L'Histoire
LE PAPE, L'EMPEREUR & LE ROI
ou le
SOMMET DE VILLEFRANCHE
1538
Imaginons.
Nous sommes, disons en 2038. Le Christianisme, pour ne pas dire la Chrétienté, se sentant menacée politiquement et théologiquement par la montée de l'Islam sous la forme de la constitution d'une armée pan islamique, [branche militaire de l'Europe Nord/Sud, incluant l'actuelle Union Européenne, la Turquie, les nouvelles Républiques Islamiques de Russie, l'Afghanistan, le Pakistan, le Maghreb, la Lybie, l'Egypte, etc.], voit les institutions religieuses Chrétiennes mondiales implantées aux Etats-Unis comprenant quant à eux : le Canada et l'intégralité de l'Amérique du Sud,
Cette nouvelle Europe, comme cette nouvelle Amérique, chacune gouvernée par un pouvoir centralisé, souhait conclure un accord diplomatique, si ce n'est de paix, afin de rétablir le commerce et l'ordre mondial.
Cette configuration est, peu ou prou, celle de l'Europe de 1538. Comme aujourd'hui, la considération démontrée à l'endroit de l'Islam tient plus de la crainte révérencielle et d'une diplomatie utilitariste que d'une vraie perception Chrétienne de la nécessité d'entretenir un dialogue fraternel avec l'Islam. François Ier en est la vivante image. Roi de France, fils de Louise de Savoie, ses vues sont mondiales, c'est à dire Européenne. Face au très puissant et craint Empereur, Charles Quint, dont le territoire Romain et Germanique couvre l'Europe de l'Est et l'Espagne ainsi que les possessions du Nouveau Monde, la clé du nouvel ordre renaissant est le Pape. "Qui n'est pas avec moi est contre moi". Cette maxime Christique aussi pleine de menaces que de promesses, conduit le Roi de France Très Chrétien à tenter le "diable".
L'Espagne de l'Empereur Charles Quint, dont il a recouvré les deux tiers face aux troupes organisées de Barberousse, est néanmoins menacée à partir d'Alger, véritable base navale de Kheir ed-Din, dernier frère de Barberousse l'intrépide.
D'une part, l'Espagne en la personne de Charles-Quint, première puissance d'Europe. De sa grand-mère maternelle il tient la Castille, de son grand-père paternel, Ferdinand, il a la mainmise sur l'Aragon, Naples et la Sicile. De sa grand-mère maternelle, Marguerite de Bourgogne, il peut prétendre aux Pays-Bas, Flandres, l'Artois, la Franche-Comté. De son grand-père paternel, Maximilien, il est Empereur d'Autriche et du chef des Habsbourg peut prétendre à la domination du Saint-Empire.
Les conquêtes se suivent et se ressemblent : Buenos-Aires fondée par Mendoza, le Chili conquis par Valdivia, le Mississippi sur lequel navigue de Soto, etc.
Face à lui, la France. Gouvernée par François Ier, contradictoire allié des "Turcs", c'est à dire de Soliman II, dit le Magnifique. Il est l'ennemi juré de Charles-Quint qui , part du feu, ne pouvant lui ôter la Hongrie en 1526, l'arrête à Vienne en 1529.
Le Roi de France a italianisé la France et son projet de moins en moins secret est, outre de franciser l'Italie, d'en venir au rêve d'une monarchie mondiale -européenne dirait-on aujourd'hui. Mais entre lui et ses rêves, des hommes imposants veillent.
A Eze, sans en connaître les détails, l'on sait ce qui se trame. Du Sud, le risque omniprésent d'invasion ottomane. De l'Ouest, les troupes françaises qui, de victoires en déconvenues, constituent l'éternelle menace alors que notre Prince, Charles III dit "le Débonnaire", époux de la belle-sœur de Charles-Quint, est naturellement l'allié de ce dernier. Béatrice de Portugal, Princesse de Savoie, meurt à Nice en 1538. Le Duc de Savoie est donc en deuil lorsqu'il reçoit le Congrès de Nice.
A partir de là, la lutte sera incessante. Les partis se scindent, s'opposent et les familles éclatent.
Le Congrès de Nice de l'année 1538 entre François Ier et Charles-Quint est un échec cuisant et débouche en 1543 au siège de Nice où chacun sait que s'illustra Catherine Ségurane puis à la tentative de prise de la forteresse d'Eze par Khayr-Ed-Din Barberousse.
