Notes Philosophiques ou Voyage en Anachronie -

L'Histoire

Lundi 17 Octobre 2005
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Le Rattachement de Nice à la France  (II)

"On ne détruit que réellement que ce qu'on remplace."

Napoléon III

 

(Article précédent)

I Les Questions (suite) :

Nous l'avons vu. Les faits historiques sont à prendre en compte. Mais également les mentalités, en un mot le quotidien des deux protagonistes d'alors.

Les avocats de l'annexion mirent en avant - et a posteriori en général - l'argument de la langue. Le Niçois, dérivé du Provençal, justifierait à lui seul le rattachement à la France de ses locuteurs.

Cette affirmation n'est pas seulement erronée mais elle a pu être démontrée dangereuse. Se souvient-on de l'annexion des Sudètes par l'Allemagne en 1938 sur le fondement des germanophones de Bohême et Moravie? Ainsi, le Provençal qui n'est pas une langue nationale française mais régionale ferait que Nice est naturellement française. Dès lors, quid de l'Alsace et de la Lorraine, de la Belgique, de la Suisse et du Luxembourg? Les deux premières devraient être allemandes et les suivantes françaises? Mais, de même, une partie des Belges ne parle-t-elle pas l'Allemand? Il convient donc de l'affirmer, la langue n'est pas un critère d'appartenance. Ce, d'autant plus, qu'en 1860 et pendant tout le siècle qui a précédé, si le niçois est langue du quotidien, elle n'est pas celle des actes de la pratique, des communications commerciales écrites et des récits.

Enfin, la langue Niçoise est très largement autonome du Provençal au moment de l'Annexion et a suivi son propre cursus, détachée de la fixation définitive de la langue des Félibres par les Mistral ou Daudet.

Extrait du Journal du capitaine Ludovic Figuiera, 1788 (Collection XC)

 

Ainsi, le jeune capitaine Figuiera, écrit-il son journal de bord en italien. Nous sommes en 1788. 

Acte de cession du droit d'usage de la fontaine publique d'Eze du 1er juin 1851- Collection XC

De même, parmi beaucoup d'autres, cet acte de 1851, rédigé en langue italienne.

Les signes :

Argument rarement considéré : les Niçois auraient-ils contresigné leur annexion à la France par fierté de contribuer à l'Unité Italienne?

Chez eux, nul irrédentisme populaire, manifestations de foules en faveur d'une intégration au grand voisin gouverné sous la forme d'un empire libéral somme toute avenant. En revanche, la "question" qu'ils connaissent bien est celle de la formation d'une grande Italie dont le monarque ne serait autre que le chef de la Maison de Savoie. Pourquoi ne pas envisager celle de Bourbon des Deux-Siciles? Dès lors, la question de 1860 aurait, sans doute, été posée à la Sicile qui compte une présence "franque" de plus d'un millénaire et qui fit l'objet de maintes invasions françaises.

Voilà pourquoi. Le nouveau représentant de la Maison des Deux-Siciles, le roi Ferdinand III, meurt en 1859. François II, son successeur, saisissant de faiblesse, est bousculé par les troupes de Guiseppe Garibaldi qui, le 11 mai, prennent Marsala. Le 6 septembre, c'est le tour de Naples, l'armée du Nord rejoignant les garibaldiens et autres insurgés siciliens pour éviter la création d'un royaume séparé de l'Italie.

Il en est sorti la proclamation du Royaume d'Italie à Turin le 18 février 1861. Victor-Emmanuel II inscrit ainsi dans le marbre le fait patent que l'unité italienne a été le fruit des efforts du royaume de Sardaigne et de la Maison de Savoie.

A ce stade, il convient d'affirmer un fait, lui aussi, peu évoqué. Le Comté de Nice ne fut jamais ce petit état enclavé, si ce n'est fermé, composé d'un peuple insouciant et non informé. La vraie guerre, politique et militaire, qui fait rage en Italie est parvenue aux oreilles et consciences niçoises. Le niçois de la rue, comme celui des allées du pouvoir, est la témoin au quotidien des affrontements entre les revendications autrichiennes, pontificales et locales. Celle de la France : Nice et la Savoie, prix du soutien au nouvel état italien, n'en est qu'une parmi d'autres et la capitale de notre niçois est bien toujours Turin. On y fait ses études (Malausséna y fit son droit), du commerce, on y a des cousins et des amis. Au mois d'avril 1860, Nice se sent italienne plus que jamais. Son maire pense, parce que Sa Majesté le lui a confirmé, que le dernier verrou vers la Grande Italie, demeure cette question du rattachement du Comté à la France. Le vote qui en résulta est le fruit, lui aussi, de cette conviction.

