Notes Philosophiques ou Voyage en Anachronie -

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Samedi 15 Octobre 2005
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 JEAN LORRAIN OU LE MAL DE VIVRE

    Un homme comme lui ne peut s'appeler Duval, aussi son nom de plume sera-t-il : Lorrain.

    Son nom est rattaché à Eze de façon étrange. Ma grand-mère me conta maintes fois ses rencontres avec l'écrivain. Elle le remarqua alors que s'étant assise à ses côtés il lui sembla sombrer dans le plus grand des sommeils. Un ami à qui elle confia cet extraordinaire fait, lui répondit simplement "Mais vous ne savez pas que Jean boit de l'éther. C'est un éthéromane?"

    L'homme est né malade mais il a aggravé sa peine par tous les abus que la morale réprouvait sur le papier mais contemplait non sans délectation. Il pensa panser les blessures de ses épanchements de toutes sortes en allant dès 1905 dans la région niçoise et fit de nombreuses cures à Peira Cava où le maire d'Eze avait une propriété. Puis, charmant qu'il était, passa par tous les salons littéraires ou ludiques de cette province vers laquelle Paris l'avait exilé.

    Son œuvre est si marquante de la période qu'il ne s'est jamais vraiment fait oublier alors même qu'alors elle a pu être jugée mineure. Sa richesse ? La décadence. Celle-là même qui fit les très riches heures de la Belle Epoque. Rien ne se fit, rien ne fut vraiment créé mais tout fut transformé 

     L'important est qu'il fût un véritable écrivain et cela il le fut. Ses paradigmes sont souvent empruntés - notamment à d'autres - mais sa poésie est personnelle. Il a la légèreté qui manque à Proust ou à Huysmans mais possède cette profondeur ironique d'un Byron ou d'un Wilde. Il est du temps et cela lui vaut un peu d'oubli.

    Sur Eze, il n'écrivit rien d'inoubliable, précisément, mais cet extrait vaut la peine d'être cité ici.

    "Quand les amandiers seront en fleurs et le bleu du large s'éclaboussera de floconnements roses, qui seront autant de branches de pruniers ou de pêchers, c'est alors que vous sentirez monter des golfes et des promontoires la poésie virgilienne de nos vergers d'oliviers... Ah! la silhouette violâtre du rocher d'Eze, les arabesques d'or de l'Estérel dans le couchant, là-bas, à l'extrémité de la baie des Anges, la nostalgie des voiles latines tachant de rouille l'horizon, et, sur le bloc des môles, cette eurythmie antique, les pieds nus des pêcheurs!..."


Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Samedi 15 Octobre 2005 à 00:36
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