventuellement des guerres aux frontières, mais si elles sont mélangées, il y a un risque de guerre civile, ce qui est pis. Les races peuvent se mélanger. Deux religions ne peuvent fusionner comme nous l’avons vu. Il est donc vital de sortir des religions, et d’abord de la religion chrétienne qui doit montrer l’exemple, étant celle des nations les plus avancées mais ce remède à lui seul est insuffisant. Il existe quantité d’autres maux qui affligent l’humanité en général et la France en particulier, et leur addition devient alarmante. Mais voyons d’abord comment…

Sortir des religions

Certains reprocheront à l’auteur du présent essai de se tromper d’époque lorsqu’il formule ses objections à l’encontre des religions en général et de la religion catholique en particulier. De fait l’interprétation des différentes doctrines a varié au cours du temps, traduisant de la part de leurs adeptes une certaine légèreté à l’égard de vérités supposées éternelles. D’ailleurs l’irruption de nouveaux problèmes éthiques liés en particulier aux progrès des sciences de la vie oblige en quelque sorte les religions à « faire voter les morts ».
Certains diront qu’il est bien beau de vouloir décrédibiliser les religions, mais l’humanité peut-elle s’en passer ? Peut-elle sans risque majeur mettre fin à ces mystifications ? La réponse à cette question est aujourd’hui probablement oui. Toutes les conséquences n’ont pas encore été tirées du fait que les guerres entre gens sensés sont devenues impossibles et que, par conséquent, les communautés n’ont plus autant besoin que par le passé d’être cimentées par une même foi et même que ça peut être dangereux. Le doute est aujourd’hui des plus salutaires. Les valeurs pacifiques doivent s’imposer au détriment des valeurs guerrières et entrainer une équitable féminisation de tous les pouvoirs. Une fraction de plus en plus importante de l’humanité est soustraite aux douleurs physiques et morales insupportables. La situation générale s’est suffisamment améliorée pour que la plupart des individus n’aient plus besoin d’aller chercher dans les religions un soutien psychologique qu’ils peuvent trouver ailleurs si nécessaire. Les religions perdent ainsi une grande partie de leur utilité et leur disparition n’entraînera pas obligatoirement de grands bouleversements. L’activité économique, politique ou militaire ne s’est pas arrêtée lorsque nos anciens ont réalisé que la terre était ronde et non plate et qu’elle tournait autour du soleil et non l’inverse. Les activités humaines n’ont pas été affectées de façon extraordinairement spectaculaire par le changement de perspective lié à ces découvertes, même s’il a fallu attendre, bel exemple de la prudence ecclésiastique, que Neil Armstrong pose son pied sur la lune pour que Galilée soit réhabilité ! Seuls les spécialistes ont été perturbés lorsqu’il a fallu remplacer au début du vingtième siècle le temps et l’espace absolus par un espace-temps relativiste ou lorsqu’ont été révélés la complexité et le comportement déconcertant des constituants élémentaires de la matière. Et nous ne sommes probablement pas arrivés au bout des surprises dans ce domaine !
Quant à l’influence des religions sur le comportement moral de leurs fidèles, nous avons vu qu’elle est assez faible. La criminalité extrême est, malgré une répression féroce, plus importante dans un pays comme les Etats-Unis où la religion joue encore un grand rôle que dans un pays apparemment déchristianisé comme la France. La science et la raison fondent plus sûrement la morale que toutes les religions réunies. Il n’y a jamais eu de criminels dans les rangs des véritables hommes de science alors qu’ils ont abondé dans les rangs des hommes d’église, prêcheurs de toutes les croisades, inquisiteurs sans pitié, complaisants avec les puissants, tolérant toutes les injustices quand elles s’appuient sur la force ou qu’elles leur sont profitables… Personne n’a jamais été poursuivi pour refuser d’ajouter foi à la loi d’Ohm (sauf s’il s’agit d’un technicien responsable de ce fait d’une catastrophe) car l’expérience suffit à instruire, mais, à l’opposé, comment obliger un individu réticent à reconnaître la vérité d’un dogme ou à satisfaire à une obligation rituelle sans utiliser la force et, si nécessaire la violence, seules capables de valoir à ces « systèmes d'opinions bizarres » les marques extérieures de respect ? La persuasion sans violence est de peu d’efficacité quand elle se heurte à un esprit ancré dans ses certitudes métaphysiques, lesquelles lui sont d’autant plus chères qu’elles font partie de ce qu’il a de plus intime, et qu’il les sait menacées. C’est ce qui explique la longue connivence de l’Eglise avec tous les régimes autoritaires : empires, monarchies absolues et toutes les variétés de fascisme, en dehors du fait que sa propre organisation paraît calquée sur la leur. Les religions, particulièrement les religions monothéistes, qui projettent si bien sur terre l’esprit tyrannique qui selon elles règne au ciel, bien loin d’être une solution, sont devenues pour le monde un problème, comme nous pouvons le lire à longueur d’année dans les journaux. Les religions ne sont indispensables que pour ceux qui en font leur métier, ou qui les utilisent comme alibi. D’ailleurs un grand nombre d’individus ont déjà appris à s’en passer et ne s’en trouvent pas beaucoup plus mal. C’est un fait que les incroyants sont réticents à l’égard de tout prosélytisme ayant bien conscience des souffrances que l’arrachement d’idées si profondément ancrées peut causer à ceux qui ont encore besoin des consolations de la religion. Toutefois, il me semble que l’humanité doit avec ménagement et précautions franchir le pas et se rassembler autour de ce qui n’est pas contesté.
Les divinités habitaient jadis chaque forêt et chaque fontaine.
« La plus humble amourette était alors bénie
Sacrée par Aphrodite Eros et compagnie
L’amour donnait un lustre au pire des minus
Et la moindre amoureuse avait tout de Vénus »
(Brassens)
Puis les divinités se sont éloignées pour séjourner dans des lieux de moins en moins accessibles comme les montagnes élevées et les antres souterrains. Elles ont finalement gagné le ciel où certains croient toujours les apercevoir. Après avoir accompagné l’humanité dans la phase la plus cruciale de son développement, elles peuvent disparaître de son univers et les derniers liens qui rattachent l’humanité à son enfance seront, non sans déchirements pour certains, non sans une certaine appréhension ni une certaine nostalgie pour d’autres, tranchés. C’est la faute aux hommes de science qui ont tout démythifié.
« En se touchant le front en criant j’ai trouvé
La bande au professeur Nimbus est arrivée
Qui s’est mise à frapper les cieux d’alignement
Chasser les dieux du firmament »
(Brassens)
Peut-on rêver qu’un pape, constatant que l’idéologie catholique fait eau de toutes parts, confesse un jour honnêtement qu’il a perdu la foi, qu’un concile subséquent fasse le bilan des actions positives et négatives de l’Eglise au cours des siècles, en ouvre les archives aux historiens, puis mette la clé sous la porte ? S’il doit le faire, qu’il le fasse avant que des zozos se réclamant d’une quelconque divinité n’aient créé un désordre général et meurtrier ou fait sauter la planète. La reconnaissance du fait que toute foi comporte une part d’incertitudes serait un premier pas ô combien utile. Il n’est pas certain que le traumatisme de ce qui reste de fidèles, compte tenu de l’état de déliquescence de leur croyance, sera dans cette éventualité beaucoup plus grand que ne l’a été par exemple celui des citoyens des pays de l’Est lors de la chute du communisme. Parier que la vie sera toujours la plus forte ne semble pas un pari particulièrement risqué. Il faudra seulement, comme le souhaitait Diderot, que les vertus soient davantage reconnues et encouragées par la société. Pour faire accepter la disparition de l’autre monde, il faut d’abord que celui dans lequel nous vivons soit devenu supportable pour tous. Or un monde enfin honnête, équitable et pacifié n’est pas hors de portée car les progrès techniques accumulés permettent à chacun de vivre mieux que convenablement s’il n’y a pas trop d’inégalités ni de gâchis et si les états savent faire preuve d’un minimum de prévoyance. Des substances diverses et variées, pas toutes illégales ni destructrices, peuvent se charger de faire voir la vie en rose… Point n’est besoin d’une grande fortune pour connaître le vrai bonheur qui est de se sentir en sécurité, bien dans sa peau, en paix avec son entourage et de tenter de comprendre le monde comme il va.