Plus important encore. Le Traité publié par le Moniteur le 30 mars 1860, est avant tout un "contrat intuitu personae". Ce fait n'est pas important, il est CAPITAL.

(Le "Moniteur" - 30 mars 1860 - Collection Xavier Cottier)

 

I Le Contrat des Peuples :

Un traité, texte figurant au sommet de la hiérarchie légale dans le monde entier et singulièrement en France, revêt, en général, deux natures.

Ratification d'un état de fait, il fait peu cas de la conscience des peuples et, ce, parce qu'il est signé après une guerre ou d'une occupation. Les frontières sont tracées au cordeau, passent au milieu des langues et des communautés, sans souci de la réalité des échanges et de l'histoire. Il fait partie, en ce mois d'avril 1860, d'un passé quasi médiéval.

Le second, est un contrat. Il correspond davantage au "droit de cité" romain et dépend exclusivement de la nature et de la qualité des peuples et de ceux qui les gouvernent.

Il s'agit bien de cette dernière situation en cette milieu du XIXe siècle. Tout d'abord, la personne de Napoléon III. Disons, au passage, comme il est triste de constater combien la France dans son ensemble, ne tenta pas d'instruire les nombreux mauvais procès qui lui furent faits après la défaite de Sedan. Ils lui valent toujours de reposer en Angleterre. Le neveu de Napoléon Ier reposant chez ses geoliers! Plus grave, même en 1860 l'on ne sentit pas la moindre véritable gratitude nationale pour le ci-devant Prince Président, devenu Empereur éclairé, alors que sa diplomatie donna à la nation deux irremplaçables sources de richesses de tous ordres : le Comté de Nice et le Duché de Savoie.

Les niçois gardent, en général, un bon souvenir de l'occupation française d'après Thermidor et le Général Bonaparte, l'italianisant, contribua à insuffler de la conquête et de l'héroïsme sur une terre qui s'endormait quelque peu. Puis, "la paille au nez" étant devenu Empereur, Roi d'Italie, etc. ils voient se dessiner les traits d'une Europe en mouvement.

Trente-cinq ans plus tard, le personnage du Prince Louis-Napoléon est considéré avec intérêt par les niçois. Son cursus italien - ne fut-il pas membre des "carbonari" -, le rétablissement de relations normales avec le Roi de Sardaigne puis la contribution de l'institution de celui-ci en Roi d'Italie, la nature même du régime qu'il a édifié, soit l'Empire Libéral, font que son image est familière, pour ne pas dire amicale.

Les notables niçois ne sont pas plus réservés mais, disons, plus prudents et il est avéré qu'il faudra rien de moins qu'un empereur et un roi pour convaincre François Malausséna d'apporter son poids politique à l'entreprise de l'Annexion.

Puis, vint le temps de la défaite. Napoléon III à l'instar de son oncle illustre, succombe à une bataille et avec lui la France. Ce n'est, peut-être, qu'à partir de 1871 que Nice se sent française de cœur, avec le regret à l'âme de penser à rejoindre l'Italie naissante. Le lien, cette touche d'intuitu personae si importante, est rompu. Ce manque de lien explique le NON français à l'Europe de 2005. Car qui a dit :

"L'important, c'est que le gouvernement, quelle que soit sa forme, s'occupe du bonheur du peuple." ? Le Prince Louis-Napoléon en 1839.

Qui a dit : "Le gouvernement n'est pas comme l'a proclamé un économiste distingué, "un ulcère nécessaire" ; mais c'est plutôt le moteur bienfaisant de tout organisme social." ? Le Prince Louis-Napoléon en 1839.

Qui a dit? "Quant aux réformes possibles, voici celles qui me paraissent les plus urgentes : admettre toutes les économies qui, sans désorganiser les services publics, permettent la diminution des impôts les plus onéreux au peuple ; encourager les entreprises qui, en développant les richesses de l'agriculture, peuvent donner du travail aux bras inoccupés ; pourvoir à la vieillesse des travailleurs par des institutions de prévoyance ; introduire dans nos lois industrielles les améliorations qui tendent, non à ruiner le riche au profit du pauvre, mais à fonder le bien-être de chacun sur la prospérité de tous." Oui, toujours lui.