Bertrand Figuiera n'est pas encore le Syndic d'Eze lorsqu'il prend l'initiative qui conduira à l'exécution de son cousin Cays de Pierlas mais, fils de Guillaume, Capitaine du Régiment de Soria en 1500, il sut conduire la manœuvre qui mit fin au complot du "parti français" et dérouta, dans tous les sens du mot, les troupes du pirate Barberousse.
Au sujet de ce dernier, il est vrai, les textes sont divergents. Vraisemblablement, il s'agit bien là de l'un des frères "Barberousse", corsaires convertis à l'Islam et d'origine grecque ou sicilienne.
La crainte rôdait et était partout. Elle me rappelle cette anecdote contée par le philosophe anglais Hobbes nous disant que sa fascination morbide pour la peur, alias la mort, date de sa naissance provoquée prématurément par la vision qu'eut sa mère de l'Invincible Armada à l'horizon des côtes anglaises.
La mémoire des pierres, si elle pouvait parler, contient autant de douleurs que de joies qui, confondues, donnent à Eze, le soir venu, son inquiétante mais si belle cape de velours noir.
Charles Quint
Face à une telle situation de conflit, la règle médiévale encore en vigueur en cette moitié du 16e siècle, veut que l'on cherchât une solution diplomatique. Le lieu de la rencontre? Nice et Villefranche.

Paul III, successeur des Pontifes qui pouvaient quelques années plus tôt prononcer la Paix de Dieu sans avoir à forcer le ton, a cette fois plus de mal à se constituer en arbitre des difficultés - le mot est faible - qui émaillent les relations des deux puissants monarques. L'Evêque de Rome séjournera à Nice, alors que le Roi de France, dès la fin du mois de mai, a planté ses tentes, sa cour et son armée non loin. Charles Quint, tenant des mers et océans, préfère demeurer à Villefranche.

Le Pape Paul III
Les sherpas du sommet ne sont pas encore de hauts fonctionnaires, mais des légats, princes de l'Eglise, maréchaux et généraux. Le Pape Alexandre Farnèse, élu depuis quelques quatre années, est parti de Rome le 23 mars pour arriver à Nice le 16 mai.
Le successeur de Pierre réside au couvent des Frères Mineurs, sous le service et la protection de deux cents hommes de pied et deux cents chevaux légers, outre sa garde personnelle de lansquenets. Les cardinaux sont, quant à eux, logés dans tout Nice, suivis de peu par leurs homologues français.
Pour faire bonne mesure, comme à son habitude, l'Empereur est arrivé à Villefranche quelques temps auparavant. Si vis pacem para bellum, aussi sa suite doit-elle inspirer le respect. Vingt-huit galères, trois nefs, sept enseignes de gens à pied, soldats aguerris qui permettent à Charles Quint de laisser sa garde espagnole au Palais.
Avant que le Roi de France n'arrive, l'Empereur entama des négociations avec le Pape. François Ier séjournera derrière le château de Nice au lieu-dit la Marina. Ce n'est que le 2 juin que ce dernier présentera ses hommages au Pontife.
Farnèse, ce seul patronyme évoque munificence et rareté. Aussi, Paul III va-t-il faire couvrir de fleurs et de tapisseries l'humilité de sa demeure monacale. Le Roi de France ne peut, lui non plus et encore moins que d'autres, faire "moins". Deux heures avant son arrivée, ses chevaux légers rejoignent ceux de son hôte le Pape. S'y ajoutent les six milles lansquenets du Comte Guillaume, rangés en bataille à l'arrière du bâtiment. Le Roi François fut prisonnier, otage libéré sous l'humiliante condition de la rançon. On ne l'y prendra plus. Mieux encore. Sur les hauteurs de Nice, mille légionnaires Provençaux, les deux cents gentilshommes de la Maison du Roi, les Princes, seigneurs, comtes et barons. Enfin, le Roi et sa garde personnelle. C'est sur leurs mules et coiffés de leur chapeau cardinalice que les prélats vinrent à la rencontre du Roi de France. Les cardinaux Cibo et Césarin font entrer le Roi dans la résidence du Pape. Ce dernier lui évitera le protocolaire abaissement d'avoir à lui embrasser les pieds mais l'accolera chaleureusement. François présente ses enfants au Pontife, lequel fait sortir du groupe ses deux petits neveux de cardinaux. Enfin, les uns et les autres tiennent table ouverte.
Les Niçois furent tous témoins de cette grande activité alors que les autorités, par mesure de sûreté, n'avaient laissé ouvertes que deux portes des murailles de Nice. L'une pour entrer, l'une pour sortir.