Après avoir démoli, il faut bien songer à reconstruire. Pour répondre à l’inquiétude de la Maréchale, qu’est-il possible de substituer à la religion ? La réponse parait inscrite dans la nature. L’obligation ressentie comme la plus pressante, la plus absolue par tous les êtres vivants est d’assurer la survie de l’espèce à laquelle ils appartiennent. Les espèces qui n’ont pas été défendues bec et ongles par leurs représentants ont disparu. On peut supposer qu’en dehors de quelques insensés, tous les hommes seront d’accord pour estimer que l’aventure de la vie en général, et celle de l’espèce humaine en particulier valent la peine d’être poursuivies. C’est donc l’objectif commun qu’ils doivent se fixer. Or, la réalisation de cet objectif est loin d’aller de soi. Certains estiment même que les probabilités vont contre.

Crise environnementale

Songez à l’état de la planète, à son atmosphère dangereusement enrichie en gaz carbonique, à ses sols mis à nu, lessivés, appauvris, souillés, rongés par l’érosion, le bitume et le béton, à ses rivières et ses océans pollués, à ses ressources forestières et minérales en voie d’épuisement, à la disparition accélérée des espèces, au progrès des déserts, au recul des glaciers, à la dislocation des banquises, à l’amenuisement de la couche d’ozone protectrice, à la montée des eaux, à l’intensification des phénomènes atmosphériques. Songez à l’altération des climats qui en résulte et dont il n’est pas prouvé qu’elle ne puisse échapper à tout contrôle par suite d’effets feed-back qu’il existe quelques raisons de redouter (température à la surface de la planète Vénus par suite d’un effet de serre exacerbé : près de 500C). L’activité humaine a déjà conduit et va conduire de plus en plus le climat de la planète Terre dans des zones qu’il n’a jamais explorées au cours de sa longue histoire. A cause de l’inertie thermique des océans le climat est actuellement plus sec et plus froid que ne le voudrait la concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère (principe de la paroi froide). Tout le carbone séquestré par les processus naturels sous forme de combustibles fossiles durant quelques centaines de millions d’années va se trouver libéré pour l’essentiel en deux siècles. Combien d’heures de vol d’abeille dans une cuillérée de miel que l’on avale sans y penser et combien d’animalcules transformés en pétrole pour faire un kilomètre en voiture ? Allons nous vers un nouveau point d’équilibre, avec un climat plus chaud et plus humide, ou bien basculons nous dans l’inconnu ? L’importance du sujet invite à détailler quelque peu les facteurs stabilisants et les facteurs déstabilisants.
Parmi les facteurs stabilisants il faut citer :
- L’augmentation de la radiation de chaleur de la planète due à l’augmentation de sa température
- La diminution des besoins de chauffage réduisant le recours aux combustibles fossiles
- L’augmentation de rendement des productions agricoles et sylvicoles dont une partie peut être utilisée à satisfaire des besoins énergétiques. L’augmentation de la température, de l’humidité et de la teneur de l’atmosphère en gaz carbonique favorise en effet ces productions.
- L’augmentation de la nébulosité accentuant le pouvoir réfléchissant de la planète durant la journée.
- L’amélioration des rendements énergétiques des procédés industriels et assimilés
- Le recours préférentiel à l’énergie nucléaire et aux énergies renouvelables
- Le stockage souterrain volontaire (et durable) de gaz carbonique
Parmi les facteurs déstabilisants il faut citer :
- L’augmentation de la teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre tels que le gaz carbonique ou le méthane par simple phénomène d’accumulation, la libération de ces gaz dans l’atmosphère due en particulier à l’activité humaine étant plus importante que la capacité d’absorption des milieux naturels
- L’augmentation de la consommation d’énergie liée au conditionnement d’air, lequel est indispensable pour travailler efficacement dés que la température s’élève
- La diminution des surfaces couvertes de neige ou de glace qui réduit le pouvoir réfléchissant de la planète
- L’augmentation de la population et de l’activité économique
- L’augmentation de la nébulosité bloquant la réémission de chaleur vers l’espace durant la nuit.
- La libération de gaz à effet de serre due à l’augmentation de température des océans et des continents. C’est ce dernier point qui semble le plus préoccupant car il peut produire le basculement redouté. De tels phénomènes ont déjà eu lieu semble-t-il dans l’histoire de la planète sans que l’excursion climatique la rende toutefois entièrement inhabitable. Se peut-il que la chance cette fois nous abandonne ? Aucun climatologue ne s’aventure à donner une réponse définitive en raison des difficultés de calcul. Rien cependant n’est plus propice que cette incertitude à favoriser les vues des prédicateurs d’Apocalypse ! Les autres croisent les doigts.
- Une autre source d’inquiétude provient de l’acidification de l’eau de mer par l’excès de gaz carbonique, ce qui la rend à terme impropre à la formation des coquilles ou squelettes de certains animaux marins à l’origine de la chaîne alimentaire, et ouvre ainsi une perspective de désertification des océans.

Certains calculs récents montrent qu’une extinction de masse des espèces vivantes semblable aux quatre ou cinq qui se sont déjà produites pendant les cinq cents derniers millions d’années pourrait commencer dés la fin du 22ème siècle si la concentration de l’atmosphère en gaz carbonique continue de croître au rythme actuel. Les précédentes extinctions semblent avoir été dues à la collision du globe terrestre avec un corps céleste volumineux ou à des phénomènes volcaniques extraordinairement intenses. Celle à venir aurait une origine purement humaine. La survie de l’espèce homo sapiens au milieu d’espèces autrement mieux équipées qu’elle en moyens d’attaque et de défense est déjà un miracle (au sens de très improbable). Des études génétiques semblent montrer qu’à certaines périodes de son histoire elle s’est trouvée effectivement réduite à quelques individus.