 

 

 

Napoléon III sur son lit de mort

 

 

 

 

 

   

  

 


Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Lundi 17 Octobre 2005 à 12:55

L'Histoire

Vendredi 14 Octobre 2005
G. Garibaldi
G. Garibaldi
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GARIBALDI

 

 

(Archives Xavier Cottier)

L'HOMME DE CAPRERA

 

    Mille huit cent soixante seize. Beau temps ce 19 juin sur l'île de Caprera. Bien que malade, vieilli et déçu - les lions finissent toujours solitaires - Guiseppe garde un oeil sur l'Etat, c'est à dire l'Italie, presque son œuvre, puis sur sa famille.

        Agostino Deprestis est au pouvoir. Homme des vaillants "Mille", il alloue une pension au héros que celui-ci accepte car elle vient d'un des siens.

        Homme d'état ou aventurier, grand général ou mercenaire, Garibaldi demeure l'une des figures du temps des Nations. Il fut partout. Trop, sans doute. Mais il risqua sa vie. Il prit position; toujours. Mais il changea d'opinion. Certes. Mais il est des revirements qui font les héros. Ainsi, l'homme qui jugea inconsidéré le rattachement de Nice et de la Savoie à la France, fut le même qui onze ans plus tard allait se battre jusqu'en Bourgogne pour qu'une autre idée Européenne ne prévalût jamais sur celle latine. Franc-maçon, il se marie à l'église. En un mot il est italien. Non du bout des lèvres et par choix. Non pas. Ardemment et puissamment italien. Les niçois, peu enclins à la rancune, ne l'oublieront jamais.

        C'est donc de son exil qu'il prend la plume pour s'adresser à son avoué. Mais, pour lui, il est plus que son homme de loi. En effet, César-Marie Figuiera connaît bien sa famille. De plus, autre intérêt pour le grand homme, il est l'époux de la fille du Chevalier François Malausséna. Garibaldi n'a pas aimé les choix de dernière minute du maire de Nice mais il connaît son influence. Or, les Garibaldiens sont à la grande Italie (qui s'étend à ce qui est italien, l'a été ou compte de communautés italiennes) ce que les Bonapartistes sont à la France. Force d'appoint mais jamais de ralliement, minoritaire car mouvement de cadres et non de masses. Tous attendent leur heure.

        César-Marie FiguieraCollection XC -

        C'est celle de sa fin qui est promise au pater familias de Caprera. Mais, pour l'instant, ce qui le préoccupe est une maison dont il est propriétaire et au sujet de laquelle César-Marie Figuiera a écrit à son fils Menotti. Plus directement, il veut que son avoué niçois s'en occupe directement avec son fils. Ces affaires, visiblement, ne le concernent plus. Pour autant, sa missive n'est ni froide, ni purement technique. Guiseppe n'oublie pas de demander à César-Marie de saluer son "... cher cousin Damiano" pour finir par un amical "Sone vostre".

Lettre de G. Garibaldi à C-M. Figuiera - 1876 - Collection Abeille

        Faut-il s'en étonner? La famille de César-Marie Figuiera et ses successeurs - dont fait partie votre serviteur - conservera toujours à l'endroit de Garibaldi un respect qu'elle pense devoir tant à l'homme qu'à ce qu'il a accompli. Bien sûr, les temps étaient propices à la bravoure et aux actions d'éclat. mais je demeure convaincu que ce n'est pas la pièce qui fait l'acteur mais l'acteur qui fait la pièce.

 

"L'idée de patrie est une idée de ville. La petite patrie, c'est la grande, c'est l'unique."
 Jules Renard  
Extrait de son Journal 1893 – 1898 
 

Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Vendredi 14 Octobre 2005 à 21:48

L'Histoire

Jeudi 13 Octobre 2005
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TOPONYMIE

    A l'occasion du centenaire du Rattachement de Nice à la France, le Centre Universitaire Méditerranéen publiait une somme sous la forme d'un numéro spécial de ses annales (Treizième volume 1959-1960, au sein duquel figurait la conférence du Professeur Charles Rostaing, alors Professeur à la Faculté des Letttres d'Aix-en-Provence, donnée le 22 janvier 1960.