Décision du Duc de Savoie, maître des lieux, qui, pour montrer sa confiance, ne résidait pas au château mais au sein de sa ville.
Le huit juin, il est temps pour les protagonistes de faire échange de leurs familles. Aussi, la Reine et ses dames de compagnie vont-elles visiter le Pape. Le onze dudit mois, il s'agit cette fois d'aller voir l'Empereur. Il demeure à Villefranche et ne semble pas vouloir en sortir. Aussi, afin de recevoir cette noble assemblée, fait-il tirer un pont de bois afin d'éviter la traversée de la rade du port à cette suite féminine. L'incident est connu. Sous le poids de cette cohorte lourdement parée, l'Empereur, le Duc de Savoie, le Duc de Mantoue et toute cette noble troupe tombent à la mer.
Cette baignade n'empêcha pas la signature d'une trêve de dix années.
POURTANT...
Bertrand Fighiera d'Eze est le Syndic d'Eze en cette année 1547.
Quatre années plus tôt, épisode connu, François 1er avait occupé avec les "Francs-Turcs" toute la zone côtière du Comté.
Bertrand est cousin de la famille Cays et notamment de Gaspard, lequel prendra parti pour le Roi de France.
Le 25 septembre 1543, les bâtiments Turcs abordent aux côtes de la Mer d'Eze sous l'éclairage du dit Gaspard Cays qui connaît bien Eze.
L'infortuné Cays ne pouvait penser que ses alliés d'un jour le laisseraient au matin et le voilà, à l'aube du 28 septembre, entre les mains des prêtres Don Geoffroi Asso et D' Ilonse, sous l'autorité de Bertrand Figuiera, ès-qualité de Syndic.
Cays est jugé à Nice, cette ville ayant un for de juridiction et est mis à mort, décollé puis coupé en pièces remises en des tonneaux lesquels seront exposés dans les villages avoisinants, dont Eze, Bertrand ayant pris soin d'y faire figurer un avertissement sur la fin qui attend qui s'attaque aux Figuiera.
Dureté du temps mais la survie était à ce prix.
Bertrand Fighiera mourra en 1555, ayant pris soin d'occuper la chambre la plus modeste de sa maison, sans doute pour expier cet acte de "justice".
L'Histoire
Un ouvrage de référence :
Un ouvrage de déférence également, à l'endroit des familles Niçoises si maltraitées par la postérité, le tourisme, l'histoire et, hélas, l'actualité...
Pourtant, les patronymes du Pays Niçois sont autant de voyages divers au sein des marches de notre Comté. Localisés ou plus répandus, ils sonnent comme autant de chansons familières ou plus étranges.
Pour les découvrir, savoir d'où vient le vôtre, consultez cet ouvrage qui, ne se prétendant pas savant, le devient tant sa méthode est rationnelle et exigeante.
A chaque entrée alphabétique, assortie d'un index lisible et clair, la localisation du patronyme et quelques illustrations connues ou moins connues de quelques membres de la famille concernée.
"Les noms de famille en Provence - Alpes Côte d'Azur / Histoires et anecdotes" Ouvrage collectif publié par "Archives et Culture", 26bis rue Paul Barruel, 75015 Paris. Code ISBN : 2-911665-49-X (prix public 30,19 euros)
L'Histoire

De Turin à Eze
&
De la Baleine d'Eze
Sans grandes interruptions, de 1388 à 1860, le phare du Comté de Nice s'est imperturbablement situé à Turin. Les archives administratives importantes, diplomatiques également, s'y trouvaient et, en dépit de la seconde guerre mondiale, une partie s'y trouve encore. Charles-Alexandre Fighiera m'a conté les difficultés auxquelles il avait dû faire face lorsque, après la guerre, dûment mandaté aux fins de recouvrement des documents distraits par les administrateurs de la défaite de l'Axe, il s'était enquis des éléments concernant le Comté.
Relativement à Eze, deux sortes d'archives s'y trouvent.
Celles générales, notamment le document manuscrit dont je vais parler et celles chronologiques, couvrant toutes périodes et tous types d'informations.
Parmi les figures d'Eze, Antoine Fighiera joua un rôle particulier. Il est l'oncle de François Fighiera, Bayle Ducal d'Eze en 1587, marié à Marie Giacobi, de Contes, mort en 1612 sans postérité et le fils du Capitaine Constantin, Capitaine en 1589, marié à Catherine Régis, d'Eze, mort en 1620.