Crise énergétique

Songez à l’incurie qui conduit à négliger la prochaine disparition du pétrole et des autres combustibles fossiles quand qu’il faudrait profiter du peu qui reste pour se préparer à la pénurie. Or les techniques de production d’énergie évoluent très lentement. Les plus récentes sont d’alertes quinquagénaires. Il ne faut donc pas s’attendre en ce qui les concerne à des progrès spectaculaires. L’âge des énergies dites « nouvelles » se compte en millénaires, pour les plus récentes. Il n’y a pas d’alternative aux énergies actuellement connues dans un avenir prévisible. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas explorer activement toutes les voies qui s’ouvrent et déployer en leur faveur les méthodes qu’on réserve d’ordinaire en temps de guerre aux programmes de développement des nouvelles armes. On peut même imaginer de travailler 24 heures sur 24 sur ces programmes en répartissant sur plusieurs fuseaux horaires des équipes de recherche et d’ingénierie qui échangeraient leurs fichiers par Internet, et en travaillant également 24 heures sur 24 dans les usines et sur les chantiers liés à ces programmes. La recherche américaine dispose dans le domaine militaire de crédits vingt fois plus importants que ceux qui sont affectés au domaine de l’énergie. Un rééquilibrage serait particulièrement bienvenu. Il faut toutefois se garder de l’illusion suivant laquelle il suffit de chercher pour trouver. Au vingt deuxième siècle, le vingtième risque d’apparaître comme l’Age d’Or à jamais disparu où l’énergie coulait à flots. Il n’est pas besoin d’insister sur la nécessité absolue de disposer d’énergie pour mettre en œuvre les différentes technologies qui nous sont devenues indispensables. La technologie peut presque tout si elle dispose d’énergie. Sans énergie elle est pratiquement impuissante. La terre tout entière risque donc le sort de l’île de Pâques dont la démographie et la civilisation se sont effondrées une fois que ses habitants eurent brûlé tout ce qui pouvait l’être. Dans cette perspective de disparition des énergies fossiles disponibles la conception du parc mondial de transport doit être entièrement revue, le parc immobilier des pays froids ou tempérés entièrement réhabilité, la production de l’électricité entièrement reconsidérée. Un exercice salutaire consisterait à examiner comment notre société pourrait survivre dans l’hypothèse où sa technologie en resterait là où elle en est et où elle n’aurait plus à sa disposition que des énergies renouvelables ou même pseudo renouvelables comme le nucléaire classique. Il serait très vraisemblablement constaté qu’un changement aussi radical, pour s’effectuer avec un minimum de casse, nécessite une longue préparation. Ignorer cette réalité, c’est prendre le risque d’un conflit mondial à échéance d’une ou deux décennies. Comment se fait-il qu’aucune étude sérieuse n’ait été publiée sur le scénario « no more fossil fuels » ? Il serait pourtant intéressant d’étudier ce cas limite qui représente l’éventualité la plus pessimiste, mais aussi hélas la plus probable. Dans cette hypothèse, l’utilisation de véhicules électriques devra probablement être généralisée, et notre mode de vie et nos infrastructures adaptées à leurs caractéristiques. On peut imaginer par exemple d’équiper les autoroutes et les liaisons principales de caténaires comme ceux des anciens trolleybus permettant aux véhicules électriques d’y rouler à bonne allure tout en rechargeant leurs batteries, ce qu’elles pourraient faire également à leurs emplacements habituels de parking. On peut imaginer aussi de construire des remorques comportant moteur thermique, génératrice de courant continu et réservoir de carburant. Sans leurs remorques ces nouveaux véhicules seraient des véhicules électriques quasi standards utilisés pour les petits trajets quotidiens et rechargeant leurs batteries sur le secteur en heures creuses. Avec leurs remorques ils deviendraient véhicules hybrides pour les longs trajets. Rendre les transports urbains et périurbains gratuits est une option intéressante qui aurait de très nombreuses retombées positives. Les automobilistes délivrés des embouteillages paieraient avec bonheur un surcroît d’impôts et économiseraient assez de carburant pour faire rouler tous les autobus. Les logements devront être isolés de manière à se contenter, pendant une bonne partie de l’année, des apports solaires et de ceux dus à l’occupation et, pendant les jours les plus froids, d’un chauffage d’appoint de faible puissance. La chaleur d’appoint pourra provenir alors de la biomasse, ou du déstockage d’une chaleur emmagasinée dans le sol pendant l’été. Les efforts de désescalade énergétique faits actuellement dans ce sens sont très insuffisants, mais l’appétit vient en mangeant, et les premiers succès encouragent ! Il ne semble pas qu’il soit nécessaire pour les activités agricoles de revenir à l’utilisation d’animaux de trait car la combinaison moteur thermique – biocarburant paraît plus efficace. Par contre les transports aériens et maritimes et la pêche en haute mer connaîtront des jours difficiles. Les populations devront s’accoutumer à une diète essentiellement végétarienne, les cultures à vocation énergétique prenant la place de l’élevage. Les centrales nucléaires, tant qu’il y aura de l’uranium disponible, devront fournir l’essentiel de la production de l’énergie électrique nécessaire, en l’absence de nouveaux moyens plus performants de stockage et de transport de cette énergie car la production des énergies « nouvelles » est par trop soumise aux variations journalières et saisonnières et aux aléas climatiques. Il faudrait connaître dans ces conditions quelle est la taille maximum de la population mondiale compatible avec la satisfaction de ses besoins essentiels en nourriture, chauffage, soins médicaux et information. Il semble que ce soit un domaine où il est inconvenant d’aller au fond des choses, comme, de manière inattendue, en matière de religion. Dans les deux cas, il pourrait s’agir d’une certaine répugnance à regarder la réalité en face. Qu’attendons-nous pour abandonner des pratiques nocives dont on sait que, de toutes les façons, elles ne pourront s’éterniser ? Au lieu de cela les principales puissances économiques s’apprêtent à exploiter jusqu’au dernier atome de carbone les puits de pétrole et de gaz, les sables bitumineux et les mines de charbon et de lignite. Il conviendrait pour freiner ce mouvement de taxer d’urgence la tonne de carbone extraite à la sortie du puits ou de la mine. Les Eglises se gardent bien d’attirer sur ces problèmes aigus l’attention de leurs fidèles. Attendent-elles avec gourmandise une apocalypse qui justifiera à posteriori leurs prises de position hostiles à la science ?
Songez qu’aujourd’hui et pour la première fois depuis bien longtemps le progrès matériel se heurte ainsi à une barrière dont nul ne voit clairement comment elle pourra être franchie sans trop de dommages : l’épuisement des ressources énergétiques. La majorité des citoyens, absorbée par des problèmes qui lui paraissent plus pressants, semble rester indifférente. Un vote s’effectuant le plus souvent au ras du comptoir en zinc, il est à craindre que les changements radicaux nécessaires ne s’opèrent que sous la pression d’une catastrophe. Qui veut prendre un pari sur l’année de la Grande Panique, celle où l’énergie sera devenue brusquement si chère que l’activité économique en sera paralysée ? Pour la première fois depuis de nombreuses générations il n’est nullement évident que les fils et les filles vivront mieux que leurs pères et mères. On pourrait espérer au moins que les sommes prodigieuses engrangées du fait du renchérissement du pétrole soient utilisées pour le bien commun. Or une grande partie est utilisée à des dépenses somptuaires, ridicules, voire dangereuses. Les sommes qui pourraient être dégagées font défaut à la recherche scientifique, au soulagement des plus démunis et au règlement des crises. Les heureux bénéficiaires de cette manne ne manquent pas d’en reverser une partie à Allah, à Jéhovah et à leurs propagandistes, assurant ainsi la prospérité de tous les intégrismes. Il paraîtrait raisonnable de considérer que les retombées économiques des activités d’extraction constituent un dédommagement déjà appréciable pour ceux qui vivent au dessus de ces richesses, quitte à prélever un impôt sur les pays tempérés au titre de l’eau qui leur tombe du ciel !