    Je vous soumets donc son analyse de la toponymie d'Eze :

     "Eze, (de Avisione, IV" s.) est le même mot que le nom du village corse de Evisa, non moins caractéristique : la racine est Av-, Le Bar, qui, malgré son orthographe moderne ne présente pas du tout l'article; Le Bar était en effet, en 1078 Albarnum, il est formé du thème Al-B, qu'on retrouve dans le nom de la célèbre cité rivale de Rome, située, comme vous le savez, sur une colline, et qu'on retrouve aussi avec une variante consonnantique dans le nom des Alpes. C'est donc la colline, une fois de plus... Ilonse, (Yloncia, XV" s.), nid d'aigle, lui aussi, qui est dérivé de la racine Il-, qu'on retrouve dans Ilion, l'ancien nom de la citadelle de Troie qui était, comme toute citadelle qui se respecte, sur une colline, et dans le mot ibère ili, qui veut dire ville."


Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Jeudi 13 Octobre 2005 à 21:29

L'Histoire

Mardi 11 Octobre 2005
Le Rattachement de Nice à la Fra

Le Rattachement de Nice à la France  

« L’intégration est le préalable sociologique à la juridification »

Professeur H. A. Schwarz-Liebermann von Wahlendorf

 

Introduction :

 

Rattachement ou annexion ? La question est juridique et d’ordre constitutionnel. Linguistique même alors que le Dictionnaire de l’Académie Française, à l’entrée Annexion, nous suggère ce qui suit :

 

« (1)ANNEXION n. f. XIVe siècle. Dérivé d'annexer.
Action d'annexer ; résultat de cette action. L'annexion d'un pays par un autre. L'annexion de la Savoie à la France. L'annexion d'un champ à une propriété. Par méton. Ce qui est annexé. Étendre les lois du pays à ses annexions, aux territoires annexés. »

 

« L’annexion de la Savoie à la France » !

 

Qui faut-il donc croire ?

 

Avant tout, les faits, outre l’analyse des conditions qui les engendrèrent. Mais aussi les hommes, les acteurs de ces quelques années qui, au cœur du XIXe siècle, bouleversèrent l’Europe et, peut-être, le monde.

 

Suivant en cela le Dictionnaire de l’Académie Française, j’utiliserai le terme « Annexion ». Le premier fait indiscuté est que pour la première fois en 1860 entre dans le droit diplomatique universel la notion du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Elle ne s’appliquera plus dès lors et jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale comprise, qu’aux territoires détenus soit par la France, soit par l’Allemagne. Il s’agit, bien sûr, de l’Alsace-Lorraine.

 

En quoi l’auteur de ces modestes lignes – des « mélanges » dirais-je – est-il particulièrement concerné par le sujet. Tout d’abord en sa qualité de juriste qui eut l’incroyable chance de suivre les cours de Droit Constitutionnel du Professeur Professeur H. A. Schwarz-Liebermann von Wahlendorf dont la citation figure en tête des présentes. Puis, de façon plus personnelle et subjective, en celle de descendant de l’un des acteurs Niçois de l’Annexion, François Malausséna, sa fille Clorine ayant épousé César-Marie Figuiera, lui-même père de mon arrière grand-père. François Malausséna est donc mon quadrisaïeul.

 

Relativement à la citation du Professeur Schwartz-Liebermann von Wahlendorf, éminent comparatiste et corédacteur de la Constitution Allemande d’après guerre, elle est un condensé des problèmes passés et contemporains liés à l’adéquation entre les faits et le droit, Ainsi, l’intégration de Nice à la France préexistait-elle, en tant que préalable sociologique, à la juridification, c'est à dire à la ratification de son rattachement à celle-ci ?

 

Quant aux liens familiaux avec le dernier Sindaco de Nice et le premier Maire de Nice Française, ils me permettront peut-être de pouvoir apprécier quasiment de l’intérieur en quoi François Malausséna a respecté sa conscience tout d’abord, puis celle des Niçois.

 

I Les Questions :

 

La première est essentielle. Les liens historiques entre Nice et la France justifiaient-ils que la première soit rattachée à l'Empire en 1860?

 

Quelques dates :

 

Lorsque Nice quitte la Provence en 1388, celle-ci n'est pas française. Elle ne le deviendra qu'en 1481 à la suite de la mort du Roi René. Il est donc historiquement et constitutionnellement impossible de prétendre que le Comté de Nice a une première fois quitté le giron national et avait donc vocation à le recouvrer quelques siècles plus tard. Au demeurant, en 1526, les Terres Neuves de Provence deviennent le Comté de Nice, signe supplémentaire d'un souhait de se dégager de la Provence occidentale et Française.

 

Les "incidents" de 1538 et 1543, déjà évoqués ici, ne constituent pas des annexions ou des rattachements du fait de François Ier, Roi de France et de ses alliés. Ils sont des occupations de nature précaire qui, d'ailleurs, ne furent pas constitutives de droits.