Juriste, plus spécialement criminaliste puisque lecteur d'instituts et de droit criminel à la Faculté de Turin, il fut proche du pouvoir au plus haut niveau en qualité d'auditeur du duc Charles Emmanuel Ier et du prince de Piémont.
Il est né à Eze, en mai 1577, dans la maison familiale de la rue aujourd'hui dite du Brec, celle que nous occupons aujourd'hui. Il gardera toujours un profond attachement au pays, notamment lorsqu'il s'agira de défendre ses intérêts à l'encontre d'Antoine Valperga, le comte léonin!
J'ajouterai qu'il se trouve être l'arrière grand-oncle du capitaine Louis Figuiera. Mais ce ne sont pas ses voyages qui le poussèrent à écrire mais plutôt ses observations. Ainsi, au titre de l'inventaire dit ": PAESI / PAESI IN GENERE E PER PROVINCIE", peut-on trouver ce manuscrit au titre alléchant :
HISTORIE naturali e morali della Città e del Contado di Nizza dal principio del mondo sino all'anno 1638, compilate dal Senatore e Consigliere Avv.to Antonio Fighiera. Mss. autografo. Non contiene che una raccolta di fatti e di note storiche estratte da parecchi autori e da memorie manoscritte e disposte per ordine cronologico.
Dans le style du temps, c'est à dire démesuré, Antoine entame l'Histoire naturelle et morale de la Ville et du Comté de Nice du commencement du monde jusqu'à l'année 1638. Le fait est d'autant plus extraordinaire que le chapeau du dépôt nous indique : mémoire manuscrit et organisé par ordre chronologique.
Deux faits concernant Eze sont particulièrement extraordinaires à ses yeux :
Le premier est cette mention en l'année 1559 au sujet de François Fighiera son oncle, plus particulièrement le 1er octobre : "une baleine d'une grandeur démesurée s'est échouée sur la plage à la Mer d'Eze; la première personne qui a osé monter sur l'animal a été François Fighiera, mon oncle, qui n'avait que 14 ans."
Le second, qui recoupe les observations de George Sand sur les essences peuplant les escarpements d'Eze date, quant à lui, date du 14 décembre 1568 : "il est tombé tant de neige et le froid a été si vif que les caroubiers et les citronniers ont été brûlés."
Il est mort à Nice en 1643 et je dois dire que plusieurs fois j'ai entendu, au sein de la famille, faire référence à son sujet.
Plus généralement sur Eze, les archives de Turin possèdent le seul document que je connaisse relatif à la famille d'Yze que j'ai déjà évoquée ici. Il s'agit du serment de fidélité des frères Francois et Antoine d'Yze, Seigneurs de La Turbie et de Monaco et Co-seigneurs de Menton à Alphonse, Comte de Provence au titre des lieux dont s'agit, ce le 20 juillet 1177.
Pourtant, rien ne me semble aussi captivant que cette idée du jeune enfant, ce petit François, futur Bayle ducal, qui monte sur le dos du cétacé géant.
Quant à la question des archives locales se trouvant en Italie, elle relève des frises du Parthénon. Toute revendication, justifiée après la guerre lorsque notre pays collationnait avec soin les richesses manuscrites ou imprimées, serait aujourd'hui risquée connaissant l'encombrement qui préside à leur conservation et, pire, le peu d'intérêt démontré lorsqu'il s'agit pour l'Etat de faire jouer son droit de préemption à l'endroit de documents d'intérêts régionaux.* Quant aux communes, c'est encore plus grave alors que toutes - ou presque- pressées qu'elles furent de se débarrasser de ce dépôt entre les mains d'autres autorités exogènes, nous privèrent de leur consultation.
* A l'exception des administrateurs de la Bibliothèque Nationale qui sont en train de faire un travail remarquable notamment sur les documents relatifs aux voyages en France.
L'Histoire
Quelques réflexions sur une éclipse...
Aujourd'hui, trois octobre, près de la moitié de l'humanité aura été le témoin d'une éclipse partielle du soleil.
Les phénomènes naturels, terrestres ou astronomiques, ont ceci de bon qu'ils nous ramènent à la réalité de notre condition. Nous dépendons du sol nourricier qui nous porte, du ciel qui nous éclaire et de l'eau qui nous abreuve. Néanmoins, chacun de ces éléments peut à son tour véhiculer la mort. Le premier sous la forme du séisme, le second en devenant imprévisible et, enfin, l'eau qui chaque jour nous montre combien elle est indispensable mais aussi vecteur de mort.