Crise génétique et sanitaire

Songez que les exploits de la médecine provoquent le vieillissement des populations avec de lourdes conséquences sur la consommation de soins ainsi que leur dérive génétique par contournement du système épurateur que constituait la sélection naturelle. L’eugénisme a mauvaise réputation pour des raisons historiques connues, mais quels sont les parents qui ne souhaiteraient léguer à leurs enfants le meilleur de leur patrimoine génétique au lieu de laisser au seul hasard le soin d’en décider ? On ne peut que s’interroger sur les conséquences à long terme des changements radicaux intervenus dans les processus de sélection naturelle affectant l’espèce humaine. Songez à la natalité insuffisante ici, surabondante là. La population des pays développés se stabilisera-t-elle un jour, recommencera-t-elle même à croître du fait de la surreprésentation à chaque génération des descendants des individus les plus prolifiques et de la sous-représentation des descendants des gays et des lesbiennes, si toutefois ces différentes caractéristiques intéressant le renouvellement des générations sont héréditaires ? Faut-il craindre au contraire une surreprésentation des étourdis et des négligents ?
Songez que les micro-organismes s’habituent aux médicaments forçant à en inventer sans cesse de nouveaux. Songez au sort des populations animales, oubliées depuis toujours par la plupart des religions et qui, si proches de nous du fait qu’elles sont dotées d’une conscience, devraient pourtant bénéficier de notre sollicitude. Il est vrai que les religions ne se sont pas toujours préoccupées non plus du sort des populations humaines réduites en esclavage ou martyrisées. Les générations futures porteront vraisemblablement sur nous autres, mangeurs d’animaux, le même regard que celui que nous portons sur les anthropophages !