Sceau duc de Savoie Emmanuel Philibert dans boite métallique.- 1560.- BB 98/2

 

Certes, en 1691, Louis XIV se pare du titre de Comte de Nice, mais cette fiction juridique est combattue savamment par le mariage de la fille du duc de Savoie avec le petit-fils de Louis XIV. Dès lors, hormis la destruction du château de Nice et le démantèlement de celui d'Eze dans les années 1704, la France n'apparaîtra plus avant une centaine d'années.

 

D'ailleurs, et cette fois, l'argument est meilleur.

 

En-tête d'une lettre du Général Eberlé, gouverneur de Nice sous l’Empire.- 17 Thermidor An 10.- 2 H 026, f°125.

 

La Révolution en marche avance au son du tambour de guerre. L'Est, refuge des "tyrans", menace la Convention. Nice ne fait pas exception et le 29 septembre 1792, les troupes révolutionnaires commandées par le Général Anselme, entraient dans Nice, Villefranche et ses environs.

 

    Le 10 janvier 1793, soit onze jours avant que le Roi de France ne monte les marches de l'échafaud, la Convention reçoit deux envoyés du peuple niçois. Le député Veillon et Jean-Dominique Blanqui qui est né à Eze en 1757, dans le quartier de la Trinité, séparé de la commune en 1818. Jean-Dominique Blanqui fut  professeur de philosophie et d'astronomie au Collège ci-devant Royal de Nice. Les deux émissaires apportèrent les résultats des votes des assemblées primaires, celles-ci devant se prononcer sur la réunion de Nice à la République. Ce vote très indirect et conduit en présence de l'armée révolutionnaire, conduisit le 4 février suivant au décret prononçant la réunion des "Alpes-Maritimes" à la République.

 

    La discussion a pu naître quant à la validité de cet acte pris en tant de guerre, sous le feu du demandeur et à quelques lieues des Austro-sardes qui tiennent l'Authion et le fort de Saorge.

 

    Quoiqu'il en soit, la France s'installe et les notables Niçois, tous résistants dans l'âme qu'ils peuvent être, doivent penser à organiser leur nouvelle vie sous ce nouveau régime. Ainsi Ludovic Figuiera, grand-père de César-Marie Figuiera, mari de Clorine Malausséna,  qui fut élu maire par l'assemblée primaire du 9 décembre 1792 puis réélu par celle-ci le 24 mars 1793 et restera en fonction jusqu'à brumaire an III.

Ludovic Figuiera

Brumaire au sonorités bonapartistes et voilà qu'il est promu Président de la Commission Municipale par arrêté des Représentants du Peuple près l'Armée d'Italie en brumaire an III. C'est d'ailleurs lui qui recevra le Général Kellermann dans sa maison d'Eze.

En l'an IV, il est Agent municipal dans le cadre de l'administration municipale du Canton de Monaco et maintenu à ces fonctions jusqu'à ventôse an V.

Il démissionnera de ce poste, dit-on pour raison de santé, le 5 thermidor an V. Thermidor...

Pourtant, il est à nouveau désigné en qualité d'agent municipal par l'administration du Canton de Monaco le 5 germinal an VII ce par deux fois jusqu'au 1er floréal an VII.

Il sera même, pour un temps, Président de l'administration municipale du Canton de Monaco en pluviôse an VIII.

Puis, jusqu'en 1814, il fut sans interruption maire du village d'Eze.

    Ces multiples étapes ne permettent pas, néanmoins, de parler d'intégration d'un territoire à un autre que ce fut politiquement ou sociologiquement. Les Alpes-Maritimes sont donc "Françaises" de 1792 à 1814, soit environ vingt-deux ans. Ce sont précisément ces quelques décennies qui suffirent à créer une scission au sein du Comté. D'une part le "parti Français", d'autre part le "parti - plus tard dit - Italien".

 

    Ne l'oublions pas. En cette Europe du début de l'ère Moderne, une seule puissance peut être dite de type "moniste", c'est à dire d'une seule substance linguistique et politique : la France. L'Angleterre n'est qu'une une partie du Royaume-Uni, la Prusse ni plus ni moins importante que les multiples principautés de Courlande ou petits royaumes de Bavière, l'Italie itou,  jusqu'à la Russie dont le tzar tente depuis des siècles d'étendre le pouvoir central vers ses marches, mais sans grand succès.

