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Textes Littéraires
01/07/2006 - 23:06

Les enfants des ténèbres -20-

Roman - Chapitres 21 - 22 & 23



Les enfants des ténèbres -20-

CHAPITRE XXI

Eugène Vergier et Maxime Anastasio quittèrent l'Horloge vers seize heures. Bastard leur avait fait la proposition du siècle.
A cinquante ans, pensait Eugène, son ami allait enfin connaître la fin de la vie par expédients. La médiocrité et les haricots rouges en conserve ne seraient bientôt plus que de mauvais souvenirs. Il pourra désormais s'intéresser à la correction de son embonpoint, peut-être même se trouver une femme digne de ce nom, pas une de ces grues qui vous ramassent et vous jette après usage.

- Dis donc, Anastasio, où est ce que cette secte trouvera l'argent pour nous payer?"
Le détective garda résolument le silence. Il se demandait pourquoi Chantal Lapierre ne lui avait pas parlé de son accouchement.



CHAPITRE XXII

Ils étaient à pied. Noël approchait. Les gens les bousculaient sans les voir. Extasié, Eugène s'embourbait dans des projets grandioses. Soudain, quelque chose fit tilt entre ses oreilles:
- Dis donc, Tasio, tu peux te procurer tout ce qui a trait à l'affaire Deguers?"
Anastasio, feignant l'étonnement, ouvrit de grands yeux. Mais Vergier n'en fut pas tout à fait dupe.
Il l'est juste un peu, se dit son ami, en lançant péremptoirement pour donner le change:
- Moi, j'ai pas de temps à perdre, Génio. C'est ton idée, mon vieux. Occupe t’en toi-même, tu veux bien?"





CHAPITRE XXIII

L'enfant commença par ressentir un grand froid qui pétrifiait son petit ventre tout rond.
J'ai peur, pensa t il. Il n'eut pas la force de remuer ses membres, pas tout de suite ...
Il pleura un peu, puis ses yeux s'ouvrirent. La porte horizontale du congélateur s'ouvrit dans le même mouvement. Il se dressa sur son séant. Enfin, tout son corps se détendit et il sauta.

Quelque part, dans un entrepôt désaffecté du port, d'autres enfants attendaient et espéraient. Leur chant montait dans un murmure. Leurs torses balançaient en cadence, à l'unisson:
AVE MARIA AVE MARIA
MERCI MON DIEU MERCI MARIE
JOSEPH N'EST PAS CE QUE L'ON DIT !
MALGRÉ LE FEU MALGRÉ LE SANG
LE JOUR VIENDRA OU NOTRE VIE
DANS LES TÉNÈBRES DE L'INFINI
GAGNANT MISÉRICORDE ET OUBLI
S'ETEINDRA SANS CRI SANS PLEUR
POUR QU'ENFIN MEURENT LES GÉNITEURS
MERCI MON DIEU MERCI MARIE
JOSEPH N'EST PAS CE QUE L'ON DIT


Anastasio rentra chez lui un peu fourbu avec, au creux de l'estomac, un sentiment de honte mêlé à de la peur. En gravissant la volée de marches qui menait à la petite chambre au-dessus de son bureau, une vague douleur lui transperça la poitrine. Alors, il but un peu de tout, y compris de l'eau. Mais en se riant d'elle, lorsque dérisoire de transparence, limpide et pure dans sa bien séance, elle se balançait dans le verre au rythme des mouvements de sa main. Il se demanda pourquoi on disait d'elle qu'elle était plate et sans saveur. Quelle innocence elle montrait dans ce verre ! N'était ce pas cela qui avait décidé la maman d'Angela à se laisser glisser dans la mer, à ne pas résister à l'appel des grands fonds ? Et lui, n'aurait il pas du la sauver? Peut être ...

De tord-boyaux en tord-boyaux, la peur le harcelait. Bon dieu, il voulait juste extorquer un peut d'argent! Pas beaucoup. De quoi assurer ses hamburgers, ses bières, un peu de vodka et de médicaments. Il voulait vivre normalement! Seulement sa petite part, la tranche qui lui était dévolue. Mais pas ici,"ailleurs". Là où les enfants vont, là où leurs mères tentent de les empêcher d'aller.
Il se dit que si Vergier n'avait pas été là, il n'aurait jamais marché avec le manchot, jamais. Mais Anastasio voulait savoir. Au fond, pensa t il, pourquoi ne pas concilier, surmonter sa peur ... Empocher l'argent, essayer vraiment de trouver? Mais était ce conciliable?
" Je pourrai! Je pourrai prendre le passage, rejoindre les miens, rouler l'ignoble manchot dans la farine."
L'air de la chambre se vicia. La douleur envahissait maintenant toute la partie gauche de son corps. Une nausée lui secoua les tripes. Un jet de vomis souilla ses habits. Son rire. Rire de celui qui se sait seul et nuisible, qui peut s'humilier sans risque, juste un peu d'amertume et de peur.

Il l'appela. Il le faisait de temps à autre quand la nécessité d'être autre chose qu'un débris se faisait impérieuse, là, quelque part au fond de sa tête.
- Bonjour, Angela. C'est moi."
Papa. Les quatre petites lettres dansèrent devant lui, formant comme un voile à son regard embué.
De l'autre côté, une voix ensommeillée, des accents de bébé...
"Et toi, mon poussin, qui es tu? Quand mon tour viendra, me le diras tu avec tendresse ou bien avec cette cruauté des autres, ceux qui ne veulent pas de nous. Avec un peu de chance, j'aurai trouvé avant: alors, nous irons tous les deux la bas où nous ne serons pas ennemis. Je te comprends Angela, je ne ferai pas comme Maman, je ne t'empêcherai pas de partir".
- Ecoute, mon poussin, il y a cinquante mille francs sous la quatrième latte du plancher.
Compte à partir de la droite en entrant. C'est tout. Pour toute une vie. Je n'y ai jamais touché. Je ne les ai pas bus et c'est pour toi."
Il raccrocha, se prépara à faire la planque chez les Lapierre. Il était fier de ce qu'il avait dit à sa fille. Le fait qu'il ne disposât pas de l'argent n'avait pas d'importance. Il ne comptait pas mourir, seulement partir, et avec elle.

Les mains dans les poches, le dos bien droit, Anastasio se mit en marche vers l'est de la ville. Une petite pluie fine lui battait le visage.
L'enfant sortit du garage des Lapierre juste devant lui. Il rampait. La porte s'était soulevée dans un grincement un peu vieillot, comme si les gonds, fatigués d'obéir, rechignaient.
L'enfant rampait vers lui et il se baissa pour l'attendre.

Angela, il aurait dû lui dire qu'il n'avait jamais su que l'histoire de l'"Assistance" qui l'avait "placé" dans sa famille adoptive, c'était du chiqué. Mais il n'avait jamais su et voilà tout. Quand l'avait il su, au fait?
"Tu l'as toujours su, Tasio. Depuis ce jour où le feu prit dans la maison de tes parents adoptifs. Ce jour où tu les vis écarlates de brûlures et que cela te rappela les écrevisses du dimanche. En moins joli, avais tu pensé. C'est sale, avais tu crié."
L'enfant s'arrêta tout près, cria Papa dans un grand rire et s'en fut là-bas, dans les ténèbres. Quelque part au fond de lui, Anastasio savait que c'était un cauchemar. Il tint bon, parce que tout a une fin. Anastasio comprenait que l'enfant ne se sentirait jamais en sécurité avec ses parents, son propre parcourt n'en était il pas la preuve?


Henri Vario










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Mardi 4 Décembre 2007 - 22:11 Les enfants des ténèbres -34-

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