Crise économique et sociale

Songez que certains meurent de faim pendant que d’autres luttent contre l’obésité, que certains sont accablés de travail pendant que d’autres sont privés d’emploi, que des SDF meurent de froid sous les fenêtres d’appartements douillets et inoccupés. Bien entendu les individus sont inégalement doués, mais les inégalités génétiques d’aptitude à la production de richesses ne doivent pas être très supérieures aux inégalités physiques que l’on peut observer par ailleurs. La société, bien loin de gommer ces inégalités s’applique à les amplifier. Dans une société idéale, les plus doués aident les moins doués, ils ne cherchent pas à les exploiter. Le christianisme est clairement en faveur de l’aide, beaucoup de ceux qui se disent chrétiens ont tendance à l’oublier. Un monde sans émulation est triste et gris. Un monde conçu comme un jeu de Monopoly ou tout avantage acquis par le passé donne un avantage décisif dans la compétition à venir incitera toujours les joueurs malchanceux lors de leurs débuts à renverser la table de jeu. Quel est l’intérêt d’une compétition dans laquelle des points gratuits ou des points de pénalités sont attribués aux joueurs en fonction du classement bon ou mauvais obtenu par leurs parents ? On imaginerait plus facilement de rééquilibrer les chances comme dans les courses à handicap. Il y a déjà suffisamment de différences entre les talents des uns et des autres. Il ne faut pas que la société en rajoute. Pour faire fortune dans un monde concurrentiel, il existe deux moyens : le premier, honnête, mais difficile et aléatoire consiste à innover, le second, un peu plus aisé et un peu plus sûr mais un peu moins honnête, consiste à rechercher les ententes pour se répartir les marchés ou instaurer un monopole. Pour les héritiers désargentés l’esbroufe, l’intimidation et l’escroquerie restent encore les plus sûrs moyens de s’enrichir rapidement, ce qui ne veut pas dire que les arts correspondants soient faciles à pratiquer.
Toutes les barrières s’opposant à la libre circulation des biens sont levées en urgence. Or tout enfant qui se livre sur la plage avec son seau et sa pelle à des travaux d’hydraulique appliquée sait bien que l’on ne peut sans désordres supprimer un barrage tant que les niveaux d’eau ne sont pas sensiblement égaux de part et d’autre. Et les habiles profitent de ce qui reste de dénivellation pour faire leurs affaires.
Les travailleurs manuels et intellectuels sont concurrencés à la fois par les progrès de l’automatisation et de l’informatisation et par le dumping social et environnemental des pays d’Asie. Ils sont donc de plus en plus frappés par un chômage dont le chiffre réel va très au-delà de ce qui est avoué par les statistiques officielles. Il paraît à peu près évident que le chômage disparaîtrait en cas de guerre, mais à qui déclarer la guerre ? Au chômage pardi ! A quoi utiliser les chômeurs ? A la réhabilitation de l’habitat, des infrastructures, des sols et des paysages, à l’accueil des étrangers, bref à tout ce qui peut donner d’un pays une image sympathique. Les chômeurs pourraient aussi être mis partiellement à disposition de ceux qui travaillent pour les aider dans l’entretien et l’embellissement extérieur de leurs demeures, ce qui profite à tous. La paupérisation croissante, non seulement des chômeurs, mais d’un grand nombre de travailleurs de base ne résulte pas de circonstances physiques objectives, du moins dans l’immédiat. C’est purement et simplement une question d’organisation et de comportement des uns et des autres. Voyez les embouteillages qui se produisent à un carrefour où s’engagent sans pouvoir le traverser les automobilistes égoïstes et pressés. C’est une assez bonne illustration du libéralisme réel institué par Reagan et Thatcher et qui s’est depuis répandu sur toute la planète. La régulation par le marché est par nature instable, et les plus faibles sont les premières victimes de ses instabilités. Des sociétés se sont spécialisées dans le rachat des entreprises en difficulté. Elles les vident de leur substance et les liquident très peu de temps après leur rachat, ce qui épargne à leurs anciens propriétaires la peine de faire ce sal boulot d’équarrissage. Des délocalisations et des licenciements à la hache sont pratiqués au seul profit à court terme des actionnaires qui laissent à la collectivité nationale ou régionale le soin de réparer les dégâts, alors que le coût salarial lié à la production des biens de consommation est souvent assez faible par rapport au prix payé par le client final. Seule la puissance publique peut introduire dans la régulation par le marché les termes d’amortissement indispensables. Depuis un certain temps déjà les gains de productivité ne profitent plus qu’aux détenteurs de capitaux dans la plupart des pays développés. C’est, oubliant deux mille ans de christianisme, un retour à la loi du plus fort. On ne voit pourtant pas bien l’intérêt qu’il y a de donner ainsi raison à Marx à titre posthume. On ne voit pas bien l’intérêt qu’il y a à faire connaître à toute une génération les affres de l’insécurité, de la précarité et du manque de logements, la dissuadant ainsi d’assurer le renouvellement normal des générations. Ceux qui pourraient apporter les remèdes ne sont pas bien évidemment ceux qui souffrent de tous ces maux. L’industrie, la grande oubliée en France des trente dernières années devrait être défendue pied à pied. Faute d’industrie, le sous-développement ne tardera pas à s’installer. Pourquoi l’agriculture a-t-elle été par comparaison privilégiée ? Parce que les paysans votent « bien » ! Pourquoi est-ce en train de changer ? Parce que le poids démographique et donc électoral des paysans s’est effondré ! Périodiquement éclatent des scandales financiers et l’on apprend que telle ou telle entreprise a perdu des sommes colossales dans des opérations financières hasardeuses. Cependant ces opérations financières sont des jeux à somme nulle. Ce qui a été perdu par les uns a été forcément gagné par d’autres. Ces autres ne sont jamais clairement désignés. Si nécessaire leurs noms disparaissent dans des incendies, comme les archives des premiers chrétiens…
Tous les industriels ou presque vous diront que leur problème n’est pas de produire, mais de vendre. Ils disposent très généralement en effet en surabondance des outillages, des matières premières et de la main d’œuvre nécessaires pour produire davantage. Ce qui les freine, c’est le manque de clients. Ceci provient de ce que la richesse n’est pas suffisamment répartie et qu’elle l’est de façon trop inégalitaire. La richesse se concentre actuellement chez un petit nombre de gens fortunés qui, ne manquant de rien, n’utilisent leur argent que pour investir dans des biens par nature limités dont la rareté garantit la valeur durable, c’est à dire essentiellement le foncier et l’immobilier. Il en résulte un renchérissement artificiel de ces biens qui a pour conséquence de priver d’un logement décent ou d’un outil de travail un grand nombre de citoyens. Il ne devrait pas être possible de s’approprier l’espace qui est un bien commun comme l’air que l’on respire, mais seulement de le louer à la puissance publique. Les procédés de fabrication ont fait de tels progrès qu’il faut maintenant axer les efforts non sur la production mais sur sa répartition. Sans compter, et les précédents conflits armés sont là pour nous le rappeler, qu’il existe d’énormes réserves de main d’œuvre, de productivité et de créativité qui dorment, mais peuvent être mobilisées quand le besoin s’en fait sentir. Il y aurait suffisamment de richesses pour tous si toutes les occasions de gâchis étaient éliminées. C’est à quoi toutes les institutions devraient consacrer l’essentiel de leurs efforts. La dilapidation par certains des ressources de la planète ne peut être tolérée plus longtemps dés lors qu’il est devenu évident pour tous que ces ressources sont limitées. Un certain égalitarisme semble aujourd’hui nécessaire pour diminuer l’agressivité des individus, agressivité naguère indispensable à la survie (selon certains notre arrière grand-oncle Neandertal, un pacifiste convaincu, se serait retiré sans combattre devant notre arrière grand-père pas forcément plus doué mais beaucoup plus belliqueux). Cette agressivité est devenue nuisible et dangereuse dans notre monde fermé, opulent, hyper puissant et hyper connecté.