 

    Le Comté de Nice, avant 1388, après 1792, n'ignore pas que son voisin est un ogre. D'autres parties de l'Europe, à la même période, auront en même temps un sentiment identique à l'endroit d'autres puissances également voisines. L'Europe contemporaine est sans doute née de l'acception des uns, née de la force des autres. Rares sont les mariages d'amour entre nations mais bien plus souvent de raison. Les quelques jalons qui précèdent ne semblent pas pouvoir augurer de l'Union de 1860.

 

    La cause de cette idylle doit donc être recherchée ailleurs.


Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Mardi 11 Octobre 2005 à 18:05

L'Histoire

Dimanche 9 Octobre 2005
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1861-1865

LE RECENSEMENT DU QUOTIDIEN

 

 

Le Second Empire gouverne de façon scientifique. Avant tout, il recense les forces du pays et découvre en cette année 1861 celles très particulières du Comté de Nice.

 

Ces chiffres ont été publiés et sont une mine de renseignements sur le quotidien de l'arrondissement de Nice dont fait partie Eze.

 

Au lendemain du Rattachement, les activités du village sont agricoles et artisanales entre la culture de la terre et la confection des outils pour ce faire. Mais il y a bien d'autres activités que les visiteurs venus de Paris ont détaillé avec minutie.

 

Nombreux sont ceux des Ezasques qui allaient chercher à Nice un emploi. Le recensement national de 1861-1865 nous brosse le paysage professionnel de Nice et de sa région.

 

Les fonderies

 

Le chiffre est impressionnant. Deux fonderies à Nice! Douze hommes y travaillent ainsi que ... deux enfants. Ces derniers touchent 0,60 francs, les adultes eux 3 francs. Sans commentaire.

 

Les jarres

 

En revanche, une seule fabrique de jarres n'employant que six personnes : trois femmes, trois hommes. Le salaire n'est que guère inférieur à celui des fondeurs mais le personnel produit quatre cents trentes jarres par an ce qui semble considérable.

 

Le temps - et pas seulement lui - a fait disparaître la plupart des hautes jarres qui ornaient maisons et rues d'Eze. Il en reste malgré tout quelques unes et il convient d'assurer leur conservation.

 

Le Bâtiment

 

Une fabrique de plâtre, une fabrique de chaux. Il s'agit d'établissements commerciaux et non comme ici à Eze de ces fours individuels qui produisaient d'importantes quantités de chaux destinées à la construction et surtout l'entretien de nos maisons.

 

Elles emploient trente-six personnes dont cinq enfants. Imaginons l'épreuve d'une seule journée de travail! Leur salaire est celui des fondeurs et ils produisent par an  deux mille deux cent quarante mètres cubes de chaux. Impressionnant!

 

L'éclairage

 

Nice s'éclaire au gaz. Il est confectionné dans une seule usine composée de douze ouvriers qui travaillent à partir de la houille. Mais il convient de mentionner également les chandelles. Une seule fabrique de même et qui n'en produit que trois cents vingt kilos. Il est vrai que beaucoup achetaient leurs bougies en Italie qui, grâce à la "technologie" des cierges d'église, produisait une lumière de plus longue durée et avec moins de fumée.

Photo Jean GillettaGazomètre de Nice

 

Archives photographiques (Médiathèque du Patrimoine) (c) Caisse nationale des Monuments historiques

 

L'alimentation

 

Il constitue le poste le plus important en quantité d'établissements. Dix-huit au total et il s'agit de fabriques de vermicelles. Cent vingt et un ouvriers y assurent la fabrication d'une production d'une valeur annuelle de cinq mille francs.  Par ailleurs, une chocolaterie où seulement trois hommes travaillent.

 

Habillement et Toilette

 

Nice est peuplée de six parfumeries et distilleries d'essence. Elles emploient vingt-deux ouvriers et travaillent sur trente-trois machines. Aspect intéressant et permanent : la durée du chômage dans cette branche est évaluée à huit mois! Il s'agit là et à cette époque, de la période estivale où Niçois et hivernants quittent la région. Ce chiffre considérable est le plus important de toutes les évaluations des précédents postes et il indique, s'il le fallait, que la question clé du tourisme était et demeure celle de la "saisonnalité". Les administrateurs de 1861 semblaient davantage s'en soucier qu'aujourd'hui.


Xavier Cottier
Rédigé par Xavier Cottier le Dimanche 9 Octobre 2005 à 21:27
Notes Philosophiques ou Voyage en Anachronie -