On ne parlemente pas avec la Nature, on ne signe pas de traité avec elle. C'est elle qui décide et à des jours et heures non négociables. La paix des éléments ne se décrète pas mais elle se prépare. Nice et sa région, qui sont pourtant au front des catastrophes naturelles : tremblements de terre, inondations ("Lou Païoun Ven"), incendies, etc. ne semblent pas avoir tout à fait mesuré les conséquences d'options à court terme invalides et néfastes. Le château de cartes est impressionnant, il est haut et semble ferme. Des décisions sont prises, ne va-t-on pas le consolider? Pourtant, il ne s'agit que d'un château de cartes.
Je suis frappé, choqué et outré d'entendre à longueur de catastrophes annoncées (par nos médias alors qu'elles ont déjà produit leur lot de malheurs) désigner le tourisme comme première victime de l'évènement. Aucune région de notre terre ne devrait être constituée de lieux d'autant plus "intéressants" qu'ils sont rentables. Las Vegas est, certes, née du désert. Ce n'est pas le cas du Comté forgé par des hommes et des femmes qui pratiquaient le Fen Shui du pauvre : la logique.
Eze, notamment, cette éclipse sans doute anodine me permettant de citer quelques exemples, pour nous historiques, de la fragilité d'un système fondé sur le provisoire.
Voici donc quelques rappels motivés d'un passé que chacun prie de pouvoir toujours le conjuguer au même temps.
Séisme

Tremblement de terre du 23 février 1887 - Photo Jean Gilletta - Médiathèque du Patrimoine - Ministère - BnF/Gallica
Parmi les menaces qui depuis toujours pesèrent sur Eze, l'on compte les tremblements de terre et les incendies.
En une centaine d'années, nous eûmes plus qu'il n'y paraît à composer avec ces situations dramatiques.
D'abord le 24 juillet 1881 où toute la région de Nice et du Nord de l'Italie fut secouée par une secousse légère qui lézarda plus d'une façade.
De même, le 23 février 1887 où, cette fois la secousse fut plus importante et la photo ci-dessus illustre bien la surprise qui fut celle des habitants du Comté.
A cette époque, la sécurité civile est bien organisée et le Ministère des Travaux Publics débloque un million de francs pour les victimes.
Eze, comme d'autres communes, fait appel à la charité publique (le mot alors ne fait pas peur) et Camille Flammarion le 14 mars 1887 évoque le tremblement de terre de Nice lors d'une conférence à juste titre alarmiste.
A la suite de la catastrophe, le fisc applique un dégrèvement des patentes et allège le poids fiscal imposé aux victimes.
Le 22 avril 1995, toute la région niçoise ressent une secousse importante, d'une intensité de force 4,7 sur l'échelle de Richter puis le 25 février 2001 un tremblement de terre d'intensité sans doute supérieure fort ressenti à Eze.
Les
incendies, quant à eux, sont encore plus nombreux.
On notera celui du 14 août 1949 où 150 hectares entre Villefranche et Eze sont
la proie des flammes.
Puis, seulement deux années plus tard, le 15 août 1951, un grave incendie provoqué par un jeune campeur de 16 ans.
Les dates se suivent et se ressemblent : 28 juin 1958, 26 juillet 1959 et, bien sûr, les très importants et dramatiques incendies de 1971 et 1986.
Ces événements appellent à la prudence mais également à la vigilance.
La Trombe
de
Nice
Le jeune Luigi Fighiera, futur capitaine Louis Figuiera, puis maire d'Eze, partira dans huit ans pour les Indes Orientales. Il a alors quinze ans et, à l'image de tout Ezasque, la contemplation de l'indomptée nature lui apprendra toutes les surprises que provoquent les éléments.
Sans aucun doute, son père ou lui-même, auront vu le phénomène.
Trois heures de l'après-midi. Nous sommes en avril, plus exactement l'année 1780.
Comme chaque matin, après avoir ouvert les doubles volets de la fenêtre de sa chambre, l'habitant regarde d'abord dans la direction de l'Est pour y percevoir quelque nuage annonciateur de pluie, d'orage ou d'éclaircie. La veille, la lune lui aura dit les caprices du vent.
Monsieur Michaut, architecte à Nice, aura, quant à lui, été bien surpris car personne ne lui a appris à prévoir de cette façon si empirique.
C'est ce qu'il écrit à M. Faujas de Saint-Fond :
"... grande agitation de la mer, bouillonnait comme aurait fait l'eau d'une immense chaudière par l'action d'un feu violent. Cet espace était environné d'une enceinte ou atmosphère de vapeurs blanchâtres et diaphanes, imitant la figure d'un ballon, qui ne s'élevait que ce qui était nécessaire pour envelopper l'aire bouillonnante et conservait un état de tranquillité sans rotation, tandis que le tout avançait en obéissant au vent. Une trombe sortie des nuages avancés d'un orage avait son extrémité inférieure et très amincie au milieu de cette aire bouillonnante...
"... le bout supérieur, très aminci et diminué de toute l'épaisseur déchirée, tenait toutefois au reste et continuait à pomper l'eau que l'on voyait également monter dans la nue, tandis que le reste inférieur de la trombe, qui avait conservé ses premières dimensions, voltigeait au gré du vent en s'allongeant et se raccourcissant, sans jamais abandonner le bouillonnement qui subsistait sur la mer et qui marchait comme la nue, de l'est, à l'ouest...
"... mais un moment après son passage, il tomba d'abord une espèce de neige glacée et réduite, en grenaille , et ensuite une pluie orageuse. On la vit de loin s'amincir, et bientôt après remonter vers les nues à la vitesse de l'éclair."
Le Coup de Foudre d'Eze de la Nuit du 13 du 14 mai 1887
Dans la longue série des évènements météorologiques mémorables, et à la suite de la trombe de Nice, ce coup de foudre historique et demeuré dans les esprits mais, aussi, dans les tablettes des Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences/Institut de France dans sa livraison des mois de janvier à juin 1887.
La communication émane de M. Hubert et est adressée à M. Hermite. Elle vaut d'être citée en son entier tant les détails foisonnent et sont caractéristiques d'autres observations préalables ou postérieures qui ont pu être faites à Eze.
"La nuit du 13 au 14 mai, un orage terrible éclata sur le petit village d'Eze, perché sur le flanc d'un pic qui domine la Méditerranée, à une altitude de 500m, et qui est entouré des forts, encore plus élevés, qui commandent la frontière d'Italie, entre Eza et Menton. AU sommet du pic, il reste les ruines d'un vieux château du temps des Romains, à 80m plus bas, l'église du village, entourée d'une cinquantaine de maisons enceintes dans une ligne de fortifications construites au moyen âge contre les excursions des Sarrasins.
"Le tonnerre s'avançait à coups redoublés, au milieu d'une bourrasque violente de pluie et de grêle qui faisait tout trembler, si bien qu'au premier moment tout le monde crut à un nouveau tremblement de terre, comme celui que nous avons éprouvé il y a deux mois. Mais bientôt deux coups terribles se font entendre en même temps que l'éclair brille d'un éclat sans pareil, et sont suivis chacun d'un craquement épouvantable.
"Au lever du jour, chacun sort de chez soi et l'on accourt sur la scène du désastre : c'était navrant.
"L'un des coups avait effondré un versant du toit de l'église et labouré l'autre à plusieurs places, cassé les vitres, puis, se partageant entre trois des tuyaux de descente des eaux pluviales, les avait fondus, tordus, brisés, projetés au loin : enfin, arrivé en bas, l'un des courants avait abouti à la citerne, sous la sacristie; un autre s'était perdu dans le sol et le troisième, après avoir brisé le trottoir en ciment, s'était creusé un trou de près de 1m de profondeur sur 40m de diamètre, et avait continué ses ravages en fendant du haut en bas le mur de soutènement qui fait partie, en cet endroit, de l'ancienne enceinte fortifiée.
"L'autre coup avait produit un effet encore plus terrible : il avait renversé une partie des ruines de l'ancienne construction romaine faisant crête au sommet du pic, en dessous avait fait éclater une partie du rocher d'environ 20m, et l'avait projetée dans toutes les directions, jusqu'à une distance de 100m. Les flancs de la montage étaient jonchés de ces débris, la place de l'Eglise couverte à ne pas trouver un point où mettre le pied, les toits des maisons d'alentour crevés comme à la suite d'un bombardement et jusqu'au chemin et aux champs voisins où l'on voyait encore des pierres disséminées. Il y en avait de toutes grosseurs, depuis quelques blocs de près de 1m jusqu'à des cailloux, et des ruisseaux de sable dans les ravins.
"Ce qui dépasse tout, c'est, à côté de cette partie, qui a fait comme une explosion, une autre partie détachée de la montagne par une fente oblique, large et profonde, sur une longueur de 20m. Si cette partie, mesurant plusieurs centaines de mètres cubes, venait par un ébranlement quelconque à glisser sur la surface déclive, elle pourrait produire encore de plus grands désastres.
"Après l'exposé de ces effets terribles de la foudre, il me reste à poser une questions aux météorologistes : Ne serait-il pas prudent d'installer un paratonnerre sur le sommet du pic, avec une chaîne assez longue pour conduire la foudre au fond du ravin, car il n'y a pas d'eau sur ce sol rocheux?
"Les établissements du génie qui nous dominent n'ont rien, en effet, sans doute parce qu'ils en sont munis. C'est dans un de ces forts, celui dit de la Tête-de-Chien, qu'au dernier tremblement de terre le guetteur, qui avait voulu interroger par le télégraphe son collègue du fort voisin, avait ressenti une si violente secousse qu'il en avait eu le bras paralysé."
L'année 1887, si terrible pour tout le Comté, le fut encore davantage pour Eze.
Chaque évènement démontrant à chacun la fragilité inhérente à toute installation humaine, renforçait encore davantage le sentiment d'humilité de la communauté ainsi touchée. C'est ainsi qu'en 1910, lors des inondations qui frappèrent la France et notamment Paris, les Ezasques manifestèrent leur soutien au nom même de celui qui leur avait été prodigué des années auparavant.
La Secousse de 1887
L'enveloppe aux tons bleutés porte l'en-tête de son époux : C.M. FIGUIERA, Avoué, Promenade du Cours, 11, Nice (Alpes-Maritimes). Dans les mêmes nuances, le timbre à 15 sous, à destination de Monsieur Albert Figuiera brigadier au 15e escadron des équipages militaires de Privas, en Ardèche.
Le fils du maire d'Eze n'a pas été recommandé. Simple brigadier, il effectue son service loin de son village et de Nice. Sa mère, fille du chevalier François Malausséna, petite-fille de l'Avocat Barralis, n'aurait pas aimé qu'il fût l'objet de quelque protection, malséante à l'époque.
Ce 21 mars 1887, elle le tient au courant du tremblement de terre déjà évoqué au fil de ces pages.
"La panique commence un peu à se dissiper mais ta soeur, ne voulant pas être en reste avec son homonyme : Adèle Gaziglia qui me dit-on est méconnaissable - ne dort plus, ne mange plus - est dans un état d'agitation continuelle, ne veut à aucun prix reprendre la chambre. Cette nuit encore, à minuit, elle demandait à s'habiller et à venir s'asseoir dans ma chambre car, disait-elle, je deviens folle dans la mienne. Elle n'est pas la seule impressionnée mais enfin je trouve cela un peu long et déraisonnable. Nous sommes allés dimanche à la mer d'Eze et j'ai été désagréablement surprise d'avoir une chambre assez maltraitée par le tremblement. Il n'y a rien à craindre mais il y a une séparation très accentuée entre le mur et le plafond. D'assez gros morceaux de plâtre sont tombés juste entre nos deux lits. Je ne crois pas que le vide du vallon est en cause parce que c'est précisément de ce côté que la séparation est plus visible. A Levens ou ton père est allé avec Mr Spinetta, les dépenses pour consolider la maison se monteront à 400 ou 500 frs. Enfin il n'y a pas eu d'accidents de personne. Plaie d'argent n'est pas mortelle. Mr. Blanchi aura lui 8 à 10 mille frs de dépenses à sa maison pour les réparations. Cela me console un peu car si mon loyer est cher au moins nous sommes tranquilles et rassurés sur sa solidité à l'avenir. Pour le moment, cela n'est pas à dédaigner. Si l'occasion se présente nous ferons ce qui nous conviendra le mieux mais il ne faut pas se dissimuler que les immeubles subiront une baisse...Adieu, mon cher Albert. Ecris nous, soigne toi si c'est possible - même à cheval. Ta mère. Affection. Clorine Figuiera"
Lettre de Clorine Figuiera
à à Albert Figuiera

Archives Xavier Cottier
Tout le Comté, pendant plusieurs semaines et, notamment, tout le centre de Nice, a vu ses habitants séjourner à même le sol des rues en prévision de séquelles de la grande secousse et, pour les plus chanceux, devoir s'abriter dans leurs résidences mieux assises et, en général, situées dans l'arrière-pays.
Cette simple lettre et la photo de l'époque nous montrant les conséquences d'une secousse seulement de niveau cinq sur l'échelle de Richter devraient nous mettre en garde à l'endroit de l'insouciance, pour ne pas dire de l'imprévision, qui semble ça et là régner dans les esprits de ceux qui ne se voient plus investis que de la seule mission de rameuter toujours davantage de monde en nos lieux.
De plus, des travaux intérieurs menés à Eze sans le contrôle d'architectes qualifiés devront peut-être un jour nous ramener à plus de raison face à la dramatique constatation que les pessimistes avaient finalement raison.
Puisse le Ciel me donner tort. Quant aux optimistes, aux insouciants et tenants de la défloration du "vrai", leurs discours ne feront rien à l'affaire : sous les ruines ou au-dessus, ils devront répondre de leurs années d'impéritie.
L'Histoire
Des Cours d'Amour

ou
Si les murs pouvaient parler, ils chanteraient...

De la nuit des temps, jaillissent des noms. Puis, à leur lecture ou à leur prononcé, des images. Le Moyen Age, pourtant plus récent qu'il n'y paraît - en tous cas dans nos mentalités - ne fait pas exception à cette règle.
Depuis que les chroniques mentionnent Eze, à un titre ou à un autre, leurs auteurs n'omirent jamais de supposer que le "manor" des Riquier ou le castel des Badat, Blacas et autres feudataires, furent les témoins d'émois non moins charmants qu'ils étaient littéraires : les cours d'amour.
Je noterai, à cet égard, que si tout ce qui n'est pas étayé par des preuves n'est pas forcément erroné, à l'inverse ce qui est généralement entendu comme avéré n'est pas toujours frappé au sceau de la vérité. Il en va ainsi de la légende des cours d'amour à Eze.
En ce 13e siècle, ce qui est aujourd'hui notre pays est davantage le royaume des Francs que la France. Il voit, au sud, surgir de nouvelles puissances. Les Toulouse, par exemple, comtes aussi lettrés qu'ils peuvent être combattants. Au nord, se font puis s'implantent les coutumes, héritières des armées en marche des deux cents ans qui précédèrent, le tout surmonté de l'éternelle quête Chrétienne du retour des Lieux Saints. Fait étonnant, la première Croisade part du Puy et indique ainsi que le centre religieux n'est ni à Paris, ni en Provence. Le centre est au centre, logique médiévale qui rend cette période encore plus attachante et, encore aujourd'hui, l'Evêque de Lyon n'est-il pas l'administrateur religieux de la Primatie des Gaules?
Eze est aux confins. Le village est un lieu de passage, comme de retranchement. Pour autant, n'allons pas imaginer des hommes éternellement en lutte pour défendre biens et familles. Certes, voilà l'éternelle question : peut-on évoquer une période en imaginant que tous et toutes vécurent alors les mêmes choses? La réponse est, bien sûr, négative. D'autant plus que notre temps souffre des mêmes règles et au combien. Néanmoins, des persistances demeurent et c'est même là leur nature.
La Cour d'Amour médiévale est un espace de création et de "trouvaille" ("Trobar" ou trouver). Néanmoins, la fête profane n'a jamais le dessus. Elle se doit, ici comme ailleurs, de toujours succéder à celle religieuse. Un homme du temps aurait tremblé d'effroi si on lui avait dit que sept siècles plus tard le mariage religieux devait légalement être postérieur à celui civil.
Mais la question des cours d'amour d'Eze relève d'un autre ordre. L'origine de cette certitude provient sans doute du patronyme de trois des troubadours les plus célèbres de l'époque. Autre différence, la postérité littéraire ou musicale du temps perdurait bien après la mort de ce lui que l'on avait célébré de son vivant. Il s'agit en l'occurrence de Blacas qui, Troubadour de noble extraction, a une rue à Nice et une réputation à Eze. La difficulté réside sans aucun doute dans la datation de sa présence et de son rôle effectif. Parmi les plus célèbres de l'époque, plus au nord et plus à l'ouest, signalons le plus titré d'entre tous : Richard Cœur de Lion! Mais pas de confusion avec lui, les anglais ne vinrent que bien plus tard!
Le second se trouve être Guiraut Riquier. Il est parmi les derniers représentants de ces auteurs usant de la langue occitane sous la forme codifiée qui émailla tout le siècle précédant.
Puis, enfin, le dernier et notamment en date, Guilhem Figueira, qui est peut-être - et à son corps défendant - la cause première de cette mention des cours d'amours. Il est plausible qu'un érudit en villégiature, ayant en tête les noms rares mais évocateurs des troubadours, ait placé les origines de l'auteur en ce lieu où ce nom, même allitéré, figurait à de nombreux frontons.