Une autre raison cachée du freinage de l’activité économique provient de la crainte, consciente ou non, d’endommager encore plus gravement l’environnement si la production était débridée. D’où la nécessité, pour régler les problèmes économiques de régler auparavant les problèmes d’environnement. Ces problèmes d’environnement réglés, les entrepreneurs pourraient faire preuve de moins de frilosité et de plus de solidarité confraternelle, car les salariés des uns sont les clients de tous les autres. La part des rémunérations liées à la prospérité de l’entreprise pourrait de ce fait être considérablement augmentée, de façon analogue à ce qui se pratique à bord des bateaux de pêche. Il ne serait pas plus absurde de distribuer uniformément les stock-options aux salariés qu’il ne l’est de donner aux citoyens des pays démocratiques le même droit de vote. Il n’est pas dit que cette forme de distribution serait moins favorable aux actionnaires, car la prospérité d’une entreprise dépend tout autant, sinon davantage, des multiples microdécisions prises par son personnel que des orientations générales choisies par ses dirigeants. Ces modes de répartition sont une garantie que tout le monde tire dans le même sens et que ceux qui ne le font pas sont rappelés à l’ordre par leurs petits camarades. Dans ces conditions le patriotisme d’entreprise pourrait renaître et, en cas de difficultés, les salariés accepteraient de se serrer la ceinture plutôt que de voir certains de leurs collègues jetés à la rue. Une société pourrait disparaître, non parce qu’elle aurait fait faillite, mais parce qu’elle n’aurait plus trouvé de travailleurs désireux de partager son sort. La toute puissance d’héritiers, plus ou moins compétents et pas forcément très concernés, sur le sort d’une entreprise, comparée à l’absence de tout droit de salariés qui y ont consacré le meilleur de leurs capacités pendant toute une vie de travail paraît comme une survivance de l’Ancien Régime.
Songez aux activités qui gonflent la richesse apparente des nations mais sont sans profit réel pour les individus. En voici quelques exemples :
- produire des articles de luxe qui coûtent dix ou cent fois leur valeur d’usage (à moins qu’ils ne constituent un banc d’essai pour des productions moins élitistes)
- consacrer des sommes importantes à la publicité, payée in fine par le consommateur, alors que les informations se voulant objectives restent payantes.
- prodiguer des soins médicaux et autres dans le seul but de corriger les maux suscités par les désordres de l’activité économique elle-même
- assurer la sécurité de biens ou de personnes qu’il vaudrait mieux éviter de mettre en péril.
- construire des résidences qui restent vides, des bateaux qui restent à quai, des voitures surpuissantes et des véhicules tout-terrain pour des chaussées quasi parfaites et où la vitesse est limitée
- transporter inutilement des personnes ou des marchandises (le coût du transport de quelqu’un qui se rend à son travail est comptabilisé dans sa richesse supposée alors que ce transport réduit sa richesse réelle en réduisant son temps libre). Pourquoi faut-il que les retraités, et ils ne sont pas les seuls, se ruent sur les voyages lointains, grands consommateurs de kérosène, alors que les plus beaux voyages se font dans la tête et dans le cœur, ou à la voile ? Manda et Casque d’Or allant faire une promenade en barque sur la Marne étaient-ils moins heureux que les amoureux qui font aujourd’hui le tour du monde ? « En ce temps de vacances, le monde est plein de gens qui courent d’un spectacle à l’autre, évidemment avec le désir de voir beaucoup de choses en peu de temps. Si c’est pour en parler, rien de mieux ; car il vaut mieux avoir plusieurs noms de lieux à citer ; cela remplit le temps. Mais si c’est pour eux, et pour réellement voir, je ne les comprends pas bien. Quand on voit les choses en courant, elles se ressemblent beaucoup. Un torrent, c’est toujours un torrent. Si je vais de torrent en torrent, je trouve toujours le même torrent. Mais si je vais de rocher en rocher, le même torrent devient autre à chaque pas. » Alain, Propos. Pourtant mon grand-père maternel arrivé de son Berry natal tiré par des chevaux et qui avait vu les premiers pas de l’homme sur la lune, qui avait connu deux guerres mondiales et qui en voyait une troisième se profiler à l’horizon jugeait que les voyages de ses petits-enfants dans les pays d’Europe et du monde apportaient à la paix leur petite pierre. Je crois qu’il avait raison. Ce qui doit frapper lors des voyages, ce ne sont pas les différences pittoresques mais, au-delà des apparences, les ressemblances profondes.
Pourquoi ne pas remplacer les innombrables conférences, séminaires, et autres symposiums par des téléconférences et des échanges de documents plus efficaces et moins dispendieux ? Pourquoi ne pas considérer pour toutes les professions tertiaires qui s’y prêtent que le télétravail est la règle et les rendez-vous au siège ou chez les clients l’exception ? Les contacts d’homme à homme peuvent mettre de l’huile dans les rouages, bien entendu, mais ils ne sont véritablement indispensables que pour conclure des ententes illégales ou des pactes de corruption.
Songez que la guerre a disparu, du moins pour l’instant, dans les pays développés et nul ne s’en plaindra, et que les révolutions sont passées de mode. Ce sont toutefois ces bouleversements qui brassaient les biens et les personnes et leur disparition laisse à la société le temps de se décanter. Comme dans toute décantation il se produit une stratification. Ajoutez à cela les inégalités croissantes engendrées par la technologie qui privilégie l’excellence mécaniquement reproductible et un libéralisme conçu comme celui du renard dans un poulailler. Toutes ces causes réunies pourraient conduire un jour à un véritable système de castes, de fait sinon de droit. Un système où les plus riches vivraient entre eux dans des zones sécurisées coupées du reste du monde et se déplaceraient entre ces zones dans des 44 blindés surpuissants, et où les plus pauvres seraient tenus à l’écart dans des ghettos gouvernés par la violence et le fanatisme religieux (le rêve est le dernier refuge contre une réalité insupportable). Ces ghettos, dont nous avons déjà un avant-goût, sont pourtant les plus grands réservoirs d’une énergie qui ne demande qu’à s’exprimer. C’est certainement là que se situe l’avenir.

Crise de l’intelligence

Songez à la publicité télévisée, aux jeux débiles et aux feuilletons à bon marché, souvent violents, qui ruinent la cervelle de nos chers bambins. « Panem et circences » est devenu RMI + TF1 . Songez que la plupart des moyens d’information ont perdu leur nécessaire indépendance, ne devant leur survie qu’à des groupes financiers dont les motivations ne sont certainement pas tout à fait innocentes. Un esprit un peu informé décèle aisément dans certains commentaires l’écho des luttes commerciales dans lesquelles ces groupes sont engagés. Les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs n’ont cependant rien à faire de ces querelles. Suite à ces changements de propriétaires la Presse est progressivement mise au pas, le ton des médias s’adoucit, leurs aspérités s’estompent. Dormez, braves gens, l’Argent veille ! Les soucis mercantiles et la publicité polluent tous les outils de traitement et diffusion de l’information menaçant leur utilisation même. Cette mainmise de la sphère financière sur les médias est un phénomène des plus inquiétants pour la démocratie. Un autre phénomène inquiétant est la mainmise de la sphère politique sur l’histoire ce qui crée un précédent dont des régimes autoritaires ne manqueront pas de se prévaloir. Laissons donc les hurluberlus négationnistes sortir du bois et s’exprimer afin qu’ils se ridiculisent aux yeux de tous et incitent les historiens à encore plus de rigueur et d’exhaustivité dans le rassemblement des preuves. « Je défendrai mes opinions jusqu’à ma mort, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez défendre les vôtres » (Voltaire). Certains organes de presse cherchent à occulter l’inaction face à l’antisémitisme et les sympathies de Pie XII à l’égard de l’Allemagne durant la dernière guerre mondiale et veulent accréditer l’idée que les Eglises ont toujours été fermement opposées à tous les fascismes en général et au nazisme en particulier, alors que la pratique constante de ces Eglises a toujours été d’assurer de leur soutien le plus fort, quel qu’il soit, pourvu qu’il ne leur soit pas hostile et qu’il ne pratique pas un athéisme militant. Une presse vraiment constructive comporterait une partie purement informative et la reproduction de débats par mails entre personnalités d’opinions diverses. Les débats électoraux devraient utiliser le même procédé. Ceux auxquels on assiste aujourd’hui à la radio ou à la télévision ne sont que le choc de deux intuitions s’exprimant difficilement sans colère. Ils n’ont pas pour objet la recherche de la vérité, mais la mise en valeur des qualités vocales, de vivacité d’esprit ou de culot des uns et des autres, le bon peuple attendant de connaître le meilleur « communicateur » pour se ranger sous sa bannière. C’est comme attendre d’un duel qu’il désigne celui qui a raison dans la contestation qui est à son origine. Des débats plus utiles seraient organisés comme des tournois d’échecs. Chaque compétiteur pourrait se faire aider et aurait droit au même temps de réflexion pour formuler les différentes étapes de son argumentation : état des lieux, critique de l’état des lieux produit par l’adversaire, thèse, critique de la thèse de l’adversaire, etc.…quitte à réduire arbitrairement le champ de la discussion aux sujets les plus essentiels. C’est la seule façon de révéler les véritables enjeux et même de susciter des rapprochements inattendus, car celui qui sera désigné pour gouverner devra gouverner pour tous. S’envoyer des épithètes malsonnantes à la figure ne fait pas avancer les problèmes. La vie politique et sociale est devenue trop compliquée pour s’accommoder des discours à l’emporte-pièce. Les débats seront longs et deviendront vite techniques, mais qu’y faire ? Nous vivons dans un monde technique et complexe, et il ne faut pas sous-estimer les capacités de jugement de nos contemporains. Quand on va au fond des choses, souvent elles se simplifient, ce qui peut fâcher ceux qui vivent d’ambiguïtés et d’obscurités. La seule difficulté sera la nécessaire transparence, le recours au non-dit devenant plus difficile, mais c’est dans cette nécessité de dire les choses comme elles sont et de se focaliser sur l’essentiel que réside le principal intérêt du procédé.
Dans le domaine industriel, on constate que la qualité des produits s’améliore constamment quand ils sont fabriqués de façon automatique. Un bon exemple est la qualité des automobiles qui ne tombent pour ainsi dire plus jamais en panne quand elles sont convenablement conduites et entretenues. Par contre les erreurs tendent à se multiplier dans les activités où l’homme intervient directement, malgré l’apport de l’informatique, d’où les usines qui explosent, les navires qui sombrent avec leur chargement, les bâtiments qui s’écroulent…La NASA elle-même envoie dans l’espace un télescope myope et rate un corps céleste par suite d’une grossière erreur d’unités …Rien ne remplace l’expérience professionnelle du responsable qui, éveillé ou endormi, confronte en permanence tous les éléments d’un dossier dans son esprit, pour tout dire l’œil du maître.
Tous les documents importants du point de vue de l’esprit devraient être écrits ou réécrits sous forme d’hypertextes accompagnés de glossaires permettant à chacun, même non-spécialiste, de s’y retrouver, et ils devraient être disponibles sur Internet. Il serait plaisant de procéder au même travail sur les textes sacrés et sur bien des écrits philosophiques… Les philosophes qui écrivent de façon obscure devraient être montrés du doigt. C’est vraiment la moindre des choses que de tenter d’expliquer clairement ce qu’on croit avoir compris. Diderot n’a jamais dérogé à cette obligation. Si un jargon soi-disant spécialisé est utilisé par la plupart des philosophes d’aujourd’hui c’est parce qu’aux yeux de beaucoup un docteur Diafoirus passera toujours pour plus savant qu’Einstein lui-même ! D’un philosophe à l’autre les mêmes mots prennent des sens différents. Dés lors pourquoi des philosophes ? Dieu, l’Infini, l’Absolu, l’Amour, l’Etre, le Libre-Arbitre sont les trous noirs de la pensée occidentale : rien n’en est jamais sorti. D’une façon générale, il semble que le développement de la philosophie devrait être repris là où les philosophes des lumières se sont arrêtés, même si des travaux ultérieurs à caractère scientifique (de Freud, Marx et Darwin notamment) méritent d’être incorporés dans ce corpus fondamental. Nous avons besoin de penseurs toniques et non de penseurs nostalgiques, désespérés, déconnectés des progrès scientifiques, ou retombés dans les ornières de la croyance et de la foi ou perdus dans la contemplation de l’Etre. Qui veut dresser la liste des problèmes métaphysiques non résolus à ce jour et les formuler en termes compréhensibles par tous, c'est-à-dire rattachés à des réalités constatables ? La philosophie doit préparer la résolution de ces problèmes, non les détourner ou les obscurcir. En matière de philosophie, San-Antonio est à mon goût plus pertinent que St Augustin. Je trouve dans San-Antonio des petites pilules de sagesse qui me ravissent à chaque fois. St Augustin me tombe des mains. Il devient en effet de plus en plus difficile, l’âge venant, de s’intéresser à des fictions dénuées d’humour, tant la réalité paraît plus riche et plus variée.
Songez à la dégénérescence des arts, à l’unification et à l’appauvrissement des cultures, à l’américanisation envahissante qui transmet à la jeunesse des traditions qui ne sont pas les nôtres. Nos ancêtres les Gaulois seront bientôt remplacés dans l’esprit des collégiens gavés de télévision par nos ancêtres les cow-boys. La culture populaire et paysanne, qui était aussi savoureuse que la cuisine du terroir, a presque complètement disparu. Les jeunes générations adoptent sans discernement les modes alimentaires, vestimentaires et comportementales venues des Etats-Unis et transmises par des feuilletons télévisés achetés en solde. Ils adoptent tout naturellement ce qu’il y a de plus facile et de moins cher dans la civilisation américaine. Ils ne se rendent pas compte qu’ils hypothèquent ainsi leur avenir parce que si un produit typiquement français a quelque chance de s’exporter, la pâle copie d’un produit américain n’en a pratiquement aucune. Leur attachement aux marques de vêtements remplit d’étonnement les gens de ma génération. Ayant à choisir entre deux produits je retiens, toutes choses égales d’ailleurs, celui qui ne fait pas de publicité, remerciant ainsi son fabricant de ne pas m’avoir fait perdre du temps de cerveau ni d’avoir participé à la déstructuration de mon esprit en le faisant continuellement sauter du coq à l’âne… La « grande musique » contemporaine est inécoutable. La peinture a été tuée par la photographie. La peinture abstraite ne parle ni à l’intelligence ni au cœur car elle ne se rattache aucunement à ce que l’individu a pu enregistrer comme images sympathiques au cours de son existence. Sa forme extrême et caricaturale consiste en un rectangle rempli uniformément d’une seule et unique couleur. La poésie s’était un moment réfugiée dans la chanson avec des succès éclatants pour cette floraison tardive, mais les derniers chanteurs poètes ont les tempes grisonnantes et pas de successeurs. « Je reviendrai à Montréal dans un grand Boeing bleu de mer » ainsi que le chante Robert Charlebois est une des rares exceptions à l’incompatibilité qui semble exister entre poésie et technologie, même s’il existe quelques exemples de poésie automobile ou ferroviaire. Nul poème épique n’a été écrit sur la conquête de la lune. Notre monde technologique est désenchanté dans tous les sens du terme. A cause des moyens modernes de reproduction des ouvrages de l’esprit les musiciens, les cinéastes et bientôt les écrivains, ne pourront plus vivre de leur art. Les peintres et les sculpteurs s’en tireront un peu mieux, parce que leurs productions, difficiles à reproduire à l’identique, peuvent faire l’objet de spéculations. Rien en effet n’est plus difficile à vendre qu’une idée. Si vous la gardez pour vous, elle ne vaut évidemment rien. Si vous la rendez publique, elle cesse de vous appartenir. La seule solution dans ce cas, c’est le mécénat auquel on doit les plus grandes œuvres du passé. Des entreprises ou des fondations, voire l’Université ou l’Administration pourraient prendre en charge des artistes qu’elles sélectionneraient parmi les amateurs les plus prometteurs, auxquels une activité étudiante ou professionnelle normale ménage déjà assez de temps libre pour se former. On ne voit pas que la sécurité ainsi acquise pourrait nuire à la production d’un artiste authentique. Ce serait en tout cas pour les entreprises une façon plus honorable de se faire connaître, qui pourrait être, comme l’action humanitaire, aidée par une fiscalité adaptée qui ne favorise pas la spéculation.

Crise institutionnelle et financière

Songez à l’accroissement vertigineux des lois, des règlements et des savoirs sans qu’il soit fait d’efforts suffisants de compression, de structuration, de formation. Quelques textes fondamentaux périodiquement révisés devraient remplacer l’empilage des textes actuels où les spécialistes eux-mêmes ont du mal à se retrouver. Peut-on imaginer que le constructeur d’un appareillage compliqué fournisse le manuel d’utilisation et d’entretien qui permet de l’exploiter sous forme de feuilles volantes, au fur et à mesure des modifications apportées à son matériel ?
Songez à la judiciarisation galopante qui gagne tous les rouages de la société, cette judiciarisation que provoque la recherche de la réussite à tout prix, au mépris du droit. Il est normal que le Droit se complique car les progrès des sciences et des techniques suscitent sans cesse de nouveaux problèmes. Cependant, les conflits qui en résultent ne peuvent pas continuer d’être traités avec les moyens et les méthodes du droit romain. Le premier Etat qui consentira à un effort de modernisation, qui procédera à une synthèse concise et organisée de tous les textes, servira de modèle à tous les autres. Les modifications ultérieures devront être signalées typographiquement pendant un certain temps, invitant à les examiner d’un œil critique. Une disposition qui résiste aux alternances politiques a des chances d’être une bonne disposition.
Songez à l’appauvrissement des états qui vendent leurs plus beaux actifs et s’endettent de façon déraisonnable. Les privatisations auxquelles s’est livrée la puissance publique ont eu pour conséquence immédiate la cartellisation des banques, des télécommunications, des sociétés de service aux collectivités locales en attendant le gaz et l’électricité, ce qui ne saurait tarder, avec le renchérissement des prestations correspondantes pour le particulier sans défense. Les meilleures de ces entreprises nationales seront achetées par des intérêts étrangers, à moins que l’action conjointe des écologistes et des libéraux ne les aient fait bien avant basculer cul par-dessus tête. La sidérurgie remise sur pied à grand frais grâce à l’argent des contribuables français est rachetée par des intérêts étrangers d’origine incertaine. Les compétences scientifiques et techniques dans ce domaine, fruit de plusieurs siècles d’activité métallurgique, ne tarderont pas à être perdues pour la communauté nationale. Ce qui faisait la force et l’originalité de l’économie française a été sacrifié sans contrepartie sur l’autel de l’Europe… Or l’Europe est loin d’avoir concrétisé sur le plan économique tous les espoirs qui étaient mis en elle. Du jour où la Grande-Bretagne, cheval de Troie du libéralisme anglo-saxon est entrée dans la Communauté, une certaine Europe était sinon morte, du moins moribonde. Dire que la privatisation des entreprises publiques est nécessaire à leur développement est une aimable plaisanterie. On veut en réalité dire par là qu’une entreprise publique peut difficilement conclure des ententes occultes visant à limiter la concurrence. Le fardeau imposé à une entreprise par un actionnaire qui exige que son investissement lui rapporte 15% chaque année est évidemment très supérieur à celui imposé par un banquier qui se contente d’un intérêt de 5% l’an. Dire qu’on peut durablement imposer ses prix de vente à une entreprise privée est une autre aimable plaisanterie. Tout monopole public démantelé donnera naissance à terme à des ententes ou à un monopole privé, au détriment du consommateur qui se trouvera payer plus cher un service souvent dégradé. Les sociétés nouvellement privatisées se sont d’ailleurs lancées dans le mercantilisme, si ce n’est l’escroquerie, avec le zèle des néophytes. La logique de la concurrence et de l’intérêt des actionnaires poussée à ses limites aboutit à la disparition de tous les concurrents à l’exception d’un seul dans un monde où les barrières et les distances ont été abolies. Dans le meilleur des cas, il peut en subsister deux ou trois qui s’entendent de façon occulte. Cette pseudo concurrence, qui ne profite qu’au marché de la publicité, sert avant tout à donner le change. Pour éviter cela une solution pourrait consister à conserver dans chaque domaine d’activité une entreprise nationale garante de la régularité des pratiques et de la vérité des prix. Il n’est ni possible, ni souhaitable d’empêcher les professionnels d’un même secteur de se parler.
Qu’ont-ils donc dans l’esprit certains de ceux qui sont à la tête de grands pays développés et qui les privent de ressources en favorisant leur clientèle par des largesses fiscales, laissant filer ainsi la dette publique au delà du raisonnable ?
- Après nous le déluge.
- Nous nous sentons obligés de tenir les engagements que nous avons pris.
- Les évènements ont échappé à notre contrôle, nous en sommes sincèrement désolés,
- Nous laissons aux générations futures le soin d’apurer la dette
- Les sommes empruntées ne seront jamais remboursées, ou le seront en monnaie de singe
- C’est la façon pour les puissances financières dont nous ménageons les intérêts de contrôler étroitement le pouvoir politique, de faire en sorte que tout pouvoir concurrent du nôtre ne pourra se maintenir durablement car il se brisera inéluctablement contre le mur de l’argent.
- Le problème sera réglé par un coup d’état. L’une des premières décisions des nouvelles autorités sera d’interdire le peu qui reste de presse libre. Ainsi vous n’aurez plus à vous inquiéter puisque vous ne saurez plus rien.
Belle opération financière en tout cas que de faire cadeau d’un million de dollars ou d’euros à un homme riche pour aussitôt les lui emprunter ! Le véritable critère de la richesse consiste à ne plus payer d’impôts dans le pays qui a fait les frais de votre éducation et qui vous a mis le pied à l’étrier. La liste de ceux qui s’exonèrent ainsi de leurs obligations contributives ne devrait-elle pas être rendue publique ? Une politique visant à renforcer sans contrepartie les privilèges de privilégiés qui en voudront toujours plus ne peut cependant se poursuivre indéfiniment. Il faudrait au contraire que le seuil au-dessus duquel les contribuables sont redevables de l’impôt sur la fortune s’abaisse avec l’age pour inciter ces contribuables à transmettre leur patrimoine de façon contrôlée, pour les habituer à se détacher progressivement des biens de ce monde et pour leur rappeler qu’il est tout à fait vain d’être, comme on dit, le plus riche du cimetière. Si cet impôt n’a pas de vertus fiscales, qu’il ait au moins des vertus pédagogiques !

Montée de la délinquance

Songez à l’insécurité et aux violences croissantes dans les villes, les banlieues et les campagnes. Les médias en général et la télévision en particulier ont une bonne part de responsabilité dans cette banalisation. Mon père changeait de chaîne chaque fois qu’il voyait un révolver apparaître à l’écran ! Autant que d’un refus de la violence, il s’agissait pour lui, je suppose, d’un refus de la facilité. Les seules professions d’avenir sont-elles celles de policier, de gendarme, de CRS, d’agent de sécurité, de vigile, de juge, d’avocat, de geôlier, de poseur ou d’écouteur de micros espion et de bretelles téléphoniques, d’installateur ou d’observateur de caméras de surveillance ? On installe désormais des caméras pour surveiller les radars cinémomètres de peur qu’ils ne soient vandalisés et les policiers au travail de peur des « bavures ». Il faudra bientôt installer suffisamment de caméras pour qu’elles puissent se protéger mutuellement comme les bastions des fortifications à la Vauban ! On devine aisément ce que deviendrait un pays où ces moyens seraient utilisés à des fins personnelles ou partisanes : un état fasciste au service des plus riches. La police et la gendarmerie sont certes de bons auxiliaires des surmoi défaillants, mais une société dans laquelle les activités d’espionnage, de coercition et de répression apparaissent comme le seul recours possible contre les désordres peut-elle se dire sur la bonne voie ? C’est plutôt remplacer par des traitements coûteux une bonne hygiène de vie. Faut-il indéfiniment augmenter le nombre et la taille des prisons, car le nombre de prisonniers est directement proportionnel à la pression sociale qui s’exerce à l’intérieur d’une société ? Y verrons-nous un jour une moitié de la population gardée par l’autre moitié ? La plupart admettront qu’il faut utiliser pour lutter contre la délinquance répression et prévention. Tout est question de dosage. Souhaitons-nous 400.000 détenus dans les prisons françaises (équivalents proportionnellement aux 2.000.000 de détenus des prisons américaines) et une violence omniprésente, ce qui serait le cas si nous suivions la même politique du tout répressif ? Les prisons sont des garages financés par la collectivité dont les pensionnaires, victimes d’une panne de surmoi, devraient au moins sortir réparés. Aujourd’hui on se contente de faire quelques bosses supplémentaires à des voitures déjà déglinguées. Ce qui est fait est fait, malheureusement. Les mesures correctives ne doivent pas être prises en fonction du passé que rien ne pourra changer, mais en fonction de l’avenir. Il doit exister une justice réparatrice comme il existe une chirurgie réparatrice. Il faudrait selon moi dire au prisonnier : « Monsieur, il n’est plus possible de vous laisser aller où bon vous semble car vous faites trop de bêtises. Nous allons nous occuper de vous pour vous remettre d’aplomb afin que vous cessiez d’être un danger pour vous-même et pour les autres ». Les centre

Norbert Croûton
Rédigé par Norbert Croûton le 24/11/2006 à 00